«La parité n’a pas suffisamment fait l’objet de discussions au sein des formations sociales. Ces dernières n’en saisissent ni les tenants ni les aboutissants, encore moins les enjeux.» C’est la conviction du sociologue Cheikh Tidiane Bâ qui, à la suite du rejet par le Conseil constitutionnel, de la Loi sur la parité et les réactions des uns et des autres, en avait déduit que la connaissance du concept n’est pas encore établie. Pour conforter ces propos, la directrice du Laboratoire Genre de l’Institut fondamental d’Afrique noire (Ifan), Fatou Sarr, a fait dans l’ironie, rappelant à l’assistance la marche des femmes pour la parité. A cette occasion, s’est-elle souvenue : «Beaucoup de femmes qui arpentaient l’avenue Léopold Sédar Senghor ne savaient même pas de quoi il s’agissait réellement et scandaient Karité, Karité.» Même au cours du vote de cette loi à l’Assemblée nationale, deux députées ont déclaré «qu’elles sont des femmes soumises à leur mari car, elles sont convaincues que la femme n’est pas l’égale de l’homme», alors qu’auparavant, rappelle t-on encore, elles ont parfaitement épousé le projet de leur leader actuellement au pouvoir. Ces éléments de rappel montrent à quel point la perception du mot reste encore entière, sous nos tropiques.
Le Laboratoire Genre de l’Ifan a ainsi initié, depuis hier, des journées de réflexions sur ce concept de parité, mais aussi sur la violence et la politique au Sénégal. D’éminents universitaires ont réfléchi sur des thèmes différents mais en rapport avec la parité et ont exprimé, à travers leurs expériences, des points de vue à la limite complémentaires. Ils sont tous d’accord que la pratique de l’égalité entre homme et femme, dans sa conception, est particulièrement complexe au Sénégal. Surtout dans le domaine de la politique où la pratique de la parité est trahie dans sa mise en œuvre.
Le professeur de Droit, Fatou Kiné Camara y est allée avec ses chiffres pour montrer que «l’exclusion des femmes du jeu politique» est bien une réalité. Dans son exposé, elle indique, par exemple, que les femmes constituent 15 % de la magistrature et qu’elles ne sont que 6 sur plus de 40 ambassadeurs du Sénégal à l’étranger. Elle a énuméré la représentation des femmes au Parlement et s’est plainte du fait que même le Rwanda fait mieux que le Sénégal avec 56 % de présence à l’Assemblée nationale. Mme Camara de fustiger le «faux-alibi» souvent brandi pour expliquer l’absence des femmes dans les instances de prise de décisions : l’analphabétisme ou même l’absence de volonté.
De toutes les façons, estime Pr Ismaïla Madior Fall, «la parité est généreuse dans sa proclamation et délicate dans sa mise en œuvre». Le constitutionnaliste est même d’avis qu’il y a au Sénégal, une volonté politique très ambiguë de pratiquer l’égalité entre homme et femme.
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