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[ Opinion ] Mauvais résultats du Bfem et du Bac : Les élèves sacrifiés

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[ Opinion ] Mauvais résultats du Bfem et du Bac : Les élèves sacrifiés
Au moment où notre cher pays accorde l’essentiel de son budget à l’éducatif, au moment où les autorités gouvernementales en charge des questions éducatives sont en plein dans la phase de la gestion, cette phase qui succède celle de l’accès et de la qualité, les crises éducatives persistent comme en attestent les résultats catastrophiques du Bfem et du Bac proclamés encore cette année. Comment expliquer une telle situation ? Quels sont les facteurs à l’origine des échecs scolaires dans le cycle moyen et secondaire au Sénégal ? Quelles alternatives préconiser face à ces crises ?

Plusieurs facteurs de crises affectent le système éducatif. Les échecs scolaires en sont, entre autres, une parfaite illustration. Ces crises ont, cependant, un encrage très profond qui s’inscrit dans l’histoire de l’évolution du système éducatif au Sénégal. En effet, tout a commencé en 1817 avec la mise en place de la première école française au Sénégal par l’administration coloniale, un modèle d’école qui n’émanait et ne reflétait guère les préoccupations de la population sénégalaise. Ce modèle d’école qui a toujours fait l’objet d’un rejet et surtout de la part de la communauté musulmane, avait fini par être imposé sur l’ensemble du territoire national malgré de fortes résistances. C’est dans ces circonstances que le modèle d’école français a évolué et ce jusqu’en 1960.

Au moment de son retrait du Sénégal en 1960, l’administration coloniale avait donc réussi à atteindre ses objectifs éducatifs. Un nombre assez important de cadres sénégalais avait reçu une formation sous ce modèle, avait servi dans l’administration coloniale pour apprendre les logiques de l’administration coloniale et était apte à les relayer à distance. L’administration coloniale avait donc formé des hommes de confiance selon les objectifs et les ambitions qu’elle s’était fixés pour le Sénégal. Comme le confirme Togola (2003), l’indépendance du Sénégal ‘n’a jamais été le fruit d’une victoire historique et auto libératrice des élites. Elle a été au contraire un processus pensé et conçu par l’ex-colonisateur en lieux et temps utiles pour lui’*.

Vingt ans après l’indépendance, de 1960 à 1980, aucune réforme éducative n’a été entreprise, les élites nouvellement élues ont reconduit les politiques éducatives de l’administration coloniale. Ce n’est qu’en 1980, face aux crises qui continuent d’affecter le système et aux résistances de plus en plus marquées des populations à envoyer leur enfant à l’école que les Etats généraux de l’éducation et de la formation sont convoqués dans le but d’adapter le système éducatif aux réalités socioculturelles. Dix ans après, en 1991 notamment, la situation éducative ne s’était toujours pas améliorée fondamentalement. C’est ainsi que les élites éducatives dirigeantes élaborent la loi d’orientation qui revient sur les préoccupations d’adapter le système éducatif aux réalités socioculturelles.

Les années 1990 sont également marquées par une plus forte mobilisation de la communauté internationale et des Nations Unies en particulier à la cause éducative. Cette mobilisation s’est manifestée, entre autres, par la rencontre du 5 au 9 mars en Thaïlande pour la Conférence mondiale sur l’Education pour tous. Face aux crises scolaires qui prennent toujours de plus en plus d’ampleur, notamment dans les pays en développement, la communauté internationale décide de se rencontrer à Dakar, les objectifs d’éducation pour tous, de qualité et de gestion furent consolidés.

Toute cette période (de 1990 à nos jours) a été particulièrement marquée également par l’introduction de fonds importants pour la gestion de l’Education pour tous. On assiste, depuis, à un intérêt plus accentué à la cause éducative qui semble laisser croire à un attrait pour les fonds mis à contribution pour résoudre les crises scolaires plutôt que pour l’amélioration et la résolution des crises scolaires. Les échecs scolaires qui continuent de gagner du terrain en sont une parfaite illustration. Il est, cependant, clair que la question des fonds alloués ces dernières années pour assurer l’éducation pour tous et réduire les crises scolaires n’est qu’une goutte d’eau dans le vase qui contribue davantage à gangrener le système. Les facteurs de ces crises, comme nous l’avons souligné, mettent non seulement en cause tout un système, mais ils sont profonds.

Il est donc clair que tant que le système éducatif restera à l’état où il est en train d’être exécuté, autrement dit, tant qu’il ne fera l’objet d’une réélaboration profonde à partir des préoccupations, besoins et objectifs des populations, les crises persisteront malheureusement et, des échecs tels ceux auxquels nous avons assisté, suite à la proclamation des résultats du Bac et du Bfem cette année, seront inévitables.

Il est à la fois temps et très important de mobiliser tous les acteurs extra et intra scolaires à s’impliquer pour un système éducatif adapté et performant. Dans cette dynamique, il sera intéressant également de s’inspirer des politiques éducatives d’ailleurs, de tester leur adaptabilité dans notre contexte socioculturel et politique de pays en développement et pourquoi pas l’intégrer à notre système.

Pour parvenir ainsi à un système éducatif de qualité, et pour éviter un système gangreneux qui se généralise davantage qui conduit de plus en plus à des générations de jeunes sacrifiés, il est temps de mettre en place un grand comité de réélaboration de l’ensemble du système éducatif qui sera composé de plusieurs sous-comités qui prendront en charge toutes les composantes éducatives. Ce comité sera audité, suivi et évalué par un autre comité parallèle appelé Comité de veille, de suivi et d’évaluation.

Ndèye Tening NIANG - Consultante Sociologie de l’Education

* Togola. A., Aliénation, autonomie et ajustement structurel : repérage analytique des sources d’incohérences économiques et politiques en Afrique sub-saharienne. Le cas exemplaire de l’Etat sénégalais sous ajustement structurel, Mémoire de Dea, Institut universitaire d’études du développement, Genève, 2003



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