PLUS LOIN AVEC… … SERIGNE FALLOU DIENG, président du Cercle des intellectuels soufis du Sénégal : «Landing Savané trompe Wade»

Toujours fidèle à son franc-parler, le président du Cercle des intellectuels soufis (Cis), Serigne Fallou Dieng, revient ici sur l’interdiction, par le khalife général des mourides, de toutes les manifestations politiques à Touba. Entre autres questions, il évoque également les rapports entre Me Wade et Landing Savané pour dire que ce dernier trompe le premier.

Que pensez-vous de la décision prise par le Khalife général, Serigne Saliou Mbacké, d’interdire les manifestations politiques à Touba ? C’est une décision salutaire, à mon avis. Vous savez, Touba est une ville assez particulière. D’abord par sa densité démographique, elle fait plus d’un million d’habitants ; ensuite ils sont des néophytes en politique. Et ce qui caractérise les néophytes, c’est l’ardeur, la passion et surtout l’excès de zèle qu’ils mêlent dans l’activité politique. Touba n’est pas une chasse gardée du Pds, ni du Ps, ni d’aucun parti politique d’ailleurs. Cependant, depuis l’avènement de l’alternance, Abdoulaye Wade veut s’accaparer de Touba et en faire son fief à lui seul. Et il instrumentalise les membres de la famille du khalife à cette fin. Maintenant, vous savez que le Pds est un parti qui porte la violence en lui ; c’est ce qui explique toutes ces violences, avec notamment le meeting de Oulimata Dioum, les agissements de Samba Ndiaye. Pour mettre fin à toutes ces animosités, le khalife général a pris la bonne décision d’interdire la politique dans la cité, mais surtout pour prévenir des bains de sang.

Donc, vous estimez que les membres du Pds sont les principaux responsables de cette interdiction ? En tout cas, ce sont eux qui ont amené cette violence. On n’a jamais vu des membres du Parti socialiste ou du Msis se battre entre eux. Mais, cela n’est qu’un aspect parce qu’il y a un coup fourré de Abdoulaye Wade dans tout cela. Tout le monde sait qu’à Touba, les gens ont de la sympathie pour Idrissa Seck, malgré tous les efforts déployés par Me Wade qui distribue des voitures et beaucoup d’argent dans cette zone. Il sait que si Idrissa Seck organise là-bas une activité politique, c’est sa grande perte. De toutes les façons, on n’acceptera pas que cette interdiction soit comme l’épée de Damoclès suspendue sur nous. On n’acceptera pas que les membres du Pds poursuivent leurs activités politiques sans rien faire. Nous irons sur le terrain faire de la politique comme eux, s’ils persistent à violer la règle.

Mais toujours, sur cette interdiction du marabout, tout dernièrement Landing Savané s’est promené à Touba et il semble que vous avez protesté. Je ne veux pas parler de cet incident, mais ce qui est sûr et certain, c’est que ce soit Landing ou un autre, Idrissa Seck est majoritaire à Touba. Landing est venu là-bas et il a transgressé l’interdiction. Landing Savané a un double visage ; il joue à cache-cache avec le Vieux. Il pense que s’il reste dans le gouvernement, Wade le mettra en pole position pour sa succession. Donc, il trompe sa base, avec tout le bruit qu’il fait. Il agite ses étudiants ; ils disent qu’ils vont quitter le gouvernement, mais ils n’iront nulle part. Landing incarne la gauche paresseuse et alimentaire, mais il n’est pas un libéral. Il faut que les Sénégalais sachent qu’il ne quittera jamais le gouvernement. Mais, quand il est avec ses militants, il tient un autre discours et devant Wade il a un autre langage ; il est versatile. Il n’y a que Idrissa Seck qui lui pose problème.

