Etat et religion : Le coup de génie de Senghor expliqué par Serigne Mansour Sy Jamil

La stabilité politique du Sénégal ne s’explique que par la bonne cohabitation du pouvoir politique et du pouvoir religieux. L’avis est de Serigne Mansour Sy Jamil, qui s’exprimait, hier, en marge du séminaire sur ‘L’islam dans les sociétés de l’Afrique subsaharienne: défis et réponses’, organisé par la Fondation Konrad Adenauer.

Si le Sénégal fait partie des rares pays à connaître, jusqu’ici, une stabilité politique, ce n’est guère par miracle mais l’œuvre d’une bonne cohabitation entre le pouvoir politique et la religion. L’avis est de Serigne Mansour Sy Jamil qui s’exprimait, hier, lors de la cérémonie d’ouverture du séminaire organisé par la Fondation Konrad Adenauer sur ‘l’islam dans les sociétés de l’Afrique subsaharienne : défis et réponses’. A en croire le chef religieux, ‘ce que les gens ignorent c’est que le Sénégal, aussi bien avant qu’après l’indépendance, a été dirigé sur un triangle qui s’est appuyé sur l’Etat et les deux grandes cités religieuses, Tivaouane et Touba’. Une parade trouvée par le premier président du Sénégal Léopold Sédar Senghor, ‘pour réussir le pari de diriger pendant vingt ans un pays à 95 % de musulmans’, ajoute-t-il, en soutenant que ‘c’est sur cet équilibre que se sont reposées les structures de l’Etat pour permettre au Sénégal de réaliser la stabilité politique que l’on ne trouve pas dans les autres pays’.

Cela, d’autant que ‘ces trois se consultaient sur tout, y compris le recrutement et la constitution des gouvernements’. Ce qui veut dire que Senghor gérait en toute collégialité le pouvoir, contrairement à la génération des Lamine Guèye qui, ‘après leur retour au Sénégal, s’attaquaient aux marabouts, les accusant d’être responsables de notre sous-développement’, s’est-il désolé pour mettre en exergue ‘l’intelligence de Senghor qui s’est appuyé sur les religieux pour bâtir une cohabitation paisible de la religion et de l’Etat’. Suffisant pour que S. Mansour Sy Jamil déclare que ‘l’une des chances du Sénégal a été d’avoir un Chrétien comme premier président de la République’. Et le chef religieux d’ajouter que ‘si c’était un musulman, je ne suis pas sûr que cela se passerait de cette manière-là’. Une situation inédite que l’on ne pouvait trouver ailleurs. Par exemple, fait savoir le religieux, ‘ce qui s’est passé au Sénégal est tout le contraire de ce qui se passe en France où la séparation de l’Eglise et de l’Etat est une donnée fondamentale de la laïcité et de la République’.

Par Ailleurs, s’exprimant sur la tenue du sommet de l’Oci, pour la deuxième fois au Sénégal, le religieux soutient que ‘c’est un signe de confiance que le monde musulman a pour le Sénégal’. Et S. Mansour Sy Jamil de plaider pour que ‘des initiatives soient prises afin de contribuer à la réflexion sur les questions qui interpellent le monde musulman et que le sommet ne pourra pas prendre en compte, vu son temps limité’. Par exemple, avance-t-il, ‘pourquoi l’Université de Dakar ne prendrait-elle pas l’initiative de se pencher sur la production littéraire de El h Malick ou de Serigne Touba pour mesurer leur influence et voir comment se fait-il que des gens qui n’ont pas l’arabe comme langue maternelle aient pu produire une poésie qui n’a rien à envier aux plus grands poètes’. Un patrimoine qui échappe complètement aux intellectuels, se désole-t-il.

Le séminaire international organisé par la Fondation Konrad Adenauer, en partenariat avec l’Université de Dakar, est, selon ses initiateurs, une contribution dans le cadre de la préparation du prochain sommet de l’Oci qui se tiendra à Dakar au mois de mars prochain.