La rumeur est devenue un phénomène de société au Sénégal. Le professeur Serigne Mor Mbaye, psychologue que nous avons rencontré est revenu sur la question des "offrandes qui tuent". Elle continue de défrayer la chronique.
Matin: Comment expliquez-vous les phénomènes de rumeurs?
Pr. Serigne Mor Mbaye : Le phénomène de rumeur est tout à fait normal dans une société où il y a une grande fragilité émotionnelle comme le Sénégal. C'est un problème d'équilibre psychique et cela peut avoir un caractère tout à fait massif.
Il y a quelques années, tout d'un coup, toute la population était prise d'émoi devant les soit disants voleurs de sexe; et il y a eu mort d'homme.
Ce phénomène s'est répandu comme une traînée de poudre à travers toute l'Afrique de l'Ouest. Il a fallu énormément de courage pour qu'on arrête le phénomène. Je pense que le problème des donneurs d'offrandes entre dans ces aspects.
Et il y a nécessité pour les autorités de prendre tout de suite le problème à bras le corps. Sinon une rumeur est caractérisée par sa capacité de mobilité dont on ignore la source et dont on ne sait pas où elle va finir. Il suffit d'une situation particulière qui n'est pas maîtrisable par un collectif humain et avec le rôle des médias, on généralise. C'est irrationnel et infondé. Regarder le cas Vaidehi.
Ce Coca Cola des yeux, ce sous-produit Indien qui est distillé dans les écrans de nos télévisions et qui fait tomber les femmes en syncope lors de son séjour à Dakar. Cela montre la fragilité émotionnelle de notre population. Je pense que les gens ont été largement entamés et s'engouffrent dans cette brèche.
Donc, il y a quelque chose qui nous interpelle sur le plan de la santé mentale. Ce qui ne veut pas dire maladie mentale. Donc, il faudrait travailler à configurer de nouveaux personnages un peu solides sur le plan émotionnel. Les dégager de l'irrationnel. Mais, en ce moment, il faut que les autorités s'engagent à l'éradiquer.
Car c'est une question politique .Vous voyez le nombre le milices et le nombre de gourous qui capturent les jeunes à des fins de manipulation psychique et d'exploitation. Et cela est de la responsabilité de l'État. Quand les jeunes sont fragiles par des situations d'échec et d'incertitude, c'est des proies faciles pour des situations de rumeur et de prophétie de toutes sortes.
Quelle est la problématique de ce phénomène dans ce pays à majorité musulmane ?
Une chose est de dire: je suis musulman. Une chose est d'avoir intégré sa civilisation ou qui a accueilli l'Islam. Nous sommes des nègres avant tout. Il y a quelque chose de résiduel dans notre culture qui nous confine à de tels types d'attitudes.
A beau réciter des Sourates, nous sommes des nègres. Et dans ce qu'il y a de résiduel dans notre fragilité peut venir s'engouffrer le phénomène de rumeurs et de fragilité. Notre difficulté, c'est qu'on émerge sur plusieurs registres . C'est cela la problématique.
Quelle solution préconisez- vous ?
C'est l'éducation. Il y a une nécessité d'éduquer, de renforcer les mécanismes de défense. Si les gens sont bien éduqués, lorsqu'ils sont ancrés dans un système de valeurs. C'est la culture elle-même dans ce qu'elle a de fort.
Dans cette interaction que nous pouvons configurer des attitudes ou des comportements et dans la convocation de nos mécanismes de défenses : la résilience. Cette capacité de résilience se trouve dans nos cultures et dans l'interaction de notre environnement culturel que dans l'emprunt textuelle étranger. Il appartient aux médias de construire ce qui est déconstruit.
Il y a des prêcheurs partout et des prophéties de tout bord, des images qui fragilisent notre vie émotionnelle. Il faut que les parents éduquent sur ce qu'ils croient réellement et cessent de mettre des vernis.
Alpha YAFFA (Correspondant à Vélingara)
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