Le chef de l’Etat sera l’hôte, ce matin, de la cité religieuse. Wade pourrait discuter de la tenue des élections à date échue et arrondir certains angles avec le khalife général des mourides. Cette visite pourrait constituer le remake de Louga et aussi le «vendredi rouge de Gorgui», si jamais le khalife ne rappelle pas les manifestants à l’ordre, eux qui ont promis d’exprimer leur colère et déception au Président Wade.
Cinq mois après son dernier séjour, Abdoulaye Wade revient ce vendredi à Touba. Si officiellement, on laisse entendre que c’est une visite de courtoisie, entrant dans l’ordre normal des choses comme le chef de l’Etat y a habitué les Sénégalais depuis son accession à la magistrature suprême, officieusement, on croit savoir que le sort de la tenue des élections le 25 février prochain pourrait se jouer durant cette visite. En effet, des sources bien informées, sous le couvert de l’anonymat, confient que le n°1 du Parti démocratique sénégalais (Pds), malgré toutes ses déclarations, comme quoi, le calendrier électoral sera respecté, envisage sérieusement de reporter le scrutin. Et justement, avancent nos sources, c’est sur cela que Wade voudrait s’entretenir avec Serigne Saliou Mbacké. Si, ce dernier donne son aval -ce qui est du reste très peu probable- alors, les élections n’auront pas lieu cette année.
Abdoulaye Wade devra aussi s’expliquer sur les lenteurs que les travaux de bitumage de Touba ont connues. En effet, il y a un an, presque jour pour jour, le khalife des mourides avait, à la veille du Magal, remis une dizaine de milliards à l’Etat pour sa contribution aux travaux. Or, jusqu’à présent, rien du tout, et cela en dépit d’une réunion avec l’ensemble des personnes impliquées dans le dossier au siège de Hizbut Tarqiyah, et de la visite de travail que le ministre de l’Urbanisme, en sa qualité de coordonnateur de ces grands travaux, avait effectuée, le 2 août dernier, en compagnie d’une équipe chinoise. Le ministre Assane Diagne avait déclaré ce jour-là qu’il se fixait, en tant que coordonnateur du Comité de pilotage des études et travaux en cours à Touba, «l’obligation de les réaliser dans les conditions de délais et de qualité pour l’ensemble des infrastructures».
Pour rappel, ces travaux concernent 200km de route à bitumer, d’adduction d’eau, d’éclairage public et d’assainissement. Cinq mois se sont écoulés et, jusqu’à présent, aucun début des travaux n’a été noté. C’est pourquoi, le mécontentement est général chez les talibés mourides. Et, au niveau de l’entourage du khalife, les langues commencent à se délier ; certains disent même que le Khalife soupçonnerait des coups bas de la part de l’Etat en général et de son premier chef en particulier. D’ailleurs, croient savoir ces personnes, la confiance que le khalife avait à l’endroit du Président Wade commence à s’effriter. Serigne Saliou souhaiterait, à défaut d’un début des travaux, qu’on lui restitue son argent car, il ne voudrait pas que ses rapports avec les talibés en pâtissent. Il ne voudrait surtout pas que ces derniers consentent des efforts pour rien du tout.
DANGER !
Certains habitants et observateurs politiques de la cité religieuse pensent que cette visite du Président à Touba risque d’être celle de tous les dangers. Elle pourrait sonner le glas du compagnonnage entre Abdoulaye Wade et son nouvel allié, Cheikh Béthio Thioune. Des sources sûres disent que le cheikh serait très remonté contre le secrétaire général du Pds qui n’a tenu aucun des engagements qu’il avait pris envers lui et concernant les investitures. La poursuite de leur alliance dépendra aussi de l’entretien que le président de la République aura avec le guide spirituel des mourides.
Entre autres foyers de braise que le n°1 du Pds devra éteindre : la question controversée des investitures. Déjà mercredi dernier, des jeunes de l’Union des jeunesses travaillistes et libérales (Ujtl), favorables au député Serigne Bara Doly, ont servi un avant-goût de ce qui attend Gorgui. Ces jeunes ont tout simplement investi les locaux de la permanence Keur Pds de Ndame, où se tenait un point de presse animé par Moustapha Cissé Lô, Serigne Fallou Mbacké, Aïda Gaye, Isma Dioum et Modou Fall Naidé. Ils ont tout chamboulé, interrompant du coup la rencontre. Ils accusent la direction du Pds de manquer de considérations à leur égard. Leur porte-parole, Bassirou Gaye de Touba Darou Marnane, confie : «On a tout donné, toute notre énergie, rien que pour l’intérêt du Pds ; rien que pour la réélection de Abdoulaye Wade. Au finish, à notre grande surprise, on s’est rendu compte que l’Etat n’a prit aucun engagement pour le bien être des jeunes de Touba. Aucun financement pour les projets et une audience. Ceux qui ont été investis, n’ont aucune représentativité et ne peuvent pas gagner les élections.» Ils menacent et lancent un ultimatum à Wade, s’il ne consent pas à les recevoir. Ces jeunes très remontés disent qu’ils comptent remettre en selle l’épisode de Louga. Pour ce faire, ils vont arborer des brassards rouges sur une distance de 10km. Serigne Fallou Mbacké, secrétaire général de la Fédération Pds de Touba, appelle les jeunes à plus de sérénité et à un resserrement des rangs car, soutient-il, «l’heure est grave et les querelles de clocher n’ont pas trop de cité à quelques jours des élections». D’autres manifestations de colère sont attendues dans la ville sainte de Touba. En plus des jeunes, Wade fera face aux mouvements de soutien qui étalent leur courroux sur la non-investiture de leurs principaux animateurs. Le patron des libéraux devra aussi s’expliquer sur l’investiture de Adama Kane, la première épouse du Président du Conseil rural de Touba Mosquée. Des cercles de libéraux ont laissé entendre que Mactar Diakhaté a sollicité et obtenu de Wade que sa femme soit investie pour le compte du khalife alors qu’il n’en est rien.
Le séjour de Abdoulaye Wade ne sera pas comme les derniers ; il pourrait être bref. Il arrivera le matin, vers 11 heures, par hélicoptère et rentrera par le même moyen de locomotion.
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