Le village de Hann n’a pas usurpé son nom. Le mode de vie communautaire défie les promoteurs de l’individualisme. Le délégué de quartier, Doudou Diol, Ibrahima Dabo et quatre personnes âgées conversent au milieu d’un cul-de-sac. Tous les jours, ils se retrouvent à la mosquée de Hann village pour les cinq prières journalières. Au mois de ramadan, les files de fidèles s’allongent et débordent. Ce lieu de culte devient du coup très petit pour accueillir les « nouveaux adeptes » du mois béni. « Tout cet espace reçoit des femmes, des hommes, des jeunes garçons et des filles qui viennent prier. Il y a une grande affluence durant les premiers jours. Je constate que les jeunes viennent plus pour prier durant cette période », témoigne Doudou Diol.
Les flots de regrets transpercent la voix tremblante de ces personnes du troisième âge. Leur ardent souhait, c’est de fidéliser leurs enfants dans ce lieu de culte, pour toutes les prières du jour. « Au fur et à mesure que les jours passent, les rangs se dégarnissent. Nous voyons, de moins en moins de personnes. Et, c’est très dommage. C’est la preuve du manque de leur foi », estime Ibrahima Dabo.
Près du marché de Hann-village, sept talibés creusent pour planter les poutres devant tenir des bâches. Les chapelets noirs enroulés autour du cou laissent penser que ce sont des talibés « niassènes ». C’est une manière d’ouvrir les séances de récital de prières par anticipation. Non loin de là, et près de la grande mosquée, Bocar Bâ est assis devant sa maison. Il trouve facilement les explications à ce retour strict aux préceptes de l’Islam. « C’est le mois même qui exige des comportements très pieux. Raison pour laquelle tout le monde s’y conforme. C’est un mois béni. Les jeunes se départissent des comportements peu recommandés », tente d’expliquer Bocar Bâ.
A la place de l’Indépendance, ce lundi 9 août 2010, le vendeur de chaussures, Mohamed Sima, trouve très amusant cette affluence d’une courte durée enregistrée par les mosquées. « Les dix premiers jours, ce sont ceux qui ne viennent pas prier à la mosquée qui occupent les premiers rangs. Nous, les réguliers, sommes dans les derniers rangs. Mais, à dix jours de la fin du ramadan, nous ne voyons plus ces nouvelles têtes », ironise Mohamed Sima.
A la grande mosquée de Grand Yoff, près de la station de pompage, Mbaye Mbengue surveille les jeunes de moins de 10 ans qui apprennent à lire le Coran. Il fait partie des responsables de cette mosquée. Ce septuagénaire est habité par des sentiments de regret. La pratique de l’Islam, insiste-il, laisse entrevoir des manquements chez certaines couches de la population.
« J’ai vu passer plusieurs mois de ramadan, et c’est toujours le même spectacle. Les jeunes et même certains responsables de famille envahissent cette mosquée les premiers jours et disparaissent avant la fin du mois. Je ne sais pas ce qu’il faut pour les faire venir tout le temps », se désole Mbaye Mbengue. Comme quoi la ferveur religieuse s’estompe au fur et à mesure que les jours passent.
PORT VESTIMENTAIRE : Les filles revoient leur tenue
Les filles interrogées n’ont pas froid aux yeux. Elles rangent au placard certains habits pour porter des tenues décentes durant le ramadan. Le temps de mieux se conformer aux préceptes de l’Islam.
Des passagers en partance pour la banlieue attendent les cars et les bus à l’arrêt bus Cité des eaux, en face du siège de la Sde. Un car Ndiaga Ndiaye gare. L’apprenti saute. Il crie « bountou Pikine » (Entrée Pikine). La foule se déchaîne. Oumou Diarra, enveloppée dans une tenue bleue, refuse de jouer aux coudes. Elle attend un autre car. Oumou Diarra est une dame qui est à la page, elle suit les tendances. Le piercing au bas de sa lèvre inférieure peut être la marque d’une dame ouverte aux tendances. Elle n’est pas pourtant si mondaine. « Dans notre famille, on exige à tout le monde de prier de façon régulière, j’ai grandi avec cette habitude. Par contre, durant le mois de ramadan, je porte des tenues décentes pour ne pas attirer les regards et aussi pour que mon jeûne soit accepté », concède la jeune dame.
La demoiselle Khady Kébé, la démarche lente, porte un pantalon moulant et un haut serré. Elle a le physique d’une basketteuse. Khady est une adepte des tenues serrées, sauf au mois de ramadan. « En période de jeûne, j’ai une autre manière de m’habiller. Je pense que nous ne pouvons pas faire autrement, le ramadan l’exige », s’exprime la demoiselle sous un ton malicieux.
Près du rond-point Capa, Astou Dème avoue que son port vestimentaire durant le ramadan n’a rien à voir avec sa mise pour le reste de l’année. « J’en profite pour avoir plus de bénédiction. C’est la raison pour laquelle je me conforme autant que je peux aux recommandations du Coran. C’est la seule période durant laquelle je me voile régulièrement », admet Astou Dème. Au Cem de Grand-Yoff, près de la pharmacie, le pantalon bleu et le haut blanc mettent en valeur l’allure d’Awa Diouf. L’habillement est en conformité avec l’été. Peut-être, dans les jours à venir, elle changera de style, comme elle a l’habitude de le faire.
« Je prie beaucoup durant le ramadan. Je change ma manière de m’habiller. Je suis les tendances vestimentaires des filles et des femmes. Je pense que l’entourage et la rue ont une grande influence dans les comportements de l’individu », dit-elle. L’habit, certes, ne fait pas le moine. Mais, en Islam, la femme et la fille sont tenues de porter des tenues décentes.
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