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Politique

SOUS L’ALTERNANCE - Des nominations à la carte : La diplomatie patrimoniale

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SOUS L’ALTERNANCE - Des nominations à la carte : La diplomatie patrimoniale

Avec la survenue de l’alternance politique au Sénégal, la compétence est reléguée au second plan, au profit de la parenté et de la carte de militant. De nouveaux critères qui se sont ajoutés à des pratiques tant décriés : les curriculum vitae sur-taillés. Les déboires connus par la diplomatie sénégalaise, ces six dernières années, en sont l’une des conséquences.

Dans son ouvrage, Wade un opposant au pouvoir : l’Alternance piégée ?, publié pendant l’été 2003, Abdou Latif Coulibaly dénonçait l’avènement d’une «diplomatie sans diplomates». En tout cas, il n’est pas difficile, à ne s’en tenir qu’aux faits, de croire qu’avec le duo formé par le Président Abdoulaye Wade et son ministre des Affaires étrangères Cheikh Tidiane Gadio, pour avoir le privilège de servir dans les ambassades et consulats du Sénégal, «la parenté vaut mieux que la compétence», comme l’écrivait Le Quotidien dans son édition n°158 du samedi 9 août 2003. Dans cette publication, l’auteur de l’article, avec des exemples à l’appui, démontrait que «les représentations diplomatiques et consulaires du Sénégal à Paris offrent le plus grand nombre de possibilités d’emplois. Mais, les hautes autorités de l’Etat ne manquent pas de saisir les opportunités pour placer leurs proches». D’ailleurs, le chef de l’Etat lui-même déclarait qu’il pouvait même nommer son chauffeur comme ambassadeur, s’il le voulait.

Pour en revenir à la France, à l’époque, Adja Niang, fille de Alioune Badara Niang, un ancien compagnon et ami du chef de l’Etat, faisait office de Consul général adjointe du Sénégal à Paris. Dans l’ordre protocolaire de ce consulat, Mme Niang venait après Adama Sarr, un jeune magistrat, nommé dans les postes diplomatiques et consulaires, moins de cinq ans après sa sortie du Centre de formation judiciaire de Dakar. Il a été, pendant une année, à Taïwan avant de céder son fauteuil à l’ancien président de l’Assemblée nationale, Youssou Diagne. Mme Niang était présentée comme économiste, selon le décret qui la nommait consul général adjoint. Or, les humanités de Adja Niang, à l’époque, n’avaient pas «dépassé la première année de la Faculté de Sciences économiques et de gestion de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar».

D’ailleurs, alors qu’il était encore dans les bonnes grâces du secrétaire général national de son parti, l’ex-Premier ministre Idrissa Seck, convaincu du niveau de formation de sa cousine, lui conseillait de poursuivre ses études en France où elle vivait depuis plusieurs années avec son époux. Connue auparavant comme caissière dans une «grande surface» de Auchan, dans la banlieue parisienne, elle faisait la curiosité de ses voisins ; les plus curieux parmi eux se faisaient un plaisir de se rendre jusqu’au Consulat pour s’assurer de la réalité de sa nomination.

Un autre cas en France, qui était considéré comme «le domaine de réserve de la famille Wade», c’est celui de Mariétou Wade, fille de Moustapha Wade, frère aîné du Président Abdoulaye Wade. Cette autre nièce du chef de l’Etat avait bénéficié, sur ordre de son oncle, d’un contrat (alors qu’elle n’avait pas un niveau scolaire secondaire) qui la mettait à la disposition du ministère des Affaires étrangères. Ainsi, les autorités sénégalaises, en poste à Paris, avaient l’obligation de lui proposer un recrutement local, avec un salaire très substantiel et la possibilité d’être élevée au rang de diplomate au bout d’un an.

