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Politique

NICOLAS NORMAND NOUVEL AMBASSADEUR DE FRANCE : « Il n’y a pas de relations tumultueuses entre Paris et Dakar »

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NICOLAS NORMAND NOUVEL AMBASSADEUR DE FRANCE : « Il n’y a pas de relations tumultueuses entre Paris et Dakar »
Première sortie dans la presse, premiers mots sonnant comme un recentrage : « Les relations entre le Sénégal et la France n’ont jamais été tumultueuses ! » Son Excellence Nicolas Normand, nouvel ambassadeur de France dans notre pays, estime qu’il existe, entre amis, un devoir de vérité qui ne remet pas en cause la souveraineté de l’un ou de l’autre Etat en créant ou empruntant des réseaux d’influence occultes ou souterraines. Il existe aussi, par moments, des conséquences de ce qu’il appelle « un mélange de raison et de sentiments » qui annonce « beaucoup de passions et d’affectivité ». Ce cadre de coopération défini, le diplomate estime que le « Sénégal est une source d’espoir » : un pays où « il y a une vision et une volonté de développement » et « une démocratie mâture où, bien sûr, le débat est vif » entre acteurs de l’espace public, de la majorité comme de l’opposition. D’autres questions sont abordées : les nouvelles orientations de la coopération militaire, le développement solidaire, les nouveaux horizons diplomatiques explorés par le Sénégal, la place de notre pays dans le champ d’action politique, économique et social de la France.

Excellence, vous êtes arrivé à Dakar le 1er août 2010. Quelles sont les grandes lignes de votre agenda en tant que nouvel ambassadeur de France au Sénégal ?

Un ambassadeur qui vient d’arriver à Dakar s’est un peu préparé au Quai d’Orsay mais, fondamentalement, sa feuille de route est de développer, de maintenir, d’accroître les relations d’amitié, de confiance entre les deux pays et entre les autorités des deux pays. Le président de la République française et le président de la République du Sénégal ont des relations étroites et amicales.

L’ambassadeur, dans ce cadre, doit entretenir ces relations d’amitié et de Confiance avec tous les acteurs officiels sénégalais. Mais, il n’y a pas que les autorités ! Les relations qui existent entre nos deux pays sont tellement anciennes qu’il y a les populations à impliquer, les aspects économiques, les aspects humains, les jeunes, les études, la migration, etc. Il y a beaucoup de centres d’intérêt ! Cela concerne tout le monde, au Sénégal comme en France.

Nous avons des tas d’intérêts communs. Alors, sur tous ces sujets, l’ambassadeur doit rencontrer tous les partenaires au Sénégal, et pas seulement les autorités, communiquer comme je suis en train de le faire avec vous. Il peut y avoir des malentendus car, dans la relation, chaque pays suit son chemin. Donc, il faut éviter les dérives et les incompréhensions. C’est très important. On peut expliquer ce qui, dans l’actualité française, peut étonner ou déplaire. On doit expliquer aussi, en France, ce qui se passe au Sénégal, dans la mesure où cela a un impact pour nous. Par exemple, dans l’intérêt commun de l’Afrique et du Sénégal, parce que les deux continents, l’Afrique et l’Europe, sont très connectés. On a intérêt à la réussite de l’Afrique et du Sénégal. Les entreprises françaises ou étrangères ont aussi intérêt à la croissance du Sénégal et souhaitent y participer. Le Sénégal a aussi intérêt à les rassurer dans un système ouvert et libéral. Les échanges humains, il faut que ça fonctionne. Il y a des demandes de visas, il y a ce problème très compliqué de la migration. Il faut que les choses puissent bien se passer. L’ambassadeur est là pour resserrer les boulons quand il y a des problèmes. Il est là pour répondre aux questions, entre autres. Fondamentalement, le cadre d’un ambassadeur, c’est d’avoir de bonnes relations pour les deux pays et défendre les intérêts communs.

Vous avez parlé de dérives et de malentendus. Cela suppose qu’il y ait une ligne de démarcation entre le temps de la diplomatie et celui de la souveraineté de chaque Etat...

