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Culture

Ndèye Fatou Kane : “Blondin, l’autre Diop”

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Ndèye Fatou Kane : “Blondin, l’autre Diop”
Quand on évoque le patronyme Diop dans notre pays par rapport à la production de connaissance, les esprits convergent naturellement vers Cheikh Anta Diop, égyptologue et homme de sciences mondialement reconnu. Mais au Sénégal, nous avons aussi un autre Diop dont la disparition continue de révolter et d’interpeller les consciences, génération après génération … Le 11 Mai 1973, il mourait au sein de la prison de Gorée. Suicide d’après la version officielle, décès après avoir été violenté par les gardes pénitentiers d’après sa famille. Famille qui n’a eu de cesse de réclamer justice depuis lors. Cinquante ans après, il est quand même inconcevable que les gouvernements se succèdent et que cette affaire ne soit toujours pas tirée au clair. On eût dit que ‘l’affaire Blondin’ continue d’être calée sous le coude de tous les décideurs gouvernementaux sénégalais. Mais à quelque chose malheur est bon, car malgré les conditions non encore éclaircies de sa mort, Omar Blondin résiste aux tentatives d’effacement de toutes sortes et demeure aujourd’hui plus que jamais, un martyr dont les jeunesses africaines s’approprient la trajectoire subversive. 

Depuis quelques années, Florian Bobin, de concert avec la famille Diop, s’évertue à maintenir la mémoire de Omar Blondin Diop vivante. Avec la méticulosité de l’historien qu’il est, il exhume les innombrables réflexions que ce normalien aura consignées toute sa jeune vie durant. Ce livre, qui est le prétexte à ce texte, en est la première étape, car une biographie est à paraître. Nous voir nous-mêmes du dehors du dehors - Réflexions politiques [1967-1970] est un condensé de réflexions que Omar Blondin a eues lors de son parcours académique, fait de riches rencontres à travers le monde entier. Ce parcours soigneusement consigné dans des carnets qui ont eu le mérite de résister au temps, s’est fait entre Paris, et plusieurs villes dont Dakar, Bamako, Niamey, pour ne citer que celles-ci. Issu d’une famille dans laquelle le livre occupe une grande place, c’est un éuphémisme que de dire que Omar Blondin n’aurait pu échapper à ce destin d’assoiffé de connaissances, tant la voie semblait déjà toute tracée. 

Après un passage au Lycée Louis le Grand, ensuite l’École Normale Supérieure, d’où il sortira diplômé. D’après les témoins de cette époque, c’est en raison de son statut de Normalien que le Président de la République d’alors, Léopold Sédar Senghor, voit en lui un rival potentiel. Toujours est-il que Omar oscille entre le Sénégal et la France, puisant dans chacun des pays des références et des raisons de se battre. Il lit beaucoup les classiques français, a pour amis Antoine Gallimard ou encore Daniel Cohn-Bendit, ce qui donne un aperçu de son positionnement intellectuel d’alors. Biberonné aux classiques français, tout en étant profondément soucieux du sort des ‘petites gens’ au Sénégal, Omar Blondin Diop, du haut de sa vingtaine, demeure un personnage complexe à la réflexion ultra dense.

C’est cette complexité que Florian Bobin nous amène à saisir dans ce rassemblement de textes inédits. Soucieux du devenir des jeunes (pas seulement sénégalais), Omar Blondin cherche à savoir ‘comment des jeunes se servent de quelque chose qui existe, qui s’est constitué en dehors d’eux, pour trouver leurs propres solutions’. La solution pour comprendre les défis auxquels les jeunes sont confrontés, semble être un viatique, une quête à laquelle il se confrontera toute sa vie. Que ce soit dans son cercle parisien, ou à Dakar, cette défiance perpétuelle des pouvoirs publics et de leur autorité, le nourrit et le pousse à se battre, encore et toujours. Les limites du système politique, sa non-conformité avec les réalités du peuple, toutes ces causes font qu’Omar écrit, produit, théorise. Cet esprit fécond, qui achèvera sa course dans les geôles de la prison de Gorée, s'intéressa à tout. Quand on le lit avec les yeux d’aujourd’hui, l’on s’étonne de savoir qu’il n’avait que 26 ans au moment de sa disparition. 

Ce livre de textes réunis par Florian Bobin est subdivisé en quatre grandes parties. Un concentré d’entretiens donnés à la presse, d’analyses sur des sujets de société, de projets, et enfin de correspondances, adressées à ses parents et à des amis. Cette curiosité pour le cinéma, l’art au sens large, la littérature, la musique, les sciences humaines, le conduiront au sujet qui a réuni toutes ses passions : la révolution. Cette révolution qui lui a coûté la vie, mais lui a permis d’avoir les pieds sur terre, l’esprit toujours en mouvement, pour surtout ‘éviter de ne pas connaître les aspérités du réel’. 

Dans le contexte socio-politique et culturel que vit le Sénégal aujourd’hui, la jeunesse est en recherche de repères. Il serait intéressant pour tous ceux qui sont dans cette phase de questionnements existentiels de (re) lire Blondin, car des clés de compréhension subsistent dans ses écrits. Arraché à l’affection des siens à la fleur de l’âge, sa condition de martyr est à dépoussiérer, et c’est à cet exercice que nous devons nous atteler, nous tous qui nous intéressons à lui. La figure de martyr a ceci de particulier qu’elle fige une personne dans le temps et dans l’espace, mais Omar Blondin, cinquante ans après, est à lire, pour le replacer dans le contexte de son époque, mais aussi pour comprendre les défis du monde actuel.



2 Commentaires

  1. Auteur

    Melakh

    En Mars, 2024 (17:14 PM)
    Quand karim pillant les ressources elle était ou.dans le gouvernement  basta
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  2. Auteur

    En Mars, 2024 (17:17 PM)
    Je pensais beaucoup a lui hier...je ne suis pas surpris de lire l'article aujourd'hui. Je dois avoir un lien spirituel avec lui d'autant plus qu'il est décédé 1 mois après ma naissance.

    RIP
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