En plus d’un autre proche du président de la République casé dans la diplomatie, répondant au nom de Boubacar Wade, fils d’un défunt frère du président de la République, il y a un autre, M. Sonko. Cet homme qui s’enorgueillissait de son amitié avec Karim Wade, fils du président, avait quitté un poste, en mi-année 2003, au salon d’honneur de l’Aéroport Leopold Sédar Senghor, pour celui de Premier secrétaire au sein de la représentation diplomatique du Sénégal auprès de l’Unesco. S’y ajoute le nom de Ndèye Faye, petite-fille du Président Wade et sœur de son garde du corps Lamine Faye. Une planque lui avait été trouvée à la représentation du Sénégal auprès de l’Onu, alors qu’on indique qu’elle n’est même pas titulaire d’un Baccalauréat. Comme premier emploi, elle devait s’occuper des Affaires économiques et sociales à la troisième commission.

En plus de la liste de ces «hommes de Wade», où figurent entre autres les noms de Doudou Andy Ngom, Momar Thiam, il y a ceux de Gadio qu’on retrouve surtout à New York où un Consulat général a été ouvert, il y a cinq ans : le consul Sidy Bocoum, ancien fonctionnaire international, qui a servi au bureau du Programme des Nations-Unies pour le développement (Pnud) à Bujumbura, avait partagé la même chambre que son ministre de tutelle, alors qu’ils étaient étudiants à Paris. La nomination de Dame Babou, correspondant du groupe Sud Communication à New York, pour s’occuper de la communication du Consul, dérangeait la communauté sénégalaise à New York, les fonctionnaires du ministère des Affaires étrangères, de même que les employés du Consulat qui confiaient «ne voir Dame Babou que les fins de mois». D’autant qu’en 2003, de tous les Consulats du Sénégal, de par le monde, c’est seulement celui de New York qui était doté d’un conseiller en communication. Sans compter les cas que d’aucuns sont prompts à brandir pour s’offusquer des nouveaux profils des «diplomates» sénégalais. Il s’agit de la nièce et d’une demi-sœur du ministre Gadio, qui bénéficient de contrats locaux aux frais du Consulat new-yorkais.

Comme si les en hauts d’en haut ont des quotas dans les représentations diplomatiques, il y a aussi les hommes de l’ex-Premier ministre Seck, qui ont marqué de leurs noms les incongruités de la diplomatie sénégalaise, version libérale. Que dire de cet infirmier de la police nationale, qui était nommé à Rome pour s’occuper des affaires consulaires, malgré les complaintes des fonctionnaires, selon qui, «les effectifs à Rome sont très limités et s’il y a un agent qui n’est pas opérationnel, cela se ressent sur tout le groupe».

DEBOIRES, LA PALME AU BRESIL

«Notre pays ne vaut rien maintenant au Brésil. Le nom du Sénégal était respecté de même que ses fils. Maintenant, on sort dans la rue et on nous interpelle en disant des choses pas très gaies sur nous à cause des corrompus. Certes il ne faut pas généraliser, mais cette histoire met mal tout Sénégalais surtout ceux qui sont blancs comme neige à l’ambassade.» C’est Lansana Dabo, porte-parole de l’association des Sénégalais de Brésil qui se plaint ainsi du comportement peu diplomatique de certains représentants du Sénégal au Brésil dans l’édition du 14 mars 2006 du journal Sud Quotidien.

De fait, il y a des Sénégalais parmi les vingt-deux diplomates et agents d’ambassades épinglés à Brasilia le 10 mars dernier pour trafic sur des boissons alcoolisées et des produits de luxe importés à Brasilia. Un scandale qui éclate moins de trois ans après celui d’octobre 2003. A cette période, c’est le conseiller d’ambassade au Brésil, Louis Diatta, qui était menacé d’expulsion parce que convaincu de fraude douanière. A l’époque, comme c’est aujourd’hui le cas avec le trafic d’alcool, le Sénégal faisait les choux gras de la presse brésilienne avec Louis Diatta accusé d’avoir, en échange d’une somme d’argent, permis à un ressortissant libanais «considéré comme l’un des plus grands acteurs de la spéculation monétaire au Brésil», et très connu des services de police, de faire entrer dans ce pays un véhicule sans s’acquitter des droits de douane.



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