En ce qui concerne les discussions, il n’y a pas de ligne rouge, en ce sens que tous les sujets peuvent et doivent être abordés. Il ne faut pas surtout qu’il y ait des malentendus. C’est important de parler des sujets qui fâchent des fois. C’est important dans une relation amicale qu’il y ait une certaine franchise et pas d’ambiguïté dans les échanges. Maintenant, une autre ligne rouge, c’est celle du comportement d’un ambassadeur. Un ambassadeur, quel qu’il soit, doit rester dans le respect de la souveraineté d’un pays, et donc il ne doit pas s’ingérer dans les affaires intérieures d’un pays, il ne doit pas chercher une influence occulte ou souterraine. Il ne doit pas faire un certain nombre de choses de ce type. C’est clair, il faut qu’il y ait un comportement qui soit irréprochable tant vis-à-vis des autorités que vis-à-vis de l’opposition. Et cela va de soi.

La ligne rouge est que l’ambassadeur est invité, il est dans un pays souverain et il respecte, comme tout étranger d’ailleurs, un certain nombre de règles.

Notre confrère « Le Monde », dans un article en date du 4 avril 2010, qualifiait un peu les relations entre la France et le Sénégal de « tumultueuses ». Est-ce que vous partagez cet avis ?

Alors non ! Moi, je ne pense pas qu’elles soient tumultueuses. Non, elles n’ont jamais été tumultueuses, très honnêtement ! Je ne vois pas à quel tumulte, vous faites allusion. Ce qui existe, c’est la possibilité de certains malentendus.

Dans la relation entre la France et l’Afrique, il y a un mélange de raison et de sentiments. Cela c’est vrai avec tous les pays africains. Il y a beaucoup de passions et d’affectivité. C’est une particularité des relations entre la France et l’Afrique. C’est dû à l’héritage de l’histoire, au traumatisme de l’histoire au fait que la France soit l’ancien pays colonisateur, au fait qu’il y ait eu des comportements indignes, à certaines époques, de notre pays, époques que j’espère anciennes et révolues. Donc, cela crée un certain ressentiment qui existe consciemment ou inconsciemment dans la relation bilatérale.

Aujourd’hui, on peut parler de tout, il y a aussi certaines incompréhensions devant, par exemple, tel ou tel refus de visa ou telle ou telle difficulté que rencontre une entreprise, mais ce sont des cas particuliers. Globalement, très honnêtement, l’entente est très bonne entre la France et le Sénégal. Le président Wade et le président Sarkozy se parlent et se voient souvent. C’est le cas récemment au Sommet France-Afrique de Nice et le 14 juillet, à Paris, à l’occasion de la célébration des 50 années des indépendances. Donc, il n’y a pas de relations tumultueuses entre la France et le Sénégal. Globalement non.

Il y a eu l’affaire du retrait des Forces françaises du Cap-Vert, cette volonté affichée par le Sénégal de récupérer le foncier et ensuite l’affaire concernant votre prédécesseur dont les relations n’étaient pas des meilleures avec les autorités...

Sur la question des bases en Afrique, le président de la République française s’était déjà exprimé, il y a pas mal de temps, en disant que la plupart des accords qui existaient dataient du lendemain des indépendances dans un contexte complètement différent et qu’il fallait moderniser tout cela. En plus, cela pouvait être perçu dans tel ou tel pays africain comme des symboles un peu néocolonialistes la présence permanente de forces françaises. Donc, il faut en parler. Cela était le cas, le président de la République du Sénégal a soulevé à juste titre le sujet et il a demandé une évacuation de la base française de Dakar. Cette question a été discutée de façon ouverte avec la France qui n’avait aucun sentiment négatif à ce sujet. Elle était donc parfaitement d’accord. Il y a eu une cérémonie, au mois de juin, du temps de mon prédécesseur, de remise solennelle officielle et forcément symbolique de toutes les emprises sénégalaises qui servaient à l’armée française par les forces françaises au Sénégal. Cette cérémonie a eu lieu. Maintenant, il faut mettre en oeuvre cette décision. On est dans ce cadre-là. Cela se passera sous mon mandat et cela veut dire qu’on va plier bagages dans un certain nombre d’emprises tout de suite. On a proposé aux autorités sénégalaises d’avoir un petit délai logistique pour évacuer d’autres emprises et on a demandé aux autorités sénégalaises de pouvoir conserver certaines emprises, c’est-à-dire des facilités que l’Etat sénégalais voudrait nous accorder pour maintenir une coopération à la fois bilatérale et régionale en matière de sécurité, en matière militaire. Voilà donc les propositions et je pense que c’est un intérêt commun de poursuivre la coopération entre les forces armées sénégalaises et les forces françaises. Cette coopération est ancienne et fonctionne bien. Nous sommes très satisfaits de cette coopération et le Sénégal est cité en exemple dans le monde du point de vue militaire car c’est le pays qui, en Afrique, a le plus de casques bleus avec actuellement au moins 3500 éléments. Dans le domaine militaire, ce sont des éléments extrêmement bien formés, une armée républicaine qui n’a jamais tenté de saisir le pouvoir, contrairement à d’autres pays.

