Elimination des 'Lions' : L’Etat mise et perd

L’engagement des gouvernants derrière les ‘Lions’ n’est pas si innocent qu’il le laisse croire. Tout succès des ‘Lions’ dans une compétition est enregistré à leur actif. Alors, tout échec doit, parallélisme des formes oblige, figurer en bonne place à leur passif.

‘Le Sénégal qui gagne’. Ce slogan, dans l’inconscient des nouveaux gouvernants, symbolisait une profonde rupture d’avec les échecs de ‘40 ans’ de régime socialiste. S’il ne s’est pas fané, le slogan a, au moins, pris un coup de vieux. Et ce n’est pas le président de la République qui le démentira. Lui qui a misé sur une équipe qui … perd. Un milliard quatre cents millions pour financer la campagne des ‘Lions’ ; plus de 800 millions de francs pour l’achat des droits de retransmission ; l’avion de commandement du président de la République entièrement mis à la disposition de l’équipe nationale ; un ministre d’Etat, un ministre simple, des parlementaires et toute une cohorte de courtisans de la République mobilisés avec fort renfort de per diem ; un peuple chauffé à blanc - le sport c’est aussi l’opium du peuple - pour les besoins de la cause, et tutti quanti. Qui a fait mieux que Wade en matière de mobilisation ? Personne, certainement ! Sans chercher Machiavel là où il ne se trouve peut-être pas, l’on peut affirmer, péremptoire, que l’Etat a misé sur les ‘Lions’ et perdu avec les ‘Lions’. En d’autres moments, pendant l’épopée glorieuse de la bande à El Hadj Ousseynou Diouf, tout exploit du Onze national était suivi d’une parade présidentielle à travers les rues de la capitale et comptabilisé à l’actif du nouveau régime. Et le slogan ‘le Sénégal qui gagne’, au faîte de sa gloire, servait comme un cri de ralliement et, au-delà du sport, était conçu comme symbolisant une nation dont tous les secteurs étaient confortablement installés sur les rampes de l’émergence.
Aujourd’hui, cette belle époque semble, hélas, révolue. Ainsi, après les deux glorieuses (2000-2002) avec des succès en politique intérieure (alternance politique sans effusion de sang), en sport (épopée des ‘Lions’ à la Can 2002 et au Mondial de la même année), en diplomatie (médiation réussie en Côte d’Ivoire et à Madagascar), le Sénégal semble résolument marcher à rebours. Jugez-en ! Une bataille contre les Accords de partenariat économique (Ape) dont tout indique qu’elle est perdue d’avance ; un dialogue politique en panne ; le moral des ménages au plus bas du fait de la cherté du coût de la vie, la capitale transformée en grand chantier à ciel ouvert où toute circulation est presque impossible, etc. Si vous y ajoutez une piètre prestation des ‘Lions’ à la Can 2008, vous avez sous les yeux tous les ingrédients d’un ‘Sénégal qui perd’, vilain bébé dont personne ne veut assumer la paternité.

Et pourtant, nul n’est besoin de croquis pour démontrer que cet échec-là est bien celui de l’Etat. Lui qui a tourné le dos à toute compétence locale pour imposer un ‘sorcier blanc’, maintenu (ou même entretenu) une crise plus artificielle que réelle entre la Fédération (association de droit privé) et la Puissance publique représentée par le ministère des Sports, assisté à un conflit au niveau du championnat national qui s’est soldé par la création d’un cadre permanent jouant à la périphérie (cela s’appelle non-assistance à personne en danger), etc.

Aujourd’hui, le vin est tiré, il faut le boire ! Chacun assume ses erreurs et prend l’engagement d’amoindrir les risques d’en commettre dans le futur. L’Etat en premier ! A défaut, ‘assises nationales’ ou ‘états généraux’ ne seront que pis-aller, saupoudrages et traitements superficiels d’un malade qui a besoin d’une intervention chirurgicale pour se remettre sur pied.