Emigration clandestine - Baye Seck tombe : le convoyeur a fait entrer 1 000 personnes en Espagne

SAINT-LOUIS - Emigration clandestine : Le cerveau tombe, un déballage s’annonce

La patience est la vertu des grands. Cette vérité générale, les enquêteurs en charge du dossier sur l’émigration clandestine en ont fait sienne. Après plusieurs mois de courses-poursuites, ils ont fini par mettre la main sur le cerveau qui organise ces voyages. Une semaine de filature aura suffi aux enquêteurs pour mettre la main sur cette personne qui risque de mettre en cause tout un réseau dont des agents de la police, de la gendarmerie et du parquet de Saint-Louis. Les populations, quant à elles, exigent des sanctions exemplaires.

Tout est parti d’une plainte déposée par Malick Diop qui, au moment de s’embarquer pour les Iles Canaries au mois de juillet, avait pris la mesure d’avertir son convoyeur que s’il n’arrivait pas à destination, il devrait rentrer dans ses fonds. Malheureusement pour le convoyeur, Malick Diop ne verra pas l’Espagne, leur embarcation ayant échoué à Nouadhibou. Recueilli par les gardes côtes mauritaniennes, il sera rapatrié au Sénégal. Une fois à Saint-Louis, Malick Diop se rend chez Modou Seck, le frère du cerveau de la bande, en l’occurrence Baye Seck, pour lui réclamer son argent. Ayant tardé à réagir, Malick Diop dépose une plainte au niveau du commissariat de police de Sor.

Interpellé par les limiers, Modou Seck reconnaît les faits, en précisant aux enquêteurs qu’il n’est qu’un simple recruteur, même si c’est lui qui a empoché les 380 000 francs. Et que ce sont Baye Seck et Massène Fall qui étaient à la tête du réseau. Ces deux derniers seront perdus par leurs portables, outils indispensables pour ce business. Souvent, des appels provenaient d’Espagne pour recommander des frères, des amis…

La récurrence des départs avaient fini d’inquiéter les autorités sénégalaises et même européennes. Seulement, dans le quartier de Guet Ndar, les gens s’étonnaient de voir que ce sont les candidats au voyage qui étaient sanctionnés et non les convoyeurs, d’où leur colère face à cette situation. Les choses semblent s’éclaircir depuis ce week-end avec l’arrestation du cerveau et de deux de ses acolytes, qui ont permis d’attirer plus de quarante candidats au voyage. Le procédé était simple. Le candidat appelle sur le téléphone portable pour prendre rendez-vous pour le lieu et l’heure de l’embarquement. Après chaque appel, le supposé passeur fixe son lieu de rendez-vous au candidat avant de l’embarquer vers la police.

Pour s’assurer du bon déroulement des choses, Baye Seck, le cerveau de ces voyages organisés, entre alors en jeu et appelle son bras droit pour s’enquérir de la situation, car le jour de leur interpellation, ils préparaient un voyage. Au bout du fil, un des enquêteurs lui répond. Visiblement obnubilé par l’argent à encaisser, Baye Seck ne s’est pas rendu compte que la voix n’était pas celle de Massène Fall. A son tour, il sera pris par les enquêteurs à bord d’un taxi. Mais le plus cocasse dans cette affaire, renseigne l’une de nos sources, c’est que ce réseau a des ramifications insoupçonnées. D’ailleurs, sur les différents procès liés à l’immigration clandestine, le nom de Baye Seck avait été toujours cité, sans qu’on y prête attention au niveau du parquet.

Quant à Massène Fall, il avait été appréhendé et déféré tout au début, mais curieusement, il a été libéré. Pis, les populations qui s’étonnaient de voir Baye Seck vaquer librement à ses occupations, avaient fini de se faire une religion sur les membres de ce réseau. Baye Seck a toujours été filé, mais «nous n’avons jamais eu l’opportunité de le surprendre», indique-t-on au commissariat de Saint-Louis.

En tout cas, ces arrestations risquent de faire sauter certaines têtes car Baye Seck aurait déclaré aux enquêteurs : «Si vous me déférez lundi, je serai libre mardi». Il semble ignorer le scandale au sein de la magistrature. Ses protecteurs resteront de marbre à moins qu’il ne décide de vendre la mèche comme il l’a déjà fait en indexant certaines personnes au Tribunal de Saint-Louis.

Le dossier aurait atterri auprès du ministère de l’Intérieur et des dispositions prises pour aller au bout de cette affaire. Les trois prévenus, Baye Seck, son frère Modou et Massène Fall seront déférés ce matin. Par ailleurs, n’eût été la collaboration des populations de Guet Ndar, les enquêteurs n’auraient jamais réussi à démanteler ce réseau qui a fait entrer près de 1 000 personnes en Espagne. Les principaux candidats venaient pour l’essentiel de Touba et de la région de Louga. Correspondant