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Vendredi 01 Juin, 2018 +33
Politique

[ Opinion ] Un politique pur et dur pour la Primature : Attention à l’erreur de casting

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[ Opinion ] Un politique pur et dur pour la Primature : Attention à l’erreur de casting
Au lendemain du très sévère et retentissant coup de semonce infligé le 22 mars, à l’occasion des élections locales, par la majorité des Sénégalais à la Coalition Sopi 2009 et à son leader le président Wade, en favorisant une remarquable percée de l’opposition dite significative réunie au sein de la Coalition Benno Siggil Senegaal, le régime de l’alternance se trouve aujourd’hui, comme jamais il ne l’a été, interpellé. D’abord sur ses facultés de s’investir dans une lecture correcte de ce message provenant du peuple et d’en extraire la ‘substantifique moelle’. Ensuite sur sa capacité à apporter des réponses idoines à l’expression par ce même peuple de son besoin de changement et de son aspiration à davantage de développement.

Sur le message, il importe beaucoup de se départir de toute œillère afin d’en décoder au mieux le sens. En tout état de cause, les Sénégalais ont affirmé qu’ils voulaient être gouvernés autrement tant au niveau local que central et aussi tâter du concret pour ce qui est de l’amélioration de leurs conditions d’existence. C’est ce qu’ils ont signifié aussi bien à l’endroit de nombreux élus de la majorité présidentielle qui ont été remerciés qu’à celui du président de la République lui-même qui a largement pris part à la campagne électorale des locales à travers des déplacements dans les principales villes du pays. Dans son message à la nation du 3 avril, veille de la célébration de la Fête nationale, le chef de l’Etat a assuré avoir bien compris le message à lui et à sa coalition adressé par le peuple sénégalais.

Pourtant, au regard des actes posés depuis, on peut émettre de sérieuses réserves sur l’entendement que lui et ses partisans ont des résultats sortis des urnes ce 22 mars 2009. Certains parmi ces derniers, au lieu de se livrer à une introspection en profondeur, ont choisi de parader et de crier victoire en avançant des chiffres qui fondent leur enthousiasme maladroitement feint. Le président Wade, quant à lui, évoquant la nouvelle donne politique lors de son discours à la Nation annonce, en guise de réponse, un changement de gouvernement à travers la nomination d’un nouveau Premier ministre et l’institution d’un poste de vice-président de la République.

Les deux attitudes des responsables du Pds et du pouvoir face à l’expression de la volonté populaire ont achevé de surprendre parce qu’elles dénotent une mauvaise compréhension, à tout le moins une appréciation déficitaire de celle-ci. Certes, en termes de suffrages et de nombre d’élus, la Coalition Sopi 2009 demeure en tête à l’issue des élections locales puisqu’elle a pu engranger 38,57 % des voix contre 31 % pour son suivant immédiat, en l’occurrence la Coalition Benno Siggil Senegaal.

Mais cette victoire est d’un goût amer puisqu’elle est sérieusement étriquée, et donc limitée, étant entachée de la grosse perte par cette coalition présidentielle de la plupart des capitales régionales du Sénégal pour n’en conserver ou en gagner que cinq au total sur les quatorze. Pavoiser dès lors devant un tel revers relève de la mystification et d’un leurre simplement puéril. Et une telle attitude ne porte pas à envisager, de la part des tenants du régime actuel, la prise de mesures appropriées pour contenir cette baisse tendancielle de voix et d’audience dans l’opinion. D’ailleurs, pouvait-il en être autrement ? Certainement pas. En effet, les ‘sopistes’, au lieu d’engager une réflexion et des études approfondies sur le catharsis du 22 mars 2009, s’engoncent dans l’entêtement et les formules éculées du genre ’nous avons gagné et nous demeurons forts’. A cet aveuglement ne s’est pas non plus soustrait le président de la République, par ailleurs secrétaire général national du Pds, qui verse lui aussi dans les travers de la politique politicienne, en offrant pour toute réponse cet étrange package contenant le changement de Premier ministre et la création d’un poste de vice-président dévolu à une femme. Maigres réponses à des questions cruciales soulevées le 22 mars par le peuple sénégalais.