Justement parlant de Idrissa Seck, qu’est-ce qui explique ce regain d’intérêt à son égard chez vous qui l’aviez souvent critiqué ? Qu’est ce qui motive l’appui que vous lui apportez ? C’est vrai, tout le monde sait que j’ai beaucoup critiqué Idrissa Seck, mais ce régime libéral de Abdoulaye Wade est pire que tout. Il a déçu le peuple ; il a fait déchanter. On pensait qu’il allait régler les problèmes des Sénégalais, on se rend compte qu’il ne fait qu’aggraver leurs difficultés. Regarde les scandales, maintenant on parle de corruption à coup de milliards. Et puis, ils ont amené un régime libéral sauvage : les commerçants ne font plus de bénéfice, le monde rural est plongé dans une précarité endémique, les masses sont paupérisées… le coût de la vie est élevé et le pouvoir d’achat est faible. A côté de cela, les hommes du régime étalent toute l’insolence de leurs richesses. Ce sont les nouveaux riches. On les reconnaît avec leurs 4x4 et leurs belles maisons.

Idrissa Seck n’est-il comptable du bilan de ce régime ? Mais ce qui le différencie de Wade, c’est qu’il est un homme de principe. Tout le monde sait qu’Idrissa a dit qu’il va combattre la corruption et encourager les travailleurs. Il a emprisonné ceux qui ont été reconnus coupables de corruption, alors que Wade encourage ces derniers. Regarde ce qu’il a fait avec Mbaye Diouf (ancien responsable socialiste et Dg de la Sncs : Ndlr) ; il l’a blanchi pour l’intégrer dans le Pds. Idrissa est un leader charismatique qui ne supporte pas les passe-droits.

Mais pourquoi vous n’avez pas alors cherché l’alternative à Wade dans l’opposition classique ? Ceux qui sont dans l’opposition sont ceux qu’on avait combattus. Même si le Pds est pire que le Ps (Parti socialiste), ce parti avait au moins une bonne politique sociale. Mais, Idrissa Seck est un homme de principe et il se réclame croyant. C’est très important. Il n’est pas un hypocrite : il est un Tidiane et il a de bonnes relations avec les mourides. Les politiciens pensent qu’il faut être mouride pour diriger le pays ; c’est pourquoi les Landing et autres accourent vers Touba, mais ils n’y croient pas. Idrissa, lui, assume son appartenance au Tidianisme et préservent ses relations avec Touba.

Mais, c’est surtout sa capacité à assumer ses choix et à dire la vérité qui me charme chez Idy. Regarde ce qui s’est passé avec le renfoulement du bateau le Joola. Wade avait préféré suivre les gens en disant que le renflouement était possible ; ce que Idy a toujours refusé. Aujourd’hui, les faits lui ont donné raison. Il avait refusé de parler des projets de Wade parce qu’il n’était pas convaincu de la faisabilité de ces rêves. Et puis, il connaît très bien Wade, et il incarne le meilleur de son régime. C’est Idrissa Seck qui est à l’origine du Document de stratégie de la réduction de la pauvreté (Dsrp).

Le front social s’échauffe avec la grève des enseignants et les délestages, comment vous analysez tout cela ? Les gens doivent cesser leur hypocrisie et arrêter d’incriminer les enseignants. Ils sont dans leur droit. Le problème des enseignants se solde à 310 millions. Si tu fais le calcul, ils sont 27 000 enseignants multipliés par 20 000 francs, ça fait 310 millions francs Cfa. Alors que l’argent que Wade distribue à certains marabouts pour qu’ils appuient le Pds, s’il l’avait investi dans l’enseignement, on ne parlerait pas de cette grève. Mais, il veut retourner le peuple contre les enseignants au lieu de résoudre le problème.

Le régime libéral a trahi les promesses ; c’est des apprentis sorciers. Comme le dit un auteur, le Sénégal est entre deux naufrages : l’alternance et le Joola. Samuel Sarr est incapable de résoudre le problème de la Senelec ; il n’en a pas la compétence et c’est nous, les usagers, qui en pâtissons. Les délestages sont devenus insupportables.

(…) En tout cas, je demande au chef de l’Etat de respecter le calendrier républicain et de tenir les élections présidentielles à bonne date. Il a prorogé le mandat des députés, personne n’a rien dit, mais nul n’acceptera qu’il prolonge son mandat. S’il le fait, je promets que je vais descendre dans la rue pour l’obliger à revenir à la légalité constitutionnelle. Qu’il sache qu’on fera face, si jamais il est tenté de reculer la date des élections. <33>[email protected]