Khalifa Babacar Ndiaye, l’imam de la Mosquée de Karack (Dakar) a fustigé, dans son sermon de vendredi dernier, le silence des guides religieux qui n’ont pas dénoncé les menaces proférées par les tenants du pouvoir à l’endroit des organisateurs des Assises nationales. « Ils sont allés jusqu’à menacer les guides religieux, ce qui est inacceptable. Mais comme il est dit dans le Coran : Celui qui a peur des menaces de mort ne croit pas en Dieu, c’est le cas aussi pour celui qui les profère », fait-il remarquer. Tout en s’interrogeant : « Qu’est-ce qui justifie alors le silence de certains guides religieux, sont-ils, comme le pensent de nombreux Sénégalais, à la solde du pouvoir, qui leur donne des tonnes de riz ou des enveloppes pour acheter leur silence ? »
Une crise multiforme
Il y a, soutient l’imam, une crise multiforme dans ce pays : la crise des « Tarikhas », des religions, des politiques, des valeurs etc. Le signe de la crise des « Tarikhas » est, dit-il, visible à travers ces rencontres religieuses où l’on parle moins de Dieu et du Prophète (Psl) mais de politique pour bénéficier de l’aide matérielle et financière des autorités étatiques. « Donc, le religieux sert seulement de paravent pour assouvir des intérêts personnels. Et ceux qui ne reçoivent pas l’aide de l’Etat n’hésitent pas à tirer sur lui. Mais le prix à payer, c’est la perte de liberté de penser de ces guides religieux », fait remarquer l’imam de la Mosquée de Karack. C’est dans ce cadre qu’il a rangé l’idée qui a présidé à l’organisation des séances de lectures de Coran pour la réussite du sommet de l’Oci. « Pourtant le pays connaît bien des situations qui méritent des prières. Pourquoi ils n’ont pas organisé des séances de prière pour demander au bon Dieu d’apporter la paix des cœurs, l’entente entre les fils de ce pays, l’entente dans les « Tarikhas » etc », s’interroge-t-il.
Le dialogue, une recommandation divine
L’imam Khalifa Babacar Ndiaye, a par ailleurs insisté sur l’importance du dialogue et de la concertation dans un pays. Il montre que le dialogue est une recommandation divine. « Dans le Coran, Allah a donné l’ordre à son Prophète (Paix et salut sur lui) de privilégier le dialogue et la concertation chaque fois qu’un problème concernant la communauté est posé. Et notre Prophète (Psl) n’est jamais passé outre cette injonction de son Seigneur. Par conséquent, celui qui dirige des hommes ou un peuple doit suivre la voie tracée par Allah », explique l’imam.
Il dit ne jamais comprendre pourquoi le pouvoir a rejeté les Assises nationales. « Car, quand un pays traverse des difficultés, ses fils doivent se concerter pour tenter de trouver des solutions. Alors, l’on peut, à juste raison, soupçonner les tenants du régime et toutes les personnes qui rejettent l’idée des Assises nationales qu’ils ne sont pas mus par les intérêts de la nation. Ils ont mis en avant des intérêts personnels qu’ils veulent à tout prix sauver », soutient l’imam de Karack. Et d’expliquer qu’il a participé aux Assises en tant que guide religieux qui se situe au-dessus de la mêlée, ne faisant pas de distinction entre les individus, les populations, en dépit des choix politiques, idéologiques ou religieux des uns et des autres. Le guide religieux, dit-il, doit mettre tout le monde sur un pied d’égalité parce qu’il porte la parole d’Allah et de son Prophète (Psl). Par conséquent, lorsque des citoyens appellent à des concertations pour cogiter sur le destin d’une nation et de trouver solution aux multiples difficultés qui l’assaille, on doit répondre positivement à l’appel.
Recours à l’Histoire de l’Islam pour justifier les Assises
Pour lui, aujourd’hui, tout le monde s’accorde – toutes couches sociales confondues - sur le fait que le pays est bloqué ou traverse des difficultés. « Or, quand un pays est bloqué, on doit tout faire pour le débloquer avant que les démons ne s’en mêlent. C’est en cela que les Assises nationales constituent une belle initiative parce que permettant aux fils du pays de se parler sans animosité aucune », souligne l’Imam, avant de se référer à l’histoire de l’Islam pour prouver la nécessité de la tenue des Assises nationales. « Quand on visite l’histoire de l’Islam, l’on se rendra compte, qu’à part le message divin qui transite par le Prophète (Psl) avant de tomber dans l’oreille du commun des mortels – car le message d’Allah ne doit faire l’objet de discussions – tout autre sujet ou idée doit, par contre, faire l’objet de concertation pour choisir la meilleure proposition ou vision. « Seyndina Oumar a, dans son règne, pris un décret qui était loin de faire l’unanimité et c’est une femme qui l’a obligé à faire machine arrière. Elle dira à Seydina Omar : « si le décret que tu as pris n’a que le Coran comme soubassement, dans ce cas, nous allons l’appliquer. Mais si le décret n’est que le fruit de son imagination, dans ce cas nous avons l’obligation d’étudier ses fondements. Seydina Oumar a remercié son Seigneur d’avoir inspiré cette dame qui a eu le courage de lui dire la vérité. Moralité : Un leader doit se comporter comme Seydina Omar qui reconnaît ses erreurs et met en avant l’intérêt général au détriment des intérêts personnels », note l’imam de la Mosquée de Karack.
Mettre plutôt l’accent sur les intentions
Par conséquent, les détracteurs des Assises nationales doivent plutôt mettre l’accent, selon lui, sur l’intention de l’opposition ; quels sont les objectifs visés ? « Ce n’est pas parce que le leader n’a pas la même vision que ses détracteurs ou ses adversaires qu’il ne doit pas prendre en compte leurs idées qui peuvent, du reste, être bénéfiques à la nation entière. S’il ne se comporte pas ainsi, dans ce cas, il ne mérite plus le titre de leader. Un dirigeant, surtout celui d’un pays, doit toujours se situer au-dessus des divergences et mettre tout le monde, adversaires et partisans, sur un pied d’égalité », fait remarquer Imam.
0 Commentaires
Participer à la Discussion