C’est une armée avec laquelle nous coopérons en pleine confiance et en pleine amitié et nous comptons poursuivre cette collaboration.

Quels seront les axes de la coopération militaire dans ce contexte de retrait des Forces françaises ?

Je ne suis pas un spécialiste. Je viens d’arriver. Cela dit, il y a deux axes.

Le premier axe, c’est au plan bilatéral. C’est-à-dire les échanges de formation, ici ou en France, pour les officiers qui vont, pour certains d’entre eux, dans les écoles françaises mais aussi un appui aux écoles militaires sénégalaises.

Ici, il y a des écoles militaires à la fois à vocation régionale avec, en gros, un tiers de Sénégalais et deux tiers d’Africains qui ont un appui technique militaire français. Ça, c’est la coopération bilatérale ou un peu régionale pour les écoles à vocation régionale. Le deuxième axe, c’est l’appui à la création et à la formation d’une force régionale en attente. De plus en plus, ce sont les pays africains eux-mêmes qui veulent assurer la sécurité collective pour éviter que ce soit, comme autrefois, des puissances extérieures ou des forces de l’Onu.

Les forces de l’Onu, c’est bien, mais elles mettent beaucoup de temps pour venir.

Il y a, à New York, des débats compliqués. Tout le monde n’est pas forcément d’accord, etc. Il est bien que ce soient les Africains eux-mêmes qui gèrent la sécurité collective ; ce qu’ils ont décidé ou souhaité et ils ont demandé un appui technique à ce sujet et nous sommes prêts à coopérer, car c’est un intérêt commun entre l’Europe et l’Afrique. On souhaiterait que ce ne soit pas entre la France seulement, mais qu’il soit élargi aux autres pays européens et à tous ceux qui le souhaitent. Donc, on s’oriente vers une coopération multilatérale en matière militaire et de sécurité collective qui permet d’assurer une sécurité meilleure qui est le fondement du développement économique.

Excellence, quelle sera la place du co-développement au cours de votre mission ?

Concernant le co-développement, maintenant le terme a un peu changé. Il s’agit maintenant du développement solidaire. Lorsque le Sénégal et la France ont négocié ensemble un accord qui s’appelle « gestion concertée des flux migratoires » qui présente, comme principale nouveauté, le fait de permettre l’immigration économique sénégalaise vers la France. Avant, il y avait une grande fermeture de l’immigration. C’était surtout des visas de tourisme et c’était difficile à des Sénégalais de venir s’installer en France ou de travailler pendant une période plus ou moins grande. Tout ça a été discuté bilatéralement. Il faut éviter que des hommes formés au Sénégal partent mais, aussi, il faut leur permettre de venir travailler en Europe, acquérir de nouvelles connaissances. Il est bien d’avoir des flux dans les deux sens. C’est le but de notre accord. Il y a un volet co-développement ou développement solidaire dans cet accord qui, dans le cadre du Sénégal, prévoit 9 millions d’euros (6 milliards F.Cfa). C’est une nouvelle aide qui n’existait pas avant et qui permet de traiter à la source ce problème de l’immigration dans l’esprit de la France et, je l’espère aussi, du Sénégal. La meilleure façon de lutter contre l’immigration clandestine, c’est que certains Sénégalais qui ont envie de partir trouvent des emplois. L’immigration, c’est pour des raisons économiques. Il s’agit de développer, par des financements particuliers et français, de petits projets qui créent des activités économiques au Sénégal. C’est une coopération un peu décentralisée et qui vise de petits projets, des entreprises, des migrants qui veulent retourner au Sénégal. Il y a de nombreux projets qui se sont développés grâce à ce volet financier nouveau et tout le monde me dit que ça marche très bien. Je n’ai pas encore l’occasion de le voir, je viens d’arriver. Cette formule, je l’ai connue au Mali où j’étais en poste et, pourtant, il n’y avait pas un tel accord. Dans le cas du Mali, c’est plutôt pour ceux qui revenaient au pays, or, ici, au Sénégal, c’est pour permettre à ceux qui se sentaient obligés de partir de créer des activités économiques dans certaines zones défavorisées. Il s’agit de supprimer les mauvaises causes, c’est-à-dire, remédier aux situations de détresse qui font que certains sont obligés de partir.

