Wade à Laurent Gbagbo « Arrête de financer l’opposition pour qu’elle s’attaque à mon régime »

La présentation à Paris de l’ouvrage «Abdoulaye Wade : sa pensée économique, l’Afrique reprend l’initiative » du journaliste Mamadou Alpha Barry a été une belle occasion pour le chef de l’Etat d’évoquer avec la presse africaine accréditée à Paris, les questions brûlantes de l’économie de son pays le Sénégal. D’emblée, on savait que Me Wade en avait envie. Il a précisé à l’entame de son propos, être à cette conférence de presse pour parler de l’ouvrage dédié à sa pensée économique, mais précise-t-il : «je répondrais à d’autres questions liées à l’économie de mon pays et même à la politique ». Et le parterre de journalistes fut bien servi à la fin avec les différents avis dégagés par Me Abdoulaye Wade sur la crise des ICS, la situation de la SAR qui menace la fourniture d’énergie dans le pays. Il lâchera ensuite quelques anecdotes qui donnent un visage à "cette main étrangère qui finance l’opposition au Sénégal ».

Les ICS, une mauvaise affaire

Quel autre contexte aurait pu mieux s’y prêter que celui où l’on évoque «la pensée économique de Abdoulaye Wade, pour entendre le point de vue du chef de l’Etat sur la situation des ICS ? Le jugement de Me Wade est sans appel sur les Industries Chimiques du Sénégal ; allant même jusqu’à récuser une idée fortement répandue qui fait des ICS le fleuron de l’industrie au Sénégal. « Faux » a martelé le président de la République. Mieux, «c’est une illusion de croire que les ICS sont le fleuron de l’industrie au Sénégal : nous avons été trompés dans les ICS qui ont été négociées par des gens qui justement, ne connaissent rien à l’économie. On a été trompés ». Et Wade de dénoncer un protocole qui à la base, «confère à un seul client qui est actionnaire, et qui achète la production de l’entreprise au prix qu’il veut. Alors, il ne faut pas s’étonner que l’on soit dans cette situation-là ». Cela dit, le chef de l’Etat ne rejette pas toute la responsabilité de ce qui arrive aujourd’hui aux ICS aux seules personnes qui ont négocié la mise en place. Le président de la République a en effet révélé que les ICS sont en situation réelle de banqueroute. Et pour cause, «on nous a caché la vérité : il y a de la prévarication et des détournements. Je viens de faire faire un audit qui est sur ma table et dont on me dit, parce que je ne l’ai pas encore lu, qu’il montre des choses tout à fait extraordinaires. Le ton menaçant, le président de la République ajoute : « je vais lire cet audit et je vais le donner au tribunal pour qu’on juge ces gens qui ont mis le Sénégal dans cette situation ».

L’intervention de l’Etat

Pour autant, l’Etat ne lâche pas les industries chimiques du Sénégal même si la partie s’annonce difficile. « Il y va de l’intérêt du Sénégal et de notre crédibilité » dit le chef de l’Etat qui en fait une question de souveraineté. C’est pourquoi d’ailleurs explique-t-il, « le Sénégal donné l’aval de l’Etat pour 60 milliards de dette des ICS. Vous vous rendez compte ! » s’étonne Me Wade qui ajoute : «nous donnons l’aval de l’Etat dans une affaire où nous ne sommes rien, et ne gagnons rien parce que les ICS sont une mauvaise affaire. Mais croyez-moi, après cela, nous en ferons une bonne affaire avec une meilleure gestion ». D’une pierre faisant deux coups, Me. Aboulaye Wade convoque la Société Africaine de raffinage au banc des accusés sur la menace de pénurie de gasoil dans le pays. Il est normal que l’Etat ait des difficultés d’approvisionnement du marché si la SAR qui doit le faire ne s’acquitte pas de la tâche ; sous prétexte que l’Etat lui doit de l’argent. Nous aurions quand même en tant que Etat espérer plus de compréhension de la part de la SAR. Mais enfin, c’est leur problème puisque c’est des privés. Nous trouverons toujours des solutions pour le Sénégal et j’ai fait jouer mes relations. C’est ce que j’ai fait avec mon ami Obiang Ngéma qui m’envoie 2 bateaux dont le premier arrive samedi et que l’on va payer en 90 jours au lieu de 60 habituellement. Khadaffi nous a libéré 4 bateaux pour assurer l’approvisionnement régulier du marché.

Gbagbo finance l’opposition

Le chef de l’Etat a par ailleurs abordé d’autres questions liées notamment à la macro-économie et au NEPAD. Et au détour d’une question sur ses relations avec la Côte d’Ivoire et son homologue Laurent Gbagbo, Me. Aboulaye Wade s’est permis cette anecdote en racontant avoir un jour amicalement conseillé à Gbagbo «de dépanner les amis qu’il a au Sénégal. S’il veut leur offrir 10 millions, 15 millions pour les dépanner, c’est leur problème. Mais je lui ai dit, arrête de les financer pour qu’ils s’attaquent à mon gouvernement et qu’ils battent campagne pour faire tomber mon régime ». L’opposition appréciera. Voilà au moins qui a le mérite d’être un peu plus clair et qui donne un visage à cette main étrangère dont parlait le président de la République et qui financerait l’opposition pour manipuler les étudiants.