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Me Antoine MBENGUE : ‘C’est la répression des marches qui trouble l’ordre public’

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Me Antoine MBENGUE : ‘C’est la répression des marches qui trouble l’ordre public’
L’Association des jeunes avocats doit, entre autres objectifs, défendre les intérêts moraux et professionnels de ses membres. Mais, à en croire son président nouvellement élu, l’Ajas fait beaucoup dans l’humanitaire, en assurant notamment la défense de personnes n’ayant pas les ressources nécessaires pour accéder à la justice. Me Antoine Mbengue qui est revenu sur la marche réprimée de samedi dernier, estime que le trouble à l’ordre public, ce n’est pas la marche, mais la répression des marches. Quant au procès d’Hissène Habré, Me Mbengue, membre du pool d’avocats pour la défense de Macky Sall, estime qu’au-delà de l’ancien dictateur tchadien, c’est le procès de beaucoup de dirigeants africains qui sera fait.

Wal Fadjri : Vous venez d’être porté à la tête de l’Association des jeunes avocats du Sénégal (Ajas). Quels sont les objectifs de cette association et les nouveaux défis que vous entendez relever au cours de votre mandat ?

Me Antoine Mbengue : Je voudrais d’abord de remercier l’ensemble des jeunes avocats pour la confiance placée en ma modeste personne pour conduire la destinée de notre structure pour un mandat de deux années, pour la cohésion autour de ma candidature qui est la seule à ce poste alors que d’autres plus expérimentés auraient pu postuler. Mais en acceptant les uns et les autres de taire leurs ambitions personnelles, ils traduisent le symbole de l’unité autour de l’essentiel. L’essentiel n’étant guère la direction d’une structure, mais l’engagement que tous et chacun y mettent pour son rayonnement à quelque niveau de responsabilité où ils se situent.

L’Association des jeunes avocats (Ajas) est une association créée le 26 mai 1976 à Dakar et regroupant l’ensemble des avocats âgés d’au plus 45 ans. Ses objectifs sont déjà fixés par ses statuts et sont entre autres : défendre les intérêts moraux et professionnels de ses membres, créer des liens de solidarité entre eux, veiller en liaison avec d’autres organisations au respect des droits de la défense, des libertés publiques individuelles et collectives, contribuer à la formation et à l’information de ses membres, participer à la formation juridique des populations. Voilà donc ramassés, quelques objectifs entre autres de notre association. Et c’est en s’adossant sur ces objectifs que chaque président élu avec son bureau propose un programme. Pour mon élection, je n’ai pas, comme cela se faisait, proposé à mes confrères un programme de campagne parce que, d’abord, j’étais vice-président dans le précédent bureau où nous nous étions fait élire sur la base d’un document suffisamment discuté avec les avocats. Ce programme, s’il est exécuté sur bien des points, est déjà un instrument de travail pour les points non encore exécutés, mais également pour la préservation et l’amélioration des acquis. Je me le suis réapproprié, surtout que je faisais partie de ses concepteurs de l’époque.

L’autre raison est liée au fait qu’avec l’élection de notre bâtonnier Me Mame Adama Guèye, un séminaire a été organisé à l’hôtel Méridien sur le développement de la profession. Les avocats, en masse, ont réfléchi et participé à l’identification de l’ensemble des problèmes qui préoccupent notre Ordre et à la définition des stratégies à même de les résoudre.

Les préoccupations des jeunes étant au moins identifiées, mon défi qui est celui de tous les jeunes est de contribuer à la mise en œuvre effective de toutes les solutions préconisées pour l’amélioration du statut du jeune avocat. C’est pourquoi il m’est un défi de faciliter l’accès du jeune avocat au logement à travers la coopérative d’habitat qui existe déjà, mais qu’il faut davantage booster, faciliter au jeune avocat l’accès au crédit pour son installation et cela en concertation avec notre Ordre. Renforcer la crédibilité de notre association tant au niveau continental que mondial. C’est cela d’ailleurs qui nous vaut de recevoir, lors de la rentrée de la conférence du stage de Dakar les 25, 26 et 27 mars, nos confrères africains pour le congrès constitutif de la Fédération africaine des unions de jeunes avocats dont j’ai la chance de coordonner le projet. Les défis sont énormes, mais j’ose espérer qu’avec l’engagement des membres, nous parviendrons à les relever.