Il y a, aujourd’hui, le développement solidaire et, par le passé, l’aide au retour. Cela voudrait-il dire qu’aujourd’hui, le Mali ou le Sénégal ait des modèles économiques assez viables pour offrir des conditions d’épanouissement à des candidats à l’émigration ?

Ah oui ! C’est tout le développement, pas seulement le développement solidaire. Je crois que toute la politique économique du Sénégal est fondée sur cette idée qui est juste. Ce projet qui est nécessaire que chacun puisse s’épanouir sur le plan matériel aussi. Il faut commencer par là. Le développement économique, tout le monde y a droit. Il faut créer les conditions de ce droit. Souvent, c’est difficile, il y a des zones arides, il y a des problèmes de manque d’épargne, il y a toutes sortes de conditions qui rendent le démarrage d’un projet économique difficile. Là où peuvent intervenir les autorités sénégalaises, c’est la lutte contre la pauvreté ou tel ou tel projet particulier du développement solidaire. Ce projet de développement solidaire n’est peut-être pas à la hauteur de l’enjeu, on en est tous conscient. L’important, c’est de commencer à agir, d’expérimenter, de perfectionner les outils et les moyens. Ce qui est très important ici, c’est que ce ne soit pas seulement l’affaire de tel ou tel pays étranger. L’éradication de la pauvreté et le développement économique sont au cœur des enjeux de ce pays. C’est certain.

Dans le cadre de la politique de gestion des flux migratoires que vous évoquez ici, cet accord date depuis 2006. Est-ce qu’à votre arrivée, on a pu vous faire le point ?

Cet accord prévoit un comité mixte d’experts sénégalais et français qui se réunit régulièrement pour faire le point. C’est un accord assez complexe. Il y a un extrait qui existait avant l’accord, c’est le problème de l’immigration clandestine. Cet accord couvre aussi cet aspect là. C’est-à-dire les reconductions à la frontière, malheureusement. C’est une chose qui existe. Ce qui est important, c’est éviter les départs qui se terminent mal, c’est aussi éviter les retours traumatisants. Donc l’aide au retour qui a été mentionnée tout à l’heure existe toujours. Elle est aussi un des éléments de cet accord, c’est-à-dire l’accompagnement économique et social des candidats au retour ou ceux qui ne sont pas candidats et sont reconduits à revenir. Un autre aspect, c’est le plus novateur et le plus important de l’accord de gestion de flux migratoires, c’est qu’il y a une centaine de métiers tant intellectuels que manuels pour la première fois ouverts officiellement à l’immigration sénégalaise. On essaie d’ouvrir l’immigration économique. Ce n’est pas de l’immigration choisie, comme on l’a dit un moment. C’est une discussion véritablement bilatérale qui a eu lieu, ce qui fait que les autorités sénégalaises ont proposé des métiers et la France en a proposé d’autres en fonction des besoins de son économie et il y a eu une entente qui s’est faite.

C’est très important. Il faut que les candidats à l’immigration arrivent à des secteurs où il y a des emplois en France. La France a intérêt, le Sénégal aussi, à ce que les migrants soient accueillis avec dignité en France pour que leurs enfants puissent aller à l’école, qu’ils trouvent un logement décent, qu’ils trouvent un travail. Toute l’idée de cet accord, c’est de prendre tellement en compte la dimension humaine et de faire que les migrants dans un sens comme dans l’autre soient traités avec dignité et de façon convenable.

Donc une approche gagnant-gagnant comme on dit...