Pourtant, les besoins de ce dernier sont on ne peut plus clairs : bien sûr, il y a le désir qu’il nourrit de voir nos institutions républicaines respectés tant dans leur organisation que dans leur fonctionnement. Mais, à l’heure actuelle, leurs préoccupations ne sont guère d’ordre institutionnel. Elles sont surtout d’ordre économique, social et financier : les Sénégalais en effet éprouvent le désir irrépressible de palper du concret en matière agricole avec une agriculture florissante, permettant l’autosuffisance alimentaire ; avec une industrie performante parce que pourvoyeuse d’emplois pour nos nombreux jeunes chômeurs et de produits à l’exportation ; avec l’accès au crédit à moindre coût pour entreprendre et s’adonner à des activités génératrices de revenus ; avec l’accessibilité géographique et financière à des soins de qualité à travers la multiplication des infrastructures sanitaires de haut rang et dotées de plateau technique moderne ; avec un système éducatif qui ne forme plus des oisifs de pleines semaines ; avec un cadre de vie propre, des logements décents et financièrement accessibles, etc. Et le tout assis sur une gouvernance exemplaire et dépourvue de toute scorie et des travers jusque-là connus.

C’est dire que l’attente des Sénégalais, en plus de se situer ailleurs, est immense, pressante au point de s’incruster désormais dans une patience fort limitée. C’est pourquoi le 22 mars constitue un sévère avertissement. Ce qui aurait dû inciter, pour en tenir bon compte, à réunir le Comité directeur du Pds pour une remise à plat sans tabou, à multiplier les brain-trust féconds, les concertations avec des politiques éprouvés et rompus à la tâche, afin de mettre rapidement en œuvre une stratégie de réponses pertinentes en adéquation avec les demandes si importantes du peuple sénégalais, de notre jeunesse en particulier. En lieu et place de tout cela, on a droit à une annonce de réaménagements institutionnels portant donc sur l’instauration d’une vice-présidence et sur le changement de Premier ministre.

Pourtant, il ne faudrait sans doute pas désespérer. Il se peut que ce soit à ce dernier et à son équipe qu’incombera la redoutable tâche d’engager enfin les réformes tant attendues en vue de mettre réellement le Sénégal sur l’orbite du progrès et du développement économique et social. La mission, parce que devant impérativement contenir une démarche nouvelle, un discours neuf et crédible et des actions nouvelles, ne sera pas aisée et de tout repos. Le chantier de la satisfaction des doléances et des besoins du peuple sénégalais s’avère important et très vaste. Et pour l’édifier solidement et atteindre les objectifs avec des résultats tangibles, il serait hasardeux de se livrer à de nouveaux replâtrages. Les urgences nationales, en rapport avec les préoccupations des Sénégalais, appellent, aux fins de leur prise en charge correcte et de leur règlement durable, des ruptures profondes. C’est déjà évoqué, les démarches et les discours doivent radicalement changer pour mieux coller aux réalités et à l’attente des populations. Le déphasage enregistré jusqu’ici entre l’attente des Sénégalais et les propos et les pratiques du gouvernement n’est plus de saison. Il convient à présent de changer de fond en comble la méthode de gouverner.

