TOUBA - Accueil du Président Wade : Des seaux vides pour crier soif

En chemin sur la route de Touba, le président de la République a accordé des fortunes diverses aux populations venues à sa rencontre. S’il a pris le temps de s’arrêter pour saluer certaines qui brandissaient des drapelets bleus, il a snobé les ouvriers de la Sonacos alors que d’autres, les porteurs de brassards rouges (comme il l’avait conseillé pour protester) ont été retenus par les éléments du Groupement mobile d’intervention qui ont été dépêchés en grand nombre à Diourbel où le chef de l’Etat était attendu de pied ferme. Ces militants qui voulaient crier leur colère ont été séquestrés dans l’enceinte de l’hôtel de ville.

Fidèle à son habitude depuis son accession à la magistrature suprême, le Président Abdoulaye Wade est venu en talibé, rendre visite à son marabout. Accompagné d’une dizaine de ministres, du chef du gouvernement, du président de l’Assemblée nationale et de son fils Karim, le chef de l’Etat est arrivé dans la demeure du khalife à 20 heures passées de 40 minutes.

Quarante minutes, plus tard, il en est ressorti pour se diriger vers la résidence Cheikhoul Khadim. Selon des interlocuteurs ayant participé à l’entretien avec le guide spirituel des mourides, le président de la République Abdoulaye Wade qui quitte Touba, ce vendredi après la prière de l’après-midi, a fait part de sa volonté de drainer l’eau du canal du Cayor jusqu’à Touba afin de régler de façon définitive les problèmes d’approvisionnement en eau de la cité religieuse. Séance tenante, le président de la République a donné des directives à son Premier ministre afin de mieux réaliser ce projet. Le khalife général des mourides, Serigne Saliou Mbacké s’est réjoui de cette initiative et a prié pour sa concrétisation.

Cette volonté affirmée de résoudre de façon durable le problème récurrent de l’approvisionnement en eau de Touba a eu pour prétexte le manque du liquide précieux dans la ville, mais aussi et surtout par l’accueil que les femmes de Darou Marnane (à l’entrée de Touba) ont réservé au chef de l’Etat. Avec des seaux et des bassines vides, elles ont montré que le fait de trouver le liquide précieux à Touba relevait d’un parcours de combattant.

Ce voyage de Abdoulaye Wade a connu des fortunes diverses. A Diourbel, les partisans de l’ex-ministre des Collectivités locales et de la Décentralisation ont été séquestrés par les éléments du Groupement mobile d’intervention (Gmi), déployés en grand nombre dans la capitale du Baol. Ce qui a fait dire à certains Diourbellois que la ville était en état de siège, et que cette situation rappelait les sombres heures de 1998. D’ailleurs, Astou Samb, une des inconditionnelles de l’édile de la capitale du Baol, estime que ce qu’ils ont vécu hier «montre que la démocratie est à réaliser dans ce pays» car, «on nous a enfermés dans la mairie et nous ont privés d’un droit à l’expression» se désole-t-elle. Il faut préciser que les partisans de Aminata Tall ne cesse de manifester leur mécontentement depuis le limogeage du maire de Diourbel du gouvernement mardi dernier. Le même jour, tard dans la soirée, certains de ses inconditionnels ont barré la route nationale et allumé des pneus. Ce qui a obligé certains automobilistes à emprunter d’autres voies pour regagner Touba. Le même scénario s’est répété le lendemain mercredi avec toujours les mêmes partisans de Aminata Tall. Mais cette fois, ils manifestaient leur courroux à Ousmane Ngom, ministre de l’Intérieur, et qui a hérité des charges des départements gérés par Aminata Tall. A savoir les Collectivités locales et la Décentralisation. Ousmane Ngom qui se rendait à Touba pour s’enquérir des dernières dispositions prises pour le magal a essuyé des huées à hauteur du Conseil municipal. Hier, ses services ont préféré prendre les devants pour «barricader tous ces fauteurs de trouble au passage du chef de l’Etat», confie un responsable des services de sécurité. Mais cette mise à l’écart des manifestants favorables à Aminata Tall n’a pas empêché au Président Abdoulaye Wade de se hisser du haut de sa mercedes décapotable pour saluer de la main les mécontents.

A l’entrée de la ville de Diourbel, le chef de l’Etat a aussi eu droit à un accueil des ouvriers de la Sonacos. Mécontents de la suppression de la taxe sur l’huile, ils ont tenu à fulminer leur colère en brandissant des pancartes, au passage du Président, à qui ils n’ont pu remettre leur mémorandum. Me Abdoulaye Wade les a purement et simplement snobés.

Par contre à Médinatoul, fief de Khadim Guèye, le leader du Sopi a eu droit à un accueil chaleureux. Sur près de deux kilomètres, les militants ont brandi des drapelets bleus pour soutenir leur mentor. D’ailleurs, le secrétaire général du Parti démocratique sénégalais (Pds) s’est même permis de marquer un temps d’arrêt de quelques minutes pour palabrer avec eux. Ce qui fait croire à nombre d’observateurs politiques, dont Alioune Diouf et Ndèye Diop, que «Khadim Guèye pourrait tirer profit de cette disgrâce de l’égérie du Pds».

Par ailleurs, il a été déploré l’attitude du ministre Farba Senghor qui a transporté à Touba deux centaines de nervis. Descendus de véhicules 4x4, vêtus de tee-shirts blancs à l’effigie de Me Wade pour traquer les partisans de «l’âme du Pds» avant d’arracher leurs brassards rouges. D’ailleurs, M. Farba Senghor a même récupéré certains protestataires à qui il a promis d’être leur interprète auprès de leur secrétaire général national, Me Wade. De même, ajoute-t-il, que «Aminata Tall (qui n’était pas de la délégation présidentielle) doit cesser ce qu’elle fait car, elle est minoritaire».