Oui, une approche gagnant-gagnant. On a parlé de la coopération militaire, du développement solidaire. Est-ce que tout cela préfigure la nouvelle relation France-Afrique.

Quelle serait la place du Sénégal dans cette nouvelle approche ?

On parle aussi des difficultés d’une relation bilatérale entre la France et le Sénégal ou avec d’autres pays africains aussi. La question de l’aide et de la coopération est au coeur de ce sujet parce qu’il y a beaucoup de malentendus. Souvent, il y a des soupçons. L’aide désintéressée et philantropique, on a du mal à le croire maintenant. Il y a certains pays qui ont écarté cela délibérément, en parlant de partenariat gagnant-gagnant. Nous, nous apportons une aide budgétaire ou bien une aide projet, différentes formes d’aides. Souvent ça crée des malentendus. Il faut un relais pour aller vers un stade où il n’y aura pas besoin de telle aide.

L’aide est parfois ressentie comme une forme nouvelle de domination. Mais si on n’apporte pas d’aide, on dit qu’il y a ingratitude, désengagement, etc. On est pris dans des contradictions de toute façon. Il faut vivre avec ces difficultés là. Il y a aussi ce que disait le président du Mali : « La main de celui qui donne est au-dessus de celle qui reçoit. »

Il y a cette dimension psychologique qu’il faut surmonter. Ce que l’on souhaite, c’est faire évoluer les choses vers un partenariat économique, se concerter, faire une aide dans la mesure du possible budgétaire où les autorités sénégalaises elles-mêmes gèrent l’argent mis à leur disposition, ce qui suppose qu’il y aura un dialogue sur les politiques d’utilisation. Ce qui est aussi un peu délicat, parce que dans une relation qui s’établit entre un bailleur de fonds et un pays, si les bailleurs de fonds ont une aide budgétaire globale et non pour tel ou tel projet, ils ont besoin de voir ce que devient cette aide.

Cela les oblige à s’ingérer dans les politiques nationales, regarder ce qui se passe dans les domaines de l’éducation, de l’énergie, des infrastructures, etc.

Là aussi, on arrive à des sujets délicats. L’aide est un sujet complexe et délicat.

Là, qui serait celui qui exprimerait les besoins, les institutions ou descendre à la base pour voir les bénéficiaires...

Là il y a deux aspects. Il y a un aspect institutionnel et un dialogue entre le Sénégal et les bailleurs de fonds auxquels participent la Banque mondiale et le Fmi. La Banque mondiale et le Fmi sont aujourd’hui des sortes de services publics internationaux qui sont gratuits et qui sont des conseils en stratégie pour l’Afrique et d’autres pays. C’est des bureaux de conseils gratuits très compétents. Il ne faut pas se priver de ces conseils. C’est ce que fait le Sénégal.

Ils sont là en arbitre entre les bailleurs de fonds et le Sénégal. Ils assurent une impartialité et une universalité. Ce sont des organismes mondiaux qui ont une expertise. Voila pour les relations bilatérales. Il y a aussi à la base les besoins d’une telle ou telle association de la société civile, de telle ou telle commune, et il s’est développé toute une coopération décentralisée qui ne passe pas par l’Etat. Au Sénégal, il y a les deux types de coopération qui coexistent et nous avons par exemple des fonds, comme celui du développement solidaire dont nous parlions tout à l’heure, mais c’est encore plus le cas du fonds social de développement (Fsd) dont un « spécial Casamance », et un pour le reste du Sénégal. Ce sont des fonds qui sont donnés à des Ong, petites communautés, églises, des communautés civiles, religieuses ou pas, à des communes, regroupements. Avec ce fonds, tel ou tel groupement de femmes, telle ou telle commune, d’une région du Sénégal, qui prend l’initiative d’un projet peut demander un appui technique de l’ambassade de France pour monter ce projet.

Toutefois, je dois rappeler que nous agissons dans le cadre des stratégies nationales. C’est un volet important de la coopération française et qui nous permet d’avoir des contacts directs avec les populations à la base.

Le Sénégal est en train de diversifier ses partenaires avec une ouverture vers la Chine et les pays du Golfe. Comment appréhendez-vous cette politique ?

