Afrique - migrations - Espagne :La "route" des pirogues découverte en 2004

APA, Madrid (Espagne) Un capitaine de pirogue qui a réussi la traversée des côtes mauritaniennes vers les Iles Canaries assure, dans des révélations à APA, que la route vers l’archipel espagnol a été découverte et "inaugurée" par des marins sénégalais en novembre 2004.

"C’était un valeureux capitaine de pirogue sénégalais qui a réussi à traverser l’Atlantique de Nouadhibou (nord de la Mauritanie) vers l’île canarienne de Tenerife.

Tout le monde croyait qu’il avait péri dans la traversée. C’est en 2005 que Ousmane a fait son apparition sain et « sauf ». Depuis, il a passé le mot, créant ainsi une nouvelle race des « aventuriers de l’Atlantique ».

Ousmane, qui a grandi dans une famille de pêcheurs sénégalais, vit depuis mars dernier à Madrid où il a été transféré par les autorités espagnoles avec un groupe d’immigrants subsahariens interceptés à leur arrivée à l’île de Tenerife à bord d’une pirogue de pêche.

Un grand nombre d’immigrants subsahariens ont pu traverser au cours de l’année 2005 l’Atlantique des côtes de la Mauritanie vers les Iles Canaries à bord d’embarcations de pêche.

Un tel exploit paraissait impossible à bord de telles barques, vu les longues distances. Ce qui a poussé les observateurs à soupçonner l’existence de "bateaux nourrices" qui remorqueraient les embarcations de fortune, depuis les côtes africaines jusqu’au côtes canariennes.

C’est "radicalement faux", avait répondu le 17 janvier dernier le ministre espagnol du travail et des affaires sociales, Jesus Caldera, qui démentait catégoriquement les affirmations du Conseiller à la justice (ministre) du gouvernement autonome canarien, José Miguel Ruano, selon lesquels les "bateaux nourrices" existaient bel et bien.

Des responsables canariens avaient affirmé que l’arrivée d’un grand nombre d’immigrants africains en bonne santé, malgré la longue traversée et la distance qui sépare les côtes africaines et canariennes, atteste que la mafia de l’immigration clandestine a changé de moyens en utilisant des bateaux de pêche et de commerce exerçant dans la zone pour transporter les immigrants jusqu’au littoral canarien.

L’information sur la supposée présence de bateaux nourrices est "incertaine, incorrecte et fausse" a répliqué M. Caldera sur un ton sans équivoque.

Le ministre espagnol avait raison, a en croire les révélations du passeur sénégalais, qui a assuré que les pirogues de pêcheurs africains assuraient directement "la liaison Mauritanie-Canaries" depuis début 2005.

La nouvelle route n’est toutefois devenue "populaire" qu’en début 2006 avec l’arrivée d’un grand nombre d’embarcations transportant des centaines d’immigrants africains.

Les observateurs ont attribué le déplacement de la pression migratoire des côtes sahariennes marocaines - distantes d’environ 150 Km de l’archipel - vers la Mauritanie au renforcement des contrôles des forces de sécurité marocaines le long du littoral du Sahara Occidental.

Les trafiquants ont préféré une route d’une distance multipliée par dix, jusqu’à plus de 1000 km, mais en utilisant de nouveaux moyens de transport, les "Cayucos", des pirogues de pêche plus robustes, fabriquées en fibre de verre, et pouvant transporter de 50 à 100 personnes selon les dimensions de l’embarcation qui peuvent parfois dépasser les 30 mètres.

La cadence des pirogues sur cette ligne conjuguée à l’augmentation de leur capacité de transport explique l’affluence massive sur ce couloir.

Un total de 11.155 immigrants originaires de divers pays d’Afrique subsaharienne ont ainsi débarqué sur les côtes des Iles Canaries entre le 1 er janvier et le 5 juillet 2006, selon des statistiques du gouvernement espagnol, rendues publiques mercredi.

De ces statistiques, publiées à l’occasion de la visite du Premier ministre espagnol dans les centres d’internement des "sans papiers", à Tenerife et Fuerteventura, il ressort que les ressortissants maliens viennent en tête des Subsahariens ayant pu atteindre l’archipel des Canaries à bord de pirogues, suivis des Sénégalais, puis des Gambiens.

Durant les sept premiers mois de l’année en cours, l’île de Tenerife a reçu le gros du contingent avec 6.033 immigrants, suivie de Gran Canaria qui a reçu 2.520 , puis de Fuerteventura (1.188), La Gomera (912), El Hierro (434) et Lanzarote (68).

Seule l’île de La Palma n’a enregistré aucun débarquement d’immigrants subsahariens.

Par nationalités, le gouvernement livre un décompte pour les cinq premiers mois qui ont enregistré l’affluence de 1.951 immigrants d’origine malienne, 1.117 Sénégalais, 922 Gambiens, 662 Ivoiriens, 344 Bissau-Guinéens et 316 ressortissants de la Guinée Conakry.

De petits groupes d’immigrants clandestins arrivés sur l’archipel canarien sont originaires d’autres pays comme la Mauritanie, le Liberia, la Sierra Léone, le Burkina-Faso ou le Soudan.

Dans ses déclarations à APA, Ousmane Senghor a raconté avec moult détails la saga de la traversée des côtes africaines vers "l’Edorado" des Canaries.