Quarante-huit heures de grève ont suffi pour transformer la capitale en décharge à ciel ouvert. Au croisement des axes Liberté 6-Scat Urbam et Grand-Yoff-Camp pénal, le décor est triste. Au pied d'un panneau publicitaire, les ordures s'amoncellent et, plus le temps passe, plus le volume s'accroît. Composées de pelures de mangues, de débris de haricots, de sachets plastiques et autres restes de nourriture, les ordures constituent une pollution visuelle désagréable et dégagent des exhalaisons puantes qui obligent certains passants à se boucher les narines. Cet exemple n'est qu'un parmi tant d'autres à travers la ville. En faisant un tour dans quelques quartiers de Dakar, l'on se rend compte que la capitale est très sale ces temps-ci et dégage des odeurs nauséabondes. Une situation qui fait suite à la grève des ramasseurs des ordures pour réclamer leur salaire.
Le long du trottoir allant de Liberté 6 à la Cité des eaux, la situation est pire. On se croirait dans une foire des ordures. Allant des déchets pour une famille à ceux de tout un quartier, les amas se suivent les uns à côté des autres et se différencient de par leur quantité et leurs composantes. Assise sur un banc en ciment devant sa maison, solitaire et l'air anxieuse, Caroline Demba soutient que c'est le fait de la population des autres quartiers. ‘Je ne peux pas dormir en voyant ces ordures. Nous gardons les nôtres jusqu'à l'arrivée des camions de ramassage. Mais les gens attendent jusque tard dans la nuit pour venir déposer les leurs.
Nous avons toujours combattu ces actes sans succès’, accuse-t-elle. Sur la chaussée, les opérations de désensablement continuent. Mais le résultat reste discret, sinon invisible face à ces montagnes d'ordures aux effluves fétides et autour desquelles bourdonnent les mouches. Un décor qui ne dérange pas outre mesure Maguette Sembène qui y voit une sorte de vengeance sur l'Etat. Dans une expression emphatique, elle soutient que c'est elle et ses voisines qui en sont les responsables. ‘C'est nous qui les avons jetées ici (les ordures, Ndlr). Et si les autres étaient du même avis que moi, nous les aurions déposées au milieu de la route’, s'écrit-elle. ‘Pas question de les garder dans nos cours puisque les ministres ne le font pas chez eux’, ajoute-t-elle tout excitée.
Au rond-point de Castors, c’est le même décor. Au milieu des déchets, un homme qui ne semble pas jouir de toutes ses facultés mentales vide les sachets d'ordures, à la recherche d'un hypothétique objet de valeur. Quelques minutes plus tard, une fille arrive, un seau blanc sur la tête. Le visage fatigué, elle vide le contenu au pied du panneau publicitaire et retourne sur ses pas, l'air absente.
A Dieupeul, la situation semble meilleure. Là, les habitants ont mis les poubelles toutes remplies devant les maisons. Poubelle classique, caisse, sceau, panier ou bidon, tout est bon pour contenir ces choses indésirables dans les maisons. Bintou Niang explique qu'à défaut de camion de ramassage, on les met dehors en attendant l'arrivée des charrettes. ‘Depuis quatre jours, nous n'avons pas vu les camions. Maintenant, des vers commencent à sortir des poubelles et l'odeur est pestilentielle. Nous sommes obligés de payer pour nous en débarrasser’, explique-t-elle.
Les charretiers tirent leur épingle du jeu
Les bénéficiaires de cette situation sont les charretiers. Depuis 48 heures, ils ne cessent de charger leurs charrettes, moyennant espèces sonnantes. L'un d'eux répond au nom de Cheikh Diouf. La tenue noircie par les saletés, il tire pompeusement sa cigarette, un sourire triomphant au coin des lèvres. ‘D'habitude je faisais un voyage par jour, aujourd'hui j'ai fait deux. Si la journée est bonne, je peux gagner 10 000 francs’, dit-il gaiement.
Quant à la population, elle dit comprendre les concessionnaires et fustige l'attitude de Etat qui, selon elle, ne fait que jouir et rebattre les oreilles des gens avec des discours politiciens.
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