Réplique de Me Demba Ciré Bathily, accuse d'avoir empoché 13 millions Fcfa : ‘Parmi les avocats de Hissène Habré, il y en a un dont les mains sont tachées de sang’

‘Les faits portés à notre connaissance et qui circulent sur Internet depuis la fin du mois de mai concernent Me Demba Ciré Bathily et font état de ce que ce dernier aurait perçu une somme de 13 millions de francs Cfa des mains du consul du Tchad à Dakar dans le cadre de l'affaire du président Hissène Habré’. Ces accusations en direction de Me Bathily émanent des avocats de l'ex-homme fort tchadien qui, par la même occasion, ont saisi Amnesty International. L'intéressé apporte la réplique et s'inscrit en faux contre ces allégations. Me Demba Bathily, qui parle de ‘calomnie bien calculée’, note que parmi les avocats de Habré, il y en a un dont les mains sont tachées de sang... Entretien.

Wal Fadjri : Les avocats du président Habré vous reprochent d'avoir empoché la somme de 13 millions des mains du consul du Tchad à Dakar, dans le cadre de l'affaire Hissène Habré. Qu'en est-il de ces accusations ?

Me Demba Ciré BATHILY : Il y a deux choses à clarifier. D'abord c'est quel avocat de Hissène Habré ? Je ne pense pas que cela soit responsable de créer un communiqué de presse à travers un service commercial et signer les avocats. Lorsqu’on tient des propos et qu'on a la prétention d'avoir cette qualité, il faut d'abord s'identifier. La deuxième chose, c'est que ces accusations sont de la pure calomnie. Il est évident que je ne peux recevoir de l'argent des autorités tchadiennes à quelque titre que ce soit. Et je n'ai jamais eu de contact ni direct ni indirect avec une quelconque autorité tchadienne. Donc c'est simplement une forme de calomnie bien calculée dans le but d'asseoir dans l'esprit et dans l'imaginaire du public que les avocats des victimes et des organisations de défense des droits de l'homme sont, en réalité, manipulés par l'Etat tchadien. Ce qui est totalement faux.

Dans le cadre de cette affaire, nous nous battons, depuis 2000, pour que Hissène Habré soit jugé. Pour qu'il réponde aussi du massacre des Zaghawa, de près de 40 mille morts qui lui sont reprochés, dans le cadre des actes de torture connus sous son régime. Il faut simplement comprendre qu'aujourd'hui, nous sommes vers la fin de l'impunité et que donc il s'agit de quelqu'un qui est rattrapé par son passé et qui va répondre bientôt de la justice. Ces avocats n'ont trouvé d'autres formes de défense que la calomnie et la délation.

Wal Fadjri : A vous entendre, on peut dire que vous n'avez jamais reçu de l'argent dans le cadre de l'affaire Habré…

Me Demba Ciré BATHILY : Je n'ai aucun rapport avec les autorités tchadiennes ni officiellement ni officieusement. D'une part, je pense que pour remettre de l'argent à quelqu'un, il faut que cet argent puisse se justifier. Notre combat est clair. Nous nous battons depuis 2000 pour que le président Habré soi jugé. Nous n'avons rien à voir avec l'Etat tchadien. D'autre part, pour donner de l'argent à quelqu'un, il faudrait qu'il y ait une contrepartie. Quelle est la contrepartie de cet argent ? A partir de ce moment, c'est de la délation ridicule. Dans ce processus qui mène vers le procès, des pas décisifs ont été posés. Ces gens sont également en train de préparer leur prochain revers. Ce sera peut-être devant la cour de justice de la Cedeao. Comme ces avocats savent qu'ils ne sont pas forts dans le cadre de la bataille judiciaire et des arguments juridiques, il ne leur reste qu’un seul recours : les communiqués de presse que nous avons répondu avec le silence du mépris.

Wal Fadjri : Selon vous qu'est-ce qui pourrait justifier ces accusations que vous qualifiez de ‘calomnie’ et de ‘délation’ ?

Me Demba Ciré BATHILY : Ce qui pourrait justifier ces accusations, c'est que ces avocats veulent essayer de faire croire que tout ce que l'Etat du Sénégal et l'Union européenne sont en train de faire jusque-là, c'est de faire croire que ce sont des victimes manipulées par l'Etat tchadien. Ce qui est totalement faux. S'ils veulent que l'on se batte sur le terrain judiciaire, nous sommes prêts. Maintenant s'ils veulent que l'on se batte sur le terrain de la délation, nous ne pouvons pas répondre à de tels arguments. Je crois que l'histoire proche nous édifiera. Il faut aussi savoir que parmi ces avocats, qui défendent Hissène Habré, il y en a un dont les mains sont tachées de sang.

Wal Fadjri : Quel est le message que vous lancez à vos confrères qui défendent le président Habré et peut-on savoir quel est cet avocat aux mains tachées de sang ?

Me Demba Ciré BATHILY : A ces avocats, je leur rappelle qu'ils exercent une profession honorable qui fait appel à des règles d'honneur et de dignité qu'ils doivent respecter. S'ils veulent gagner cette bataille, ils n'ont qu'à s'armer sur le plan juridique. Je connais leurs limites et leurs défaillances dans ce domaine. Je leur dit également que quelles que soient les calomnies, elles n'enlèveront en rien notre sérénité. Nous mènerons ce combat jusqu'au bout.

Wal Fadjri : Les avocats de Habré estiment que dans chacune de vos interventions publiques, vous apparaissez comme membre, coordonnateur, président d'honneur ou secrétaire général de Amnesty International pour défendre les victimes. Quel commentaire vous inspire ce constat ?

Me Demba Ciré BATHILY : Je suis avocat des plaignants et je travaille en équipe avec d'autres confrères constitués, aussi bien Tchadiens, Sénégalais que Français. Nous inscrivons notre action dans ce cadre. Nous avons décidé d'unir nos forces pour prêter main forte aux victimes dans cette affaire. Je suis membre de Amnesty International. Et il ne faut pas faire la confusion entre cette qualité et mon rôle d'avocat. C'est deux positions tout à fait différentes. Dans l'affaire Hissène Habré, cette volonté de vouloir créer la confusion à travers des communiqués et déclarations ne fait qu'accroître l'idée de cette tendance à vouloir manipuler l'information qu'ils veulent distiller. Cela n'enlèvera en rien notre crédibilité et notre détermination.