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Politique

El Hadji Ndary GUEYE, (Co-détenu d'Idrissa SECK) : ‘Ce que j'ai enduré à la Dic et à Rebeuss’

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El Hadji Ndary GUEYE, (Co-détenu d'Idrissa SECK) : ‘Ce que j'ai enduré à la Dic et à Rebeuss’
Après son emprisonnement avec Idrissa Seck pour complicité d'atteinte à la sûreté de l'Etat, le journaliste-écrivain El Hadji Ndary Guèye se pose toujours des questions sur les raisons qui ont amené le juge à l'envoyer à Rebeuss malgré son innocence. Celui qu'on présentait comme un proche de l'ancien Premier ministre, dit pourtant n'entretenir aucune relation avec lui. Aujourd'hui qu'il réclame des dommages et intérêts à l'Etat, El Hadji Ndary Guèye n'écarte pas de saisir la justice et les organisations des Droits de l'homme si son appel ne trouvait pas écho favorable auprès du président de la République.

Wal Fadjri : Quelles relations entretenez-vous avec l'ancien Premier ministre Idrissa Seck pour que vous vous retrouviez, avec lui, emprisonné pendant seize semaines pour atteinte à la sûreté de l’Etat ?

El Hadji Ndary Guèye : Je n'entretiens aucune relation avec Idrissa Seck. Je crois que c'est la transitivité qui a joué dans cette affaire : Etant un proche d’Hassan Farès qui était un ami d'Idrissa Seck, les gens ont vite fait la relation en se disant que moi aussi, j'étais un ami d'Idrissa Seck. Je crois sincèrement qu'on cherchait juste à étoffer ce dossier d'atteinte à la sûreté de l'Etat et à la défense nationale.

Wal Fadjri : Vous avez quand même connu Idrissa Seck bien avant votre arrestation.

El Hadji Ndary Guèye : On s'est parlé pour la première fois sur le perron du secrétariat général de la présidence. Et on n'en avait même pas eu pour longtemps. C'est pour vous dire qu’Idrissa Seck n'a jamais été un ami, comme certains le pensent.

Wal Fadjri : Vous deviez alors être surpris en apprenant votre inculpation pour complicité d'atteinte à la sûreté de l'Etat.

El Hadji Ndary Guèye : J'avais senti que l'Etat faisait fausse piste en m'accusant. Je n'étais pas du tout l'auteur d'un présumé livre intitulé ‘Lui et moi’. Je n'étais pas non plus porteur de documents top-secret que je devais transférer à l'étranger. C'est quand je suis allé à la Dic que j'ai compris que la fouille munitieuse dont j'avais fait l'objet, avait pour but de retrouver les éléments que j'ai énumérés. Mais ils n'ont rien trouvé.

Wal Fadjri : Au moment de votre arrestation, n'étiez-vous pas en train d'écrire un livre ?

El Hadji Ndary Guèye : On me prête l'idée d’avoir écrit en tant ‘nègre’ d’Idrissa Seck ‘Lui et moi’, mais il n'en est rien. J'avais cependant un projet de livre qui n'avait rien à voir avec celui qui a prêté à Idrissa Seck. Ce livre n'a jamais été publié au Sénégal, car au moment où je devais le faire, j'ai été arrêté. Ce livre portait sur la situation du pays en général : comment nous avons vécu l'alternance, les attentes déçues des populations, etc. Je crois quand même qu'Idrissa Seck a assez de talent pour écrire son propre livre.

Wal Fadjri : Qu'est-ce qui s'est passé quand on vous a conduit à la Dic ?