L’heure n’est plus à la concentration excessive du pouvoir avec comme corollaire son exercice solitaire. Il serait tout à fait vain de nommer un nouveau Premier ministre si, en fin de compte, on lui applique à lui aussi les mêmes méthodes que ses prédécesseurs, à savoir l’étouffer, le dessaisir de l’essentiel de ses prérogatives, ne lui assurer aucune marge de manœuvre, le soumettre à la susceptibilité et à la surveillance inhibitrice du chef. Le moment est venu d’appliquer les dispositions de la Constitution de 2001 en ce qui concerne les vrais pouvoirs du locataire de la Primature. La pleine jouissance de son pouvoir de nomination de fonctionnaires à de hautes fonctions assoirait davantage son autorité. Libérer son champ d’initiative le mettrait en confiance. Lui permettre de s’en tenir à la feuille de route qui se décline à travers la déclaration de politique générale devant la représentation parlementaire crédibiliserait son action et rétablirait la confiance entre le gouvernement et les citoyens sénégalais. A ce Premier ministre là, qui aura forcément à rétablir l’image écornée du rime du fait d’une effarante boulimie foncière et financière, il faudrait donner les moyens de restaurer la paix politique et sociale, en renouant avec l’opposition le fil du dialogue républicain et en engageant un dialogue constructif avec les syndicats dans un esprit de respect des engagements pris. Mais surtout, il faut un Premier ministre que ses compatriotes voient et entendent, c'est-à-dire un Pm qui aille au charbon, qui descende constamment sur le terrain au lieu de se calfeutrer dans les murs et les lustres d’un bureau douillet et à l’ambiance feutrée.

Un Premier ministre est fait pour être au-devant de la scène politique. C’est en quoi il se présente en fusible au profit du président de la République. Mais si l’une quelconque de ses sorties ou de ses déclarations est perçue comme une tentative de porter ombrage au chef et donc de le menacer pour son fauteuil présidentiel, les vieux démons de l’enfermement dans un réduit étroit vont ressurgir et plomber l’action gouvernementale. A cet égard, des ruptures hardies s’imposent. Et pour porter celles-ci, il faut à l’évidence aussi un homme ou une femme de rupture.

Le chef de l’Etat, a rapporté la presse, s’apprêterait à porter son choix sur un politique pur et dur pour la Primature. Chiche ! Quand arrive le temps de la politique, il faut des politiques qui sont mieux à même d’y évoluer. Et effectivement, depuis le 22 mars, en perspective de 2012, le temps sera implacablement politique. Donc l’option annoncée du président de la République épouse parfaitement l’air du temps. Reste que parce que nous sommes dans une période où s’est imposée la primauté de la politique, toute erreur de casting sur le futur locataire politique de la Primature serait lourde de dangers. Si celle ou celui qui sera désigné ratait le coche parce que son profil serait insuffisamment en adéquation avec les exigences du moment, le divorce avec les Sénégalais déçus et n’ayant plus d’espoir sera définitivement consommé et les perspectives de conservation du pouvoir en 2012 par l’actuel régime sérieusement compromises. Et entre-temps, le foyer social aura tout loisir de devenir phosphorescent tant ses braises auront fini de s’embraser. Ce qui peut mener à un tsunami tout aussi social que politique.

C’est pourquoi donc il est impératif de ne pas commettre une erreur de casting s’agissant du ‘politique pur et dur’ devant être nommé à la Primature. Pour ce faire, il est absolument nécessaire de soumettre les profils qui se dégagent jusqu’ici à une rigoureuse appréciation. Ceux qui circulent en ce moment ne sont pas forcément les meilleurs. D’autres profils tout à fait excellents sont nichés dans le vaste camp présidentiel, il suffit de les détecter. Aussi, pour éviter le flop, il serait sage de passer en revue tous les hommes et femmes politiques expérimentés du Pds, de les écouter, de les inciter, chacun en ce qui le concerne, à décliner, afin de les passer au peigne fin, les grands axes d’une politique susceptible de susciter à nouveau l’espoir et de rétablir la confiance des populations, dans l’éventualité d’un appel au poste prestigieux de Premier ministre.

Un politique pur et dur, tout à fait ; mais un pur et dur éprouvé pour dérouler dans un contexte d’affaiblissement réel de la majorité présidentielle suite à la surprenante percée d’une opposition réincarnée.

Papa Amath CISSE

Journaliste et Editeur Licencié en droit et en sciences politiques ancien élève à l’Institut d’études politiques de Paris E. mail : [email protected]



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