On l’appréhende sans aucun problème. Il est très utile et nécessaire que le Sénégal cherche à bénéficier de la mondialisation et diversifie ses partenaires. On ne voit pas cela comme une sorte de perte d’influence ni sur le plan économique, ni sur le plan culturel. Cela fait partie de la modernisation. A une certaine époque, il y avait des têtes-à-têtes, mais en tout état de cause le Sénégal doit choisir le meilleur partenaire dans chaque domaine. Au plan économique, nous pensons que la France a beaucoup d’atouts parce que nous avons une connaissance du terrain grâce à une solide implantation de nos entreprises au Sénégal. De plus, la France est l’une des grandes puissances économiques du monde, la 4e ou la 5e avec une population qui fait un pour cent de la population mondiale. On a un savoir-faire très important. Beaucoup d’entreprises françaises sont leaders dans leur secteur. Elles ont donc vocation à venir ici comme dans d’autres pays. Mais cela ne doit pas empêcher le Sénégal de choisir les meilleurs quand il s’agira de faire un aéroport, une autoroute, une centrale thermique, en lançant un appel d’offres et en choisissant le mieux disant. Et la France gagne quelquefois. Il faut que les entreprises soient sélectionnées suivant leur mérite. Cette diversification est bénéfique à tout le monde, aussi bien à la France qu’au Sénégal. A la France parce que les entreprises doivent être performantes et meilleures. La concurrence est stimulante pour tout le monde.

Dans les échanges entre les deux pays, la France engrange chaque année 791 millions d’euros et le Sénégal environ 83 millions d’euros. Comment faire pour équilibrer ces échanges ?

Dans nos échanges, il y a un aspect investissement et un aspect commerce extérieur. Le Sénégal est un pays en plein développement et qui achète beaucoup de ressources à l’extérieur. Pour équilibrer les recettes d’exportations et les dépenses d’importation, il faudrait que le Sénégal ait beaucoup de choses à vendre à la France. Notre pays est un des principaux clients du Sénégal, le premier étant le Mali, le deuxième l’Inde et la France est la troisième. De plus, les choses se passent sur le marché international et la France n’achète pas en fonction de considérations politiques, mais économiques. Les entreprises françaises s’approvisionnent là où elles peuvent et au meilleur prix. Le Sénégal a un certain nombre de choses à exporter, mais il se trouve que les échanges sont déséquilibrés parce qu’il importe davantage. En contrepartie, la France apporte une aide financière qui, elle, n’a pas de contrepartie. Contrairement à d’autres, l’aide française n’est pas liée. Nous pouvons apporter des financements qui bénéficient aux entreprises de tel ou tel pays. Par exemple, c’est Dubaï qui rénove le projet du Port de Dakar, mais il y a aussi des financements français. On l’a vu dans d’autres pays, nous donnons de l’argent et le pays s’adresse à d’autres constructeurs que la France. Au Mali où j’étais, la France a payé les bâtiments du nouveau centre international où se tenait la conférence pour le sommet Afrique-France et ça était construit par la Chine. Les Maliens ont jugé qu’ils étaient plus rapides. Je trouve çà parfaitement normal du moment où l’on donne au Sénégal ou au Mali, il leur appartient de faire ce qu’ils veulent. On est aussi dans cette logique.

Peut-on s’attendre à des réformes pour l’accueil des étudiants sénégalais qui souhaiteraient étudier en France ?

Il n’y a jamais eu autant d’étudiants africains dans les universités françaises. Ils sont environ 100.000 dont 10.000 Sénégalais. Nous souhaitons encourager les études en France. Il faut coordonner avec les autorités sénégalaises dans ce sens parce qu’il est également possible de faire de bonnes études ici et dans beaucoup de domaines. Mais il existe une certaine complémentarité entre nos deux pays. Il est important, si les Sénégalais le souhaitent, qu’ils puissent s’adresser à la France. Nous avons ici un service qui s’appelle Campus France qui sert à donner une information aux candidats aux études en France et qui permet de s’inscrire en ligne. Le service répond aux besoins de tout candidat souhaitant faire des études en France. Ils sont assistés et aidés par le personnel sur place. Tous les dossiers ne sont pas pris parce qu’il y a le choix des universités, et il faut aussi des ressources pour faire des études en France. Il y a des bourses à donner, etc.