El Hadji Ndary Guèye : J'avoue que mon passage à la Dic a été extrêmement douloureux. Imaginez que je suis entré dans le bureau d’Assane Ndoye à 11 h et je n’en suis sorti qu’à 23 h avec tout ce qu'il y a comme fouille, sans compter une rafale de questions savamment orientées pour vous faire tomber dans le piège. Et tout cela sans la présence de votre avocat. Je crois que ce n'est pas digne de notre pays. Par ailleurs, il y a la garde à vue. Ma première nuit, je l'ai passée au commissariat du Plateau dans une petite cellule avec des malfrats, couché à même le sol. C'est humiliant. La deuxième nuit, on m'a conduit au commissariat du Point E où j'ai dormi dans les mêmes conditions.

Wal Fadjri : Avez-vous été torturé à la Dic pour vous faire passer aux aveux ?

El Hadji Ndary Guèye : Tortures physiques, non. Mais ce que j'ai subi, ressemble presque à une torture. On vous déshabille et on vous fouille partout. En fait, j'avais senti que ces gens étaient convaincus de trouver des pièces à conviction sur moi.

Wal Fadjri : Vous étiez dans les mêmes conditions à Rebeuss ?

El Hadji Ndary Guèye : A Rebeuss, c'était un peu différent, car je savais maintenant que c'était le terminus. Je venais de me faire signifier par la doyenne des juges que j'étais accusé de complicité pour atteinte à la sûreté nationale. J'avoue que quand elle l'a dit, j'ai souri puisque cela était grotesque, trop tiré par les cheveux. Et une fois à Rebeuss, je me suis dit que j'en aurais juste pour quelques jours. Malheureusement, j'y ai passé seize semaines.

Wal Fadjri : Avez-vous croisé Idrissa Seck à Rebeuss pendant vos heures de promenade ?

El Hadji Ndary Guèye : On se croisait souvent quand il allait au parloir. Mais comme on nous avait interdit de communiquer, il nous était impossible de se dire quoi que ce soit. Sauf qu’un jour, j'ai eu à le titiller en lui disant : ‘Monsieur le Président’. Et mal m'en a pris parce que le garde pénitentiaire en chef m'a sermoné en me disant que c’était formellement interdit de communiquer entre nous et que je ne devais plus recommencer, sinon j’allais être puni.

Wal Fadjri : Etiez-vous dans le même secteur ?

El Hadji Ndary Guèye : Moi, j'étais vraiment au cœur de la détention, alors qu'Idrissa Seck était de l'autre côté, juste à l'entrée.

Wal Fadjri : Avez-vous rencontré Idrissa Seck après votre sortie de prison ?

El Hadji Ndary Guèye : Je l'ai rencontré une fois durant la campagne électorale. C'était à l'occasion de sa rencontre avec la Cnes pour expliquer son programme de gouvernement aux opérateurs économiques. Mais on s'est juste serré la main et c'est tout. En fait, le temps et le lieu ne nous permettaient pas de discuter. Par contre, on a discuté un peu au tribunal juste après notre face-à-face avec la doyenne des juges qui venait de nous signifier notre départ pour Rebeuss. Mais là également, c'était pour nous remonter mutuellement le moral puisque chacun de nous se demandait réellement ce qui se passait. Comme nous autres ses co-inculpés, Idrissa Seck n'avait rien compris de ce qui lui arrivait.

Wal Fadjri : Qu'avez-vous ressenti en apprenant les différentes démarches pour des retrouvailles entre Me Wade et Idrissa Seck ?

El Hadji Ndary Guèye : J'ai été très gêné et choqué à la fois. Parce que je me suis considéré comme un lampiste, comme quelqu'un qui a souffert pour rien, alors que les principaux responsables étaient en train de renouer le fil du dialogue. J'estime que tout cela n'est pas élégant. Cependant, au sujet de leurs retrouvailles, je dirai tout simplement qu'ils se connaissent depuis très longtemps ; donc s'ils estiment devoir se retrouver, grand bien leur fasse.

Wal Fadjri : Vous réclamez des dommages et intérês à l'Etat, croyez-vous obtenir gain de cause ?

