NEBULEUSE AUTOUR DE 384 MILLIONS : Bras de fer continu entre Pierre Goudiaby Atépa et Bocar Baïla Ly

L’affaire avait été appelée à la barre le mercredi 21 février 2008 et mise en délibéré pour ce mardi 18 mars. Un procès marathon qui avait duré de 15 heures à 2 heures du matin lors duquel les deux parties avaient brandi leurs arguments.

A la barre, Pierre Goudiaby Atépa s’en ira expliquer que « Bocar a mis à genou ma société ». Goudiaby de révéler que la confiance qu’il exprimait à Bocar Baïla Ly allait jusqu’à la signature par ses soins de chèques en blanc qu’il mettait à la disposition du Directeur général d’Ats. Goudiaby de se plaindre d’avoir été victime de cet « excès de confiance » qui aurait ainsi permis au sénégalo-guinéen de « se servir de ces documents pour se sucrer », dira en effet Pierre Goudiaby Atépa Atépa au juge. Une entreprise de spoliation de sa société facilitée par le fait qu’Atépa, selon ses dires, est « architecte-ingénieur, pas gestionnaire. J’avais besoin de quelqu’un pour mettre de l’ordre dans les comptes, en étant capable d’une bonne procédure dans les mouvements de fonds de la société ».

Des arguments que le mis en cause Bocar Baïla Ly, va battre en brèche. Et d’esquisser un bilan noir de la société au moment où il en prenait les commandes. L’ex-directeur général de Friguia, une des sociétés phares en Guinée que Mr Ly a eu à piloter avant de prendre les rennes d’Atépa Technologies Sénégal, de révéler une absence de bilan, des comptes nébuleux et non publiés, une rupture de confiance avec les banques au moment où il prenait commandes de la société. Et qu’en outre les réels pouvoirs étaient détenus par Mme Goudiaby, épouse de Pierre Atépa. Ce qui, selon Mr Ly a joué dans le fonctionnement de la boîte ; des fonds étant décaissés au profit de la famille de l’architecte ou de tiers, au détriment des règles de fonctionnement normales d’une entreprise.

Quid des accusations de détournement ? Bocar Baïla Ly avait expliqué, selon des propos relayés par L’Observateur qu’ « il s’agissait de cette ligne de crédit trouvée auprès de la Banque islamique pour le compte d’Atépa Technologies pour la sous-traitance de deux chantiers qu’on avait du mal à achever. J’ai négocié avec un sous-traitant. C’était un prêt sous hypothèque et pour le compte exclusif de ce sous-traitant. Pour nous arranger, il acceptait, moyennant un chèque de garantie de 150 millions, de prélever de l’argent sur ce compte pour le reverser à Goudiaby par mes soins". Et d’ajouter : "cet argent est dans le compte personnel de Goudiaby à la Société générale de France. Je l’ai viré dans son compte », avait avancé Mr Ly pour sa défense, réfutant tout détournement. Il avait ajouté : « toutes les dépenses que j’ai effectuées je les ai faites sur les ordres de M. Goudiaby. C’est lui qui me disait de remettre de l’argent à des personnes dont des directeurs, des partenaires… ». Mieux, "c’est lui qui signait tous les chèques", avait expliqué Mr Ly sans du reste être démenti. Tout comme il, ne sera pas démenti sur la créance soulevée s’élevant à 200 millions de sous-traitance à solder par Atépa Technologies Sénégal (Ats).

Il s’y ajoute, dans le faisceau d’arguments mis en avant, que la même affaire avait fait l’objet d’une première plainte qui avait été classée sans suite par le Procureur. Le procès verbal de notification avait d’ailleurs été dressé dans ce sens par l’officier de Police judiciaire, le commissaire Yague, alors boss de la Sûreté urbaine (Su). C’est par la suite qu’Atépa reviendra à la charge avec constitution de partie civile.

N’empêche le Parquet s’en ira requérir une peine d’emprisonnement de six mois assortis de sursis alors qu’Atépa avait évalué le préjudice subi à 384 millions F Cfa avant de réclamer à titre de dommages et intérêts la somme de 500 millions de francs Cfa.

L’ombre de la gestion de Bocar Baïla Ly alors qu’il était secrétaire général de Friguia avait aussi plané sur ce procès lorsque les avocats d’Atépa s’en iront évoquer une affaire de détournement de deniers publics, faux et usage de faux dans laquelle il serait mêlé alors qu’il pilotait de fait la première usine d’alumine en Afrique. Ce dernier avait alors joint à son dossier une ordonnance de non-lieu délivré par le juge d’instruction au tribunal de première instance de Conakry, pour disqualifier les arguments des d’Atépa qui ont voulu par ce mécanisme, faire croire au juge que Mr Ly était un récidiviste.

En tout état de cause, tout n’a donc pas été dit dans cette affaire qui est loin d’avoir révélé ses secrets. Pour avoir été l’homme de confiance de Pierre Goudiaby Atépa, Mr Ly a eu à piloter des dossiers aussi sensibles que ceux relatifs au projet de construction des hôpitaux de Fatick et Ziguinchor alors que Salif Bâ était ministre du Patrimoine bâti, de l’Habitat et de la Construction. Et sans doute aussi, les enjeux connexes, politiques précisément, ne sont pas déclinés. Selon certains de ses adversaires, Bocar Baïla Ly se prépare activement à aller en compétition pour la magistrature suprême dans son autre pays, la Guinée, où il est bien connu. Mais où il ne compte pas que des amis du fait de ses ambitions, dans un contexte marqué, plus qu’au Sénégal, pour des manœuvres pour la succession de Lansana Konté. Pour beaucoup de guinéens à Conakry, il cache simplement son jeu en attendant le moment propice. Sans doute, c’est en connaissance de cause de ces enjeux que Bocar Baïla Ly a décidé d’interjeter appel. Surtout dans une affaire initialement classée sans suite, veulent bien rappeler ses conseils.