L’Association des utilisateurs des TIC (Asutic) est préoccupée par la montée en puissance au Sénégal du discours diffamatoire et incendiaire dont Internet et ses réseaux sociaux seraient les amplificateurs. Elle trouve "légales" les arrestations de deux personnes, à savoir « l’activiste républicain » Bah Diakhaté et l’imam Cheikh Tidiane Ndao, pour outrage à l’encontre du Premier ministre Ousmane Sonko.
Selon son président Ndiaga Guèye, « le respect du droit à la liberté d’expression ne peut être invoqué pour justifier sa jouissance par des propos diffamatoires et incendiaires qui portent atteinte à la vie privée, à la réputation et à l’honneur d’une personne. En effet, les normes internationales et la législation nationale comportent des dispositions claires qui, d’une part, garantissent la liberté d’expression, et d’autre part, la limitent ».
Il a, en effet, cité l'article 19 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques dispose : «Nul ne peut être inquiété pour ses opinions. Toute personne a droit à la liberté d’expression; ce droit comprend la liberté de rechercher, de recevoir et de répandre des informations et des idées de toute espèce, sans considération de frontières, sous une forme orale, écrite, imprimée ou artistique, ou par tout autre moyen de son choix. L'exercice des libertés prévues au présent article (…) peut en conséquence être soumis à certaines restrictions qui doivent toutefois être expressément fixées par la loi et qui sont nécessaires au respect des droits ou de la réputation d'autrui; à la sauvegarde de la sécurité nationale, de l'ordre public, de la santé ou de la moralité publique. »
Dans la même perspective, l’article 9 de la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples dispose : « Toute personne a droit à l'information. Toute personne a le droit d'exprimer et de diffuser ses opinions dans le cadre des lois et règlements. »
Mais M. Guèye rappelle, en outre, que les limitations de l’exercice du droit à la liberté d’expression sont renforcées par l'article 12 de la Déclaration universelle des Droits de l'homme et l'article 17 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, qui disposent : « Nul ne sera l’objet d’immixtions arbitraires dans sa vie privée, sa famille, son domicile ou sa correspondance ni d’atteintes à son honneur et à sa réputation. Toute personne a droit à la protection de la loi contre de telles immixtions ou de telles atteintes. »
En droit national, le président de l’Asutic a invoqué l’article 10 de la Constitution du Sénégal qui dispose que «chacun a le droit d’exprimer et de diffuser librement ses opinions par la parole, la plume, l’image, la marche pacifique, pourvu que l’exercice de ces droits ne porte atteinte ni à l’honneur et à la considération d’autrui, ni à l’ordre public».
Dans le même esprit, les alinéas 2 et 3 de l’article 13 de la Loi n° 2008-10 du 25 janvier 2008 portant loi d’orientation sur la Société de l’Information.
Et enfin, l’article 431-60 de la loi n°2016-29 du 8 novembre 2016 portant code pénal modifiant la loi n° 65-60 du 21 juillet 1965 : «Est puni d'un emprisonnement de cinq ans à dix ans et d'une amende de 500 000 F à 10 000 000 F ou l'une de ces deux peines, celui qui par un moyen de communication électronique affiche, expose ou projette aux regards du public tous imprimés, tous écrits, films ou clichés contraires aux bonnes mœurs.»
Selon lui