LES DIABÉTIQUES FACE A L’ÉQUATION RISQUÉE DU JEUNE

Le jeûne et le diabète ne font pas souvent bon ménage. Au centre antidiabétique Marc Sankalé, des diabétiques expriment leur position sur la question. Certains Font preuve de prudence, d’autres se permettent de prendre des risques graves.

Hôpital Abass Ndao. La structure sanitaire est calme ce mardi matin. Pas de bousculade à l’entrée. Les salles de consultations sont desertes. Au centre antidiabétique, le décor est tout autre. Ici, les diabétiques sont venus en masse soit pour des rendez-vous, soit pour des consultations. Ils sont visibles dans les différents coins des lieux notamment à la case se trouvant au milieu du centre antidiabétique. Certains sont couchés sur les bancs. D’autres assis. Les médecins défilent dans les couloirs. Karim Gueye, âgé de 63 ans est dans les rangs. Depuis 2007, il est diabétique de type 1, mais il jeûne. « La privatisation de la nourriture pendant toute la journée permet de réduire le taux de sucre dans le corps du malade mais aussi et surtout la diminution du poids du diabétique » explique Karim Gueye. Près de lui, Manding Seydi, un maître coranique dans un village de Sédhiou au sud du pays. Il avait rendez-vous à Dakar, précisément au centre antidiabétique Marc Sankhalé pour le contrôle de son état de santé. Diabétique depuis son jeune âge, cette personne du troisième âge ne badine pas avec le jeûne malgré sa santé. « Le jeûne est l’une des recommandations de Dieu. Mon devoir est de jeûner quelle que soit ma situation durant ce mois. En tant que musulman, je dois jeûner, même si je dois mourir après. Donc personne ne peut m’interdire cela », précise le maître coranique. Avant de confirmer qu’il se porte bien. « En me privant de la nourriture, je vois mon taux de sucre se normaliser. Le jeûne a un avantage énorme pour un diabétique. Je ne sais si les autres personnes l’ont compris », tente-t-il de convaincre. Ces deux interlocuteurs, selon leurs déclarations, n’ont pas reçu des médecins, une prescription leur interdisant le jeûne. De ce fait, ils continueront de jeûner. « Les médecins n’ont rien dit sur le jeûne. Je pense qu’il n’y a pas de danger sur le plan médical », fait remarquer Karim Gueye.

Cheikh Oumar Fall souffre du diabète de type 2, il prend des piqûres d’insuline trois fois par jour. A cause d’une plaie survenue en plein mois de ramadan, il a mis fin à son jeûne. « Je ne jeûne pas parce que je suis sous traitement. Chaque matin j’avale des médicaments avant de me faire soigner, ce qui ne me permet pas de jeûner », explique-t-il. Cependant, il espère le faire après sa guérison. Car, dit-t-il, « Dieu recommande à chacun d’entre nous de jeûner pendant un mois, mais à condition qu’il soit en bonne santé », a rappelé Cheikh Oumar. Devant la porte du centre antidiabétique, une femme de 64 ans ne sachant plus quoi faire, évoque Dieu à travers son chapelet. Mme Adja Fatou Lo, vient d’être au courant de son diabète de type 2. Elle est aussitôt soumise à un traitement et à un régime alimentaire particulier. Elle mange moins salé, moins sucré et six cuillérées de riz par jour. « Les médecins m’ont aussi demandé de manger de la salade, du haricot vert, du poisson et des fruits », raconte-t-elle.

Pourtant, au début, elle jeûnait sans problème. Mais depuis que le médecin a confirmé sa maladie, elle a mis fin à son jeûne parce qu’avant de se faire injecter de l’insuline, les médecins lui recommandent de manger. Oumar Kane est logé dans la même enseigne. Atteint de diabète de type 2 en 2000, cet homme de taille moyenne qui ne cesse de transpirer, a vu son taux de sucre augmenter ces derniers jours. Il est mis sous traitement. Tremblotant, Oumar Kane avoue qu’il prend de l’insuline quatre fois dans la journée avec une augmentation de dose passant de 12 à 14. « Dans ces conditions, je ne peux jeûner parce qu’en plus de ce traitement, j’ai des problèmes de vision. C’est très difficile », se désole-t-il en baissant la tête, sous le regard des autres malades qui prêtent l’oreille à son discours. L’un des malades reprend la parole en soulignant qu’un diabétique ne peut pas se permettre de priver son organisme de nourriture toute la journée. « Je ne peux même pas manger à cause des douleurs. Il me faut boire de temps à temps de l’eau et prendre mes médicaments. C’est pour cette raison que je ne peux pas jeûner », regrette notre interlocuteur.