Au cours de la législature finissante, l’Assemblée nationale a adopté une loi des plus controversées et, la plus suspecte jusque-là de son histoire. En effet, lors de la session du 7 janvier 2005, la majorité à l’Assemblée nationale a adopté une proposition du député libéral Ibrahima Isidore Ezzan. Pour la période allant du 1e janvier 1983 au 31 décembre 2004, la loi dite Ezzan prévoit l’amnistie des infractions criminelles ou correctionnelles, commises au Sénégal ou à l’étranger, en relation avec les différentes consultations électorales ou ayant des motivations politiques.
Pourtant, avant l’examen de la loi Ezzan par les parlementaires, de nombreuses personnalités de la société civile ont tenté d’organiser des manifestations pour condamner et empêcher le vote de cette loi. En vain. «Cette loi d’amnistie n’est pas faite pour apaiser le peuple sénégalais, mais pour blanchir des auteurs de crimes non encore élucidés », pestait Me Abdoulaye Babou, alors sémillant parlementaire de l’Afp. De même, Khalifa Ababacar Sall, du Parti socialiste (Ps), dépeint cette loi comme une «garantie d’impunité (offerte) à des voyous et des bandits». Cet aspect est aussi dénoncé par la Rencontre africaine pour la défense des droits de l’Homme (Raddho). C’est dans ce même esprit que Khalilou Sèye, fils de Babacar Sèye, vice-président du Conseil constitutionnel assassiné en mai 1993, au nom de sa famille, a demandé au président de la République de ne pas promulguer cette loi.
Des récriminations qui resteront sans écho. De même que les critiques du président de l’Union européenne, ou encore la campagne de dénigrement des organismes africains de défense des droits humains. Son initiateur, le parlementaire de Kaffrine, bénéficie de l’aile protectrice d’un chef d’Etat, responsable de parti, qui dès sa prise de pouvoir, gracie les assassins condamnés par les tribunaux sénégalais, après avoir indemnisé la famille de Me Sèye. Avec le recul, le Pr Abdoulaye Bathily tranche : «Cela a semé le doute dans la tête des Sénégalais. Peut-être que c’est une façon pour lui de se laver la conscience ? Et le sommet a été atteint avec l’ignominie qu’est la loi Ezzan. J’étais effondré quand le projet de loi est arrivé sur le bureau de l’Assemblée nationale. Je ne pouvais pas imaginer ce que je venais de réaliser. En fait, je venais de me rendre compte qu’il y avait quelqu’un derrière ce projet de loi.» Le reste des événements prouve que c’est Me Wade qui est derrière cette loi Ezzan, poursuit le Pr Bathily. Le député Isidore Ezzan n’a servi que de faire-valoir pour soumettre à l’Assemblée nationale la loi d’amnistie.
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