Mbagnick Diop : ''Les jeunes Sénégalais réussiraient au Sénégal avec le dixième de leurs efforts dans les pays européens''

Barcelone, 4 juil (APS) - Le symposium international «Diaspora des affaires» organisé à Barcelone a vécu. Cette 4ème édition a enregistré la présence de l'épouse du chef de l'Etat sénégalais, Viviane Wade, des ambassadeurs, diplomates et officiels des administrations et agences publiques du Sénégal et de l'Espagne, ainsi que des banquiers, assureurs et autres hommes d'affaires des deux pays. Des centaines d'émigrés sénégalais y ont pris part. Entretien avec Mbagnick Diop, président du Mouvement des entreprises du Sénégal (MEDS).

- Quel bilan l'organisation patronale que vous dirigez peut-elle en tirer relativement à ses objectifs ?

La rencontre a été rehaussée par la présence de la Première dame qui a beaucoup contribué à sa réussite. Elle-même, a eu une dizaine d'entretiens avec des partenaires espagnols, des donateurs qui veulent aider son association (Education et Santé), l'enfance déshéritée et les femmes esseulées. Je pense que le symposium est une rencontre internationale qui mérite d'être pérennisée. Les résultats du symposium sont positifs. Nous avons regroupé des Sénégalais de l'extérieur qui sont porteurs de projets ou des chefs d'entreprises. C'est à eux maintenant de véhiculer le message sur ce qui se fait au Sénégal d'informer les autres compatriotes expatriés.
On a enregistré 62 entreprises espagnoles qui sont venues participer activement aux travaux à l'issue desquels, plus d'une trentaine de protocoles d'accord de partenariat et de formation ont été signés entre des entreprises sénégalaises et nos homologues. En effet, en marge de ce symposium sénégalo-sénégalais, il y a le business avec les rencontres one-to-one pour permettre aux entreprises sénégalaises qui ont fait le déplacement de pouvoir nouer des relations de partenariats, de joint-venture, de transfert de technologies et échanges commerciaux avec les Espagnols.
Personnellement, je suis très satisfait de l'organisation de symposium, surtout de sa réussite. Ça été un franc succès. Les objectifs de ce concept novateur que nous avons lancé sont qu'à un moment de l'année, il faut regrouper les Sénégalais de l'extérieur et tous les acteurs qui tournent autour pour créer ce que j'appelle une économie de l'immigration. Aujourd'hui, l'épargne des émigrés qui est évaluée à plus de 500 milliards de francs CFA devrait être orientée vers l'investissement productif, du secteur industriel ou vers les services. Mais, le constat qui est fait est que les Sénégalais de l'extérieur ont tendance à investir dans l'immobilier qui leur paraît plus sécurisant. Le symposium a permis d'échanger, de communiquer sur l'environnement des affaires au Sénégal, les opportunités d'investissement et les secteurs porteurs, et surtout, de les rassurer qu'aujourd'hui le Sénégal est un pays en chantier. Il y a beaucoup de choses qu'on peut faire dans le pays. L'émigration n'est pas une fin en soi, c'est un tremplin.
Dans l'ensemble, les objectifs que nous nous sommes fixés ont été largement atteints. Les Sénégalais de l'extérieur ont eu des informations importantes qui les motivent à revenir au Sénégal et les entreprises qui ont fait le déplacement ont eu des contacts fructueux avec leurs homologues espagnols. Les autorités sénégalaises sont satisfaites parce qu'il ont fait passer le message que l'Etat est à leur écouter. Nous avons besoin de ces fils et filles du Sénégal qui sont des expatriés, mais ils ont l'expérience et le professionnalisme. Beaucoup d'entre eux aspirent à revenir au pays. L'Etat leur tend la main. Au-delà de la diaspora, c'est l'image et la destination du Sénégal qui est vendue à nos partenaires européens.

- Dans l'immédiat, quels sont les résultats qui peuvent en être attendus ?

Aujourd'hui, le Sénégal est devenu attractif pour les Espagnols. Ce qui permis d'inverser la perception négative qu'ils avaient du Sénégal à cause de l'émigration clandestine. Des rafiots ou pirogues qui viennent échouer sur leurs rivages ! Nous avons démontré aux Espagnols, qu'au Sénégal, il y a des jeunes, de jeunes entrepreneurs ou intellectuels compétents. Un chef d'entreprise espagnol qui travaille avec le Cameroun m'a confié qu'il a été impressionné par l'organisation et la méthode des Sénégalais, en me confiant qu'il ne savait pas que des Africains pouvaient organiser une manifestation aussi performante, aussi sélective et aussi bien réussie. Je lui ai dit qu'en Afrique, il y a du talent et des compétences. Peut-être que vous ne voyiez que le côté négatif des jeunes qui débarquent sur vos rives et qui aspirent à réussir leur vie. Mais nous avons des jeunes qualifiés. Toutes les entreprises qui ont participé ont apprécié l'organisation et la qualité des interventions.

- La lutte contre l'émigration clandestine a été présentée comme un objectif intermédiaire des partenariats en vue avec les Espagnols. Quelles sont les orientations attendues pour tirer profit de cet effet induit ?

Un des objectifs de la convention (avec la PIMEC qui regroupe 565 000 PME espagnoles), c'est de créer des emplois au Sénégal, c'est-à-dire de fixer les jeunes dans leur milieu rural ou d'origine. Il y a une migration des jeunes qui sont dans les villages et de l'intérieur du Sénégal vers Dakar, pour aller de là vers l'Espagne ou sous d'autres cieux plus alléchants que le Sénégal. Donc, cette convention va permettre à des entreprises de s'implanter hors de Dakar, justement dans ces régions reculées pour essayer de fixer ces jeunes sur place. Parce que s'ils ont du boulot, ils ne viendront pas à Dakar ou ils ne vont pas penser à émigrer. Par ricochet, les retombées de cet accord, ce sont la création de plusieurs milliers d'emplois au Sénégal. Dans la foulée, le MEDS a lancé le concept de l'entreprenariat rural qui aujourd'hui a été repris par l'Etat. Si tout est mis en place, avec l'apport de nos homologues espagnols et d'autres organisations patronales et entreprises étrangères, je pense que c'est un des moyens pour lutter contre l'émigration clandestine. Nous faisons comprendre aux jeunes sénégalais qu'ils peuvent réussir au Sénégal, s'ils faisaient le dixième de l'effort qu'ils font lorsqu'ils dans les pays européens. Non seulement, ils réussiraient au Sénégal, mieux, ils contribueraient à le développer.

- Avec les sollicitations nombreuses des différents foyers d'émigrés sénégalais en Europe, comment allez-vous respecter l'agenda de «Diaspora des affaires» ?

Ça c'est une question très difficile. Aujourd'hui, il y a une forte demande auprès des Sénégalais installés à l'étranger parce qu'ils sont avides d'informations. La «Diaspora des affaires» leur permet pendant une journée de communier avec le Sénégal, de pouvoir communiquer avec les décideurs politiques et économiques sur l'environnement des affaires. Avec nos bureaux de représentation (7 en Europe, 2 aux Etats-Unis et un au Canada), nous allons initier des mini forums d'investissement et d'opportunités au Sénégal. Mais, la 5ème édition est prévue l'année prochaine à Montréal, au Canada, où réside une forte colonie sénégalaise. C'est une autre édition parce que le profil des émigrés n'est pas le même dans tous les pays.

SAB/ADC