Wal Fadjri : N’est-il pas du devoir des jeunes avocats de s’approcher davantage des populations pour mieux les aider à comprendre leurs droits ?

Me Antoine Mbengue : Cela a toujours été notre credo car si l’Ajas est aujourd’hui connue, au-delà de son traditionnel gala de la justice, c’est son tour juridique qui se traduit par des plaidoiries gratuites au profit des détenus démunis et dans toutes les régions du Sénégal, qui fait son rayonnement. Des consultations gratuites sont également organisées au profit des populations et souvent en partenariat avec des organisations de la société civile comme ce fut le cas, il y a quelques années, avec le Forum civil. Des dons sont même souvent consentis à des couches défavorisées de la population. En améliorant notre système de communication, peut-être nos actions seront plus visibles et nous comptons sur la presse pour nous y aider au grand bénéfice des populations.

Wal Fadjri : Voulez-vous dire que les jeunes avocats se font le devoir d’assister les justiciables qui ont maille à partir avec la justice et qui n’ont pas les moyens financiers pour assurer leur défense ?

Me Antoine Mbengue : J’allais dire même que cela est un rôle consacré, si l’on s’intéresse à la commission d’office qui permettait de désigner un avocat pour assurer la défense de personnes n’ayant pas les ressources nécessaires pour accéder à la justice. A l’époque où les fonds pour l’assistance judiciaire n’étaient pas encore mis en place, les jeunes étaient tout le temps désignés et se sont donnés avec beaucoup d’abnégation à la défense des causes qui leur étaient confiées. Aujourd’hui, même avec la mise en place du fonds pour l’assistance que nous saluons et souhaitons voir améliorer, les jeunes avocats ne restent pas un jour où ils ne se voient confier par des amis, des parents, des cas qui leur font souvent passer des journées entières au palais, et ce, gratuitement. Cela est le côté social de notre profession et nous l’assumons avec beaucoup de plaisir et le sentiment d’avoir sorti quelqu’un du désarroi nous suffit pour réconfort.

‘Nous savons tous, qu’au-delà du procès d’Hissène Habré, c’est le procès de beaucoup de dirigeants africains qui sera fait, mais également le procès de la pertinence de la justice internationale’

Wal Fadjri : La Belgique menace de porter plainte contre le Sénégal devant la Cour internationale de Justice pour exiger le jugement d’Hissène Habré ou son extradition. Comment l’avocat sénégalais réagit-il à cette nouvelle ?

Me Antoine Mbengue : Je ne sais vraiment pas encore si une plainte a effectivement été déposée à ce sujet contre le Sénégal et je ne suis pas de près ce dossier Hissène Habré. Mais je puis dire que cette affaire est agitée depuis quelques années au Sénégal. C’est depuis 2000 qu’ont été introduites les premières procédures qui avaient conduit à l’époque à l’incompétence des juridictions sénégalaises, motifs pris me semblait-il de ce qu’aucun texte de procédure ne reconnaissait aux juridictions sénégalaises une compétence universelle en vue de poursuivre et de juger, si elles sont trouvées sur son territoire, les personnes présumées coupables de crimes contre l’humanité. Depuis, beaucoup de choses ont évolué, car le Sénégal s’est doté de l’arsenal juridique nécessaire pour connaître du cas Habré. Or les conventions internationales, notamment la convention de New York du 10 décembre 1984, fait obligation aux Etats parties de prendre les mesures nécessaires pour établir leur compétence concernant ces infractions qualifiées de crime contre l’humanité ou d’extrader les personnes présumées coupables. Le Sénégal s’est acquitté de la première obligation, il reste alors ou de le juger ou de l’extrader. Mais il ne faudrait surtout pas que l’envie de juger Hissène Habré occulte, par des pressions tous azimuts, les droits des uns et des autres. Il y a le droit des prétendues victimes à un procès public et équitable, mais aussi le droit des présumés coupables à la garantie de leur présomption d’innocence jusqu’à ce qu’une décision atteste du contraire. Il faut donc savoir raison garder, même si l’Etat sénégalais doit veiller à la bonne exécution de ses engagements internationaux.

Wal Fadjri : Qu’est-ce qui, selon vous, retarde la tenue de ce procès qui fait couler beaucoup d’encre ?

