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Politique

Protocole de Rebeuss : Le modèle du scandale parfait ou le chef à l’envers

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Protocole de Rebeuss : Le modèle du scandale parfait ou le chef à l’envers

Il aura été le scandale le plus osé que la République aura affronté en cette année-charnière 2006. On savait depuis longtemps que la séparation des pouvoirs dans notre pays n’était que du verbiage, que des juges avaient fini de monnayer leurs privilèges et leurs positions professionnelles contre une volonté manifeste de servir leurs patrons de l’Exécutif, et que le président de la République est justement l’instigateur principal de toutes les initiatives qui ravalent le pouvoir judiciaire dans l’abysse de la vacuité.

Le Protocole de Rebeuss tel que dévoilé par les partisans de l’ancien Premier ministre Idrissa Seck, c’est tout cela. Mais c’est plus encore. Un concentré de sous scandales judiciaire, politique, institutionnel, financier et moral. C’est en cela qu’on peut le stigmatiser comme le modèle parfait du scandale moderne. Celui qui allie magouille et ruse, expression silencieuse des tentacules du pouvoir d’Etat et conflits d’intérêts financiers, relais d’influence et manipulation des juges faibles, négociations secrètes, laborieuses et menaces tous azimuts, etc.

On sait maintenant que dans une affaire ne relevant que de l’unique compétence de la Commission d’instruction de la Haute Cour de Justice, c’est le président de la République, Me Abdoulaye Wade, qui a transmis aux juges de ladite Cour les modalités, par ailleurs âprement négociées, du non-lieu accordé à monsieur Idrissa Seck dans l’affaire des Chantiers de Thiès. Cet acte autoritaire du chef de l’Etat révèle encore deux sous-scandales de taille : la violation du serment constitutionnel d’assurer le principe de la séparation des pouvoirs, écart dont on ne mesurera jamais assez l’extrême gravité pour une démocratie en construction comme celle du Sénégal. Mais également la destruction, par une contre pédagogie démocratique et républicaine, de la personnalité morale et professionnelle des magistrats en charge de ce dossier. Que valent aujourd’hui sur la place publique ces juges de la cinquième colonne inféodés aux désirs du Palais mais dont on se plaît à croire encore qu’ils rendent la justice au nom du peuple sénégalais souverain ?

Si le Protocole de Rebeuss est si condamnable dans son principe, c’est aussi parce qu’il met en scène et en cause le président de la République. Premier des citoyens, défenseur personnifié des intérêts supérieurs de la nation dont il se veut l’«incarnation», protecteur déclaré des institutions d’Etat, Me Wade s’est retrouvé tout à l’envers dans ce dossier, marchant sur la tête. Par personne interposée, il discute avec Idrissa Seck, à l’intérieur de la Maison d’arrêt et de correction de Dakar, des modalités financières de la libération de ce dernier, dans une absolue insouciance de ce qu’incarnent ses fonctions. «Une astuce juridique», pour reprendre les mots prêtés au Président Wade par la notaire Nafissatou Diop Cissé, suffira pour «clore» tous ces grands malentendus.

Dans ce contexte-là, les Chantiers de Thiès sont apparus comme un épiphénomène juste bon à cacher le véritable enjeu derrière l’incarcération du maire de Thiès. Car entre Mes Nafissatou Diop Cissé et Ousmane Sèye, les deux entremetteurs, Idrissa Seck et Abdoulaye Wade, les deux protagonistes, il n’a été question que d’argent, essentiellement. De dizaines de milliards de francs Cfa, pour tout dire de la détermination de l’un et de l’autre à faire le minimum de concessions pour un maximum de profits financiers et politiques. Pour le chef de l’Etat, c’est presque une affaire d’honneur que de (re)prendre une (sa) part dans le faramineux butin de milliards exfiltrés ou emmagasinés par l’ex-Premier ministre, sinon on serait dans le scénario du mari cocu qui ne trouve sa vengeance que dans le divorce instantané d’avec la femme coupable.

Pour l’ancien Premier ministre, plutôt une avalanche de certitudes : la difficulté politique du pouvoir de prolonger sa détention alors que les faits qui lui sont reprochés sont d’une légèreté qui ne font pas honneur à ceux qui les ont constitués au forceps ; la conviction intime qu’un procès «juste» et «équitable» le laverait de tous ces délits politico-judiciaires imaginés contre lui par ses «ennemis» de l’appareil d’Etat ; l’espoir légitime d’un autre avenir politique que l’argent noir d’ici et d’ailleurs rendrait possible tôt ou tard. Trois éléments qui permettent de comprendre la posture d’intransigeance dans laquelle s’est reposé le maire de Thiès face aux offres de son ex-mentor, si l’on en croit le document rendu public par Le Quotidien dans son édition du lundi 13 novembre 2006. Mais enfin, dans une affaire rocambolesque comme celle-ci, où les engagements ne valent pas un clou, les faibles et les émotifs n’ont en général aucune chance de survie. Abdoulaye Wade et Idrissa Seck et leurs émissaires l’ont compris très tôt. Tant mieux pour eux. Gros dommages pour la République.  



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