Il rêve de l'"Eldorado" européen. Il a échoué une première fois mais est prêt à recommencer. Cheikh Ndiaye Touré, marchand ambulant sénégalais raconte à l'AFP son voyage à bord d'une pirogue vers les Canaries, la peur de mourir mais aussi les moments de joie entre clandestins.
"Nous avons voyagé dans des conditions plus ou moins précaires. Nous étions à l'étroit parce que nous étions dans la pirogue entre 75 et 100 personnes, des Gambiens, des Sénégalais et des Guinéens", raconte ce père de famille de 31 ans, qui vend des accessoires pour téléphone portable et des ceintures.
"Mais nous nous attendions à une telle situation. Nous étions à bord d'une grosse pirogue comme celles que les pêcheurs utilisent pour les longues distances", ajoute-t-il après son retour dans la capitale gambienne, Banjul, où il s'est installé il y a plusieurs années.
La première journée de voyage, le 15 août, a été pénible : "pour beaucoup d'entre nous, c'était notre baptême du feu en mer. Plusieurs voyageurs ont été victimes du mal de mer. Certains ont eu des vertiges tandis que d'autres ont beaucoup vomi".
"Mais tout est rentré dans l'ordre au 2e jour et les personnes à bord se sont habituées aux flots. L'ambiance était bonne. Les gens chantaient, chahutaient ou discutaient. Il y avait une grande camaraderie entre nous, comme si on se connaissait depuis des années".
Selon lui, toutes les dispositions avaient été prises pour faciliter la traversée. "Par exemple, dans l'embarcation il y avait une place aménagée pour servir de dortoir. De petites nattes y avaient été installées et servaient de lits. Il y avait aussi un endroit pour se soulager".
"Il y avait une grande solidarité entre nous. Ceux qui avaient fini de dormir cédaient la place à ceux qui étaient assis sur les planches".
Selon lui, la pirogue était équipée de matériel GPS permettant au conducteur de se localiser et de connaître le nombre de kilomètres parcourus. Des bidons remplis d'eau potable, des aliments, des médicaments, du carburant et même des gilets de sauvetage, avaient été emportés à bord.
"De la Casamance (sud du Sénégal), nous nous sommes rendus au large de Dakar. Puis cap ensuite sur la Mauritanie et les côtes marocaines. C'est à 23 km des eaux territoriales espagnoles (près de l'archipel espagnol des Canaries), après cinq jours de traversée que notre rêve s'est envolé".
"Nous avons été surpris par un vent très violent qui a rendu notre chemin impossible. Nous ne voyions plus rien et la mer devenait de plus en plus agitée comme si elle ne voulait pas qu'on franchisse l'obstacle marocain. C'est à ce moment qu'il y a eu un peu de panique".
La majorité des passagers a pris peur et a contraint le conducteur de la pirogue à faire demi-tour.
"C'est ainsi que nous avons accosté à Saint-Louis (nord du Sénégal) après quatre jours de navigation, soit au total neuf jours aller et retour".
"Nous avions entrepris ce voyage pour l'Espagne dans le seul but de trouver du travail la-bas afin d'améliorer nos conditions d'existence plus que difficiles en Afrique. Même si tu as la volonté, il est difficile dans nos pays de réussir si on n'a pas les moyens" financiers.
Comme ses autres camarades d'infortune, il avait payé 20.000 dalasis (400.000 FCFA, 740 euros) pour faire la traversée.
Malgré la peur, les risques énormes encourus, les conditions éprouvantes du voyage, Cheikh Ndiaye Touré est prêt à repartir : "si l'occasion se présente, je tenterai l'aventure à nouveau. Il y en a d'autres, plus chanceux que nous, qui sont actuellement en Espagne. Pourquoi pas moi?".
0 Commentaires
Participer à la Discussion