El Hadji Ndary Guèye : Il faut tout tenter dans la vie. Je trouve quand même que c'est exagéré de coffrer quelqu'un pendant seize semaines sans aucune preuve. J'ai donc tout à fait raison de demander que justice me soit rendue. Je dois bénéficier de dommages et intérêts pour les préjudices subis.

Wal Fadjri : Vous semblez insinuer avoir subi des préjudices financiers à cause de votre emprisonnement…

El Hadji Ndary Guèye : Evidemment. Je gère un cabinet de communication qui est resté quatre mois sans fonctionner à cause de mon emprisonnement. Alors, imaginez ce que cela peut avoir comme conséquences. Je signale qu'au moment où on m'arrêtait, je partais sur Paris parce que j'étais sur un grand coup. J'allais approvisionner de grandes boîtes de la place en matériel audiovisuel. Cela n'a pas pu aboutir à cause de cette arrestation.

Wal Fadjri : Votre cabinet marche-t-il toujours ?

El Hadji Ndary Guèye : Pas du tout parce qu'à ma sortie de prison, cette affaire m'a plombé les portes. Les gens se méfient de moi en pensant que je viens fouiner, ou que je cherche à glaner des informations pour le compte d'Idrissa Seck… Les gens me fuient.

Wal Fadjri : Pourquoi ne pas demander à Idrissa Seck de vous venir en aide ?

El Hadji Ndary Guèye : Mais c’est l'Etat qui m'a mis en prison, pas Idrissa Seck. Il a, par conséquent, le devoir de se dire qu'il a commis une erreur et qu'il doit la réparer. C'est pourquoi, je n'ai écrit à personne d'autre, mais à l'Etat du Sénégal qui m'a emprisonné.

Wal Fadjri : Que ferez-vous si votre requête ne trouve pas un écho favorable ? Allez-vous saisir la justice dans ce cas ?

El Hadji Ndary Guèye : J'ai écrit une lettre très polie au président de la République en lui disant qu'il est le père de la nation et qu'il est le chef de la magistrature suprême. J'ai voulu ainsi user de toutes les voies de dialogue pour qu'il comprenne qu'il y a un citoyen qui a été lésé dans ses droits et qui doit être dédommagé comme il l’a fait pour la famille de Me Babacar Sèye. Mais si, par extraordinaire, il ne le faisait pas, je n'aurais d'autres recours que de saisir la justice de mon pays, ainsi que les organisations de défense des Droits de l'homme pour que je sois dédommagé.

Wal Fadjri : Vous vous donnez combien de temps alors pour saisir la justice ?

El Hadji Ndary Guèye : Je me dis que le président est très intelligent. Il a souffert dans sa vie et il sait ce que cela veut dire. Imaginez quelqu'un qui, depuis deux ans, ne travaille pas et a des charges incompressibles. Si le président estime devoir prendre son temps pour réagir, ce n'est pas ce que je souhaite. Je me donne un certain temps, mais j'estime qu'il y a de situations qui ne peuvent pas attendre. Si ça doit traîner, je me verrai, à mon corps défendant, dans l’obligation de saisir la justice et les organisations des Droits de l'homme pour expliquer de vive voix ce que je vis.

Wal Fadjri : On a du mal à croire, après toutes vos explications, que le juge se soit entêté à vous envoyer en prison sans aucune preuve sur votre culpabilité.

El Hadji Ndary Guèye : Cela me pose également problème, surtout quand on a tout fouillé sans rien trouver. La logique aurait même voulu qu'on me libère aussitôt après mon passage à la Dic. Rien ne motivait mon emprisonnement.

Wal Fadjri : Avez-vous des nouvelles de votre co-détenu et ami Hassan Farès ?

El Hadji Ndary Guèye : On ne s'est pas beaucoup vu. Comme Idrissa Seck, il n'a pas non plus cherché à me voir à notre sortie de prison. Je crois que ce dossier a été tellement douloureux pour nous tous, que chacun de nous a choisi de rester dans son coin. Je ne suis pas en mesure de vous dire ce qu'est devenu Hassan Farès.



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