Sort des réfugiés mauritaniens au Sénégal : Plus de 5 000 déportés attendent le train du retour au pays natal

La communauté des réfugiés mauritaniens au Sénégal a réaffirmé hier son désir d’être rapatriée dans la dignité, conformément à l’esprit et à la lettre de l’accord tripartite signé en 2007 à Nouakchott entre le Sénégal, le Hcr et la République islamique de Mauritanie. Pour ces 5 000 déportés mauritaniens recensés au Sénégal, aucune des parties prenantes ne semble se soucier de leur sort.

Les responsables de la Communauté des réfugiés mauritaniens vivant au Sénégal (Crms) ont lancé hier un appel pressant à l’opinion nationale, internationale, aux Ong des Droits de l’homme pour qu’elles œuvrent au respect des accords signés en 2007 à Nouakchott par le Sénégal, le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (Hcr) et la République islamique de Mauritanie, en vue du rapatriement des 25 000 déportés mauritaniens qui avait démarré en janvier 2008. Pour Djiby Sow, Ousmane Barry, Moustapha Touré et Mamadou Wane, entre autres dirigeants de cette communauté ‘laissée en rade’, qui faisaient face à la presse hier au cours d’une conférence au siège de la Raddho, il y a un net recul dans le processus de retour au bercail des Mauritaniens hors de leur territoire national. Des 25 000 réfugiés mauritaniens au Sénégal désireux de rentrer au pays, seuls 19 000 ont déjà retrouvé leur terre d’origine. Le reste est toujours en attente. Une situation qui pousse le coordonnateur de la (Crms), Mamadou Wane, à croire que ‘si une volonté manifeste de l’administration du président Ould Abdel Aziz à poursuivre le rapatriement a été notée au début, force est, cependant, de constater que cet élan souhaité s’est nettement amoindri’. A l’en croire, ‘au Sénégal, plus de cinq mille personnes recensées et programmées attendent toujours leur rapatriement. Il en est de même au Mali où, faute d’accord tripartite, les douze mille réfugiés dénombrés attendent toujours le démarrage de l’opération, prévu depuis janvier 2010, alors que la logistique du Hcr est, depuis cette date, sur place’.

Les réfugiés mauritaniens au Sénégal pointent de l’index le gouvernement du président Ould Abdel Aziz comme principal responsable de ce blocage des opérations de rapatriement vers la Mauritanie. Les autorités mauritaniennes n’auraient pas tenu compte des deux interruptions dues à des coups d’Etat en Mauritanie qu’a connues l’opération de rapatriement qui devait s’étendre sur deux ans. ‘Aujourd’hui, le doute s’installe de plus en plus dans les esprits sur la volonté du gouvernement mauritanien à poursuivre le rapatriement. Depuis six mois, la commission tripartite impliquant le Sénégal ne s’est pas réunie. De la même manière, la 14e session tripartite qui devait de se tenir à Nouakchott, n’a pu avoir lieu. Or, les parties de ce cadre juridique devaient se rencontrer chaque mois pour évaluer les engagements fixés dans les textes de loi, pour voir ce qui a été fait et ce qui n’a pas été fait’, s’alarme Mamadou Wane qui s’interroge avec ses compatriotes sur pourquoi cette commission ne se réunit plus.

Quoi qu’il en soit, le coordonnateur de la Crms révèle que ‘le gouvernement mauritanien annule ou report toutes rencontre prévues de la commission tripartite ou de suivi’. Une information qu’il dit recueillir de sources officieuses et qui ne laisse d’autre choix à ses compatriotes que de se radicaliser contre le président Abdel Aziz. C’est ainsi qu’ils ont dénoncé le ‘dilatoire’ du gouvernement mauritanien, avant de lui faire injonction à trouver des solutions rapides aux problèmes des indemnisations et des terres de culture qui ont été confisquées à leur détriment.

Parallèlement, Mamadou Wane et ses concitoyens ont exigé la reprise immédiate du rapatriement vers leur pays d’origine. A ce niveau, ils estiment que le Sénégal et la Hcr seraient condamnés au même titre que la Mauritanie s’ils ne sortent pas de leur réserve en dénonçant le non-respect par le gouvernement du président Ould Abdel Aziz des accords de 2007. ‘Le Sénégal, en tant que pays d’asile, doit accompagner le Hcr dans ce processus. Or, nous constatons qu’il y a un laissez-aller qui ne dit pas son nom. Des milliers de réfugiés qui sont repartis chez eux, n’ont pas encore reçu l’acte de naissance de leurs enfants nés au Sénégal. Ce qui fait que la Mauritanie ne peut pas donner la contrepartie de l’acte administratif’, fait constater le coordonnateur de la Crms. Aussi, dira-t-il que s’il y a eu report des réunions de la commission tripartite, c’est également à cause de ce que la partie sénégalaise n’était pas prête. Ce qui, à ses yeux, est une violation flagrante des accords de 2007.

‘Aujourd’hui, les réfugiés mauritaniens au Sénégal sont dans une situation d’irrégularité administrative. Depuis 2007, le Commissariat à l’assistance aux rapatriés et aux personnes déplacées (Carpd) qui délivrait ces papiers d’identité aux réfugiés est fermé’, informe M. Wane.

Les réfugiés mauritaniens, dans le contexte du Sénégal, n’ont pas le statut de réfugiés déterminé officiellement. Ils ont présentement un récépissé de carte de réfugiés. ‘Quand on ne donne pas un statut administratif dans un pays à un individu, il est en situation d’illégalité. Il ne peut même pas mener un certain nombre d’activités génératrices de revenus pour pouvoir survivre’, regrette le responsable mauritanien.

En dépit de toute cette endurance, renseigne M. Wane, depuis mai 2008, le Hcr ne recense plus les réfugiés désireux de rentrer chez eux. Cet arrêt, il l’explique à un changement de formule de rapatriement.