Les autorités françaises souhaitent maintenir et développer si possible les bourses. Nos moyens sont limités, les demandes sont supérieures, nous ne sommes pas les seuls à donner des bourses, mais ce sont souvent les meilleurs étudiants qui obtiennent des bourses. Ça fonctionne comme çà même si nous donnons un grand nombre de bourses et c’est comme çà aussi au niveau des autres ambassades.

Quelques mots sur la démocratie sénégalaise...

La démocratie sénégalaise, historiquement, elle est assez exemplaire. L’actuel président est l’illustration de l’alternance qui a eu en 2000. Quand j’étais à, Paris, avant de partir, j’ai rencontré l’ancien président Abdou Diouf, actuel Secrétaire général de la Francophonie, il m’a parlé de son expérience gouvernementale, j’ai pu voir les conditions pacifiques de l’alternance avec le président Diouf racontant qu’il téléphonait à Me Wade pour le féliciter en 2000. Le Sénégal est un exemple que tout le monde cite, la démocratie marche ici. Aucune démocratie n’est parfaite. Il y a certainement telle ou telle Ong qui met en exergue tel ou tel problème. La démocratie, c’est une longue construction, l’important est que les choses aillent en s’améliorant quand elles le peuvent. Pour l’élection de 2012, je sais que les autorités sénégalaises ont souhaité que la communauté internationale participe au perfectionnement du fichier électoral. Cela a été demandé aux Etats-Unis et à l’Union européenne, donc c’est un gage aussi d’ouverture et de transparence. Je trouve très honnêtement que les choses se présentent bien dans le cadre de la démocratie au Sénégal.

Globalement, le Sénégal est-il un sujet d’inquiétude économique, sociale, politique...

C’est un sujet d’espoir, fondamentalement. Tout le monde peut avoir des inquiétudes, c’est-à-dire que dans un processus de développement, il y a des difficultés de parcours. Fondamentalement, ce pays a entrepris, avec l’accord et en dialoguant avec les institutions multilatérales et les bailleurs de fonds, un processus assez formidable de développement. Dans l’histoire, on retiendra tous les grands chantiers qui ont été lancés assez récemment et aussi tous ceux qui vont l’être dans les horizons un peu plus lointains : l’autoroute, l’aéroport

Blaise Diagne de Diass, et énormément d’autres projets routiers, les projets dans les domaines de l’Energie... J’ai rencontré, ce matin (ndlr : l’entretien a eu lieu jeudi dernier), le ministre de l’Energie et j’ai été impressionné par la vision qu’il avait. Ici, on a le sentiment qu’il y a une vision et une volonté de développement, ce qui n’est pas toujours le cas dans certains pays en voie de développement. Au Sénégal, les partenaires ont le sentiment qu’il y a une volonté, que ça bouge, on se focalise toujours sur telle ou telle difficulté, ce qui est obligatoire malheureusement. On a l’impression d’un pays qui marche et se développe, Jean Christophe Rufin l’a dit en partant, ça bouge.

Il y a des sujets qui fâchent en diplomatie. : la bonne gouvernance, les institutions de la République, la protection des intérêts économiques mutuels, la vie démocratique, etc.

Ce ne sont pas nécessairement des sujets qui fâchent en ce qui concerne le Sénégal.

En tout cas, je n’en ai pas encore rencontré.

Vous venez au Sénégal dans un contexte tendu. L’opposition sénégalaise s’en était ouverte au président Nicolas Sarkozy. Qu’est-ce que la France peut faire pour contribuer à apaiser les relations entre les deux pôles que sont le pouvoir et l’opposition ?

Je viens d’arriver. Je ne suis pas un expert de la politique sénégalaise. Mais le premier sentiment qu’on a, est que ce n’est pas à la France d’intervenir dans les affaires intérieures. On n’est d’ailleurs pas dans une situation de crise. Il est logique que des pays étrangers, de préférence des pays africains, interviennent en cas de crise.

Au Sénégal, c’est une démocratie mature. Bien sûr le débat est vif, les opposants ou les défenseurs de la majorité s’affrontent dans un débat vif, c’est normal. La France n’a rien à faire à s’entremettre là-dans, très honnêtement.

Propos recueillis par Habib Demba FALL, Sidy DIOP et El hadji Abdoulaye THIAM



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