Me Antoine Mbengue : Je ne saurais le dire car je ne suis pas une voix autorisée pour cela. Mais nous savons tous, qu’au-delà du procès d’Hissène Habré, c’est le procès de beaucoup de dirigeants africains qui sera fait, mais également le procès de la pertinence de la justice internationale à travers cette notion de compétence universelle pour connaître de certaines infractions. Vous comprenez donc que les enjeux sont énormes et les intérêts divergents. Tant qu’on ne tire pas tous vers la même direction, la marche ne sera pas rapide et c’est peut-être cela qui retarde le procès.

Wal Fadjri : La marche du collectif pour la défense du stade Assane Diouf a été violemment réprimée samedi dernier. Quel est l’état des libertés et de la démocratie au Sénégal ?

Me Antoine Mbengue : Le Sénégal s’est doté d’un arsenal juridique qui protège les libertés et l’Etat de droit. Mais la beauté des textes ne suffit pas pour protéger ces libertés. Il est très regrettable de constater que, malgré l’inscription du droit à la marche pour manifester sa désapprobation dans notre Constitution, le refus de délivrer l’autorisation de marcher devienne tellement récurrent qu’il est aujourd’hui la règle et non l’exception. Et en plus, les marches, comme vous le dites, sont sévèrement réprimées. Le motif souvent allégué est le risque de trouble à l’ordre public. L’on constate que c’est plutôt la répression qui trouble l’ordre public puisqu’il est plus facile d’encadrer une marche que de la réprimer. Nous condamnons avec la dernière énergie ces formes de violences inutiles et qui ne font que fragiliser notre démocratie et notre unité nationale. Nous en appelons également au sens des responsabilités des uns et des autres pour un Sénégal harmonieux et prospère.

Wal Fadjri : Vous êtes membre du pool d’avocats qui défend l’ancien Premier ministre Macky Sall. Peut-on croire que le dossier est aujourd’hui classé ?

Me Antoine Mbengue : Pour ce dossier, le collectif, comme vous le savez, a beaucoup communiqué et chaque fois que cela était nécessaire. Nous nous étions fixé, comme discipline de travail, la concertation et la communication utile et organisée. Si le dossier n’est pas classé, le jour où il resurgira, vous entendrez certainement le collectif.

Wal Fadjri : Le bâtonnier s’est dit indigné par la démarche du ministre de l’Intérieur dans cette affaire Macky Sall/Abdoulaye Sarr. ‘C’est une démarche incongrue qui viole la présomption d’innocence’, a-t-il dit. N’est-ce pas un bon soutien pour vous, avocats de Macky Sall ?

Me Antoine Mbengue : Je ne pense pas que ce soit pour soutenir les avocats de Macky Sall. C’est justement ce rôle de sentinelle, dont je parlais il y a un instant, que notre Ordre a voulu jouer et c’est ce rôle qu’il doit jouer chaque fois que des violations auront été commises ou en voie de l’être. Ce rôle n’est pas destiné à la défense d’un individu, mais du droit. Mais il se trouve souvent que, derrière la violation du droit, se cache un visage, mais ce ne doit pas être ce visage qui motive le combat même s’il peut profiter des retombées de la lutte.

Wal Fadjri : Certains observateurs de la scène politique se sont indignés sur le don de 70 parcelles de terrains octroyées aux magistrats à quelques encablures des élections locales. Est-ce votre cas ? Et comment analysez vous ces largesses du chef de l’Etat ?

Me Antoine Mbengue : Les magistrats sont d’honorables citoyens qui peuvent et doivent mériter, du Sénégal, toutes les commodités qui leur permettent d’exécuter leur mission avec beaucoup de lucidité. Lier maintenant l’attribution de 70 parcelles, si c’est le cas d’ailleurs, à de la corruption à l’approche des élections serait la plus grosse injure que l’on ferait à notre justice quand on connaît le nombre de magistrats intervenant dans la chaîne électorale comparée à 70 parcelles. Je suis loin de penser à de la corruption. La corruption existe certes dans notre justice et il faut le reconnaître, mais nous connaissons quand même de valeureux magistrats. C’est pourquoi on ne doit pas salir la justice pour 70 parcelles si cela était avéré que des parcelles ont été octroyées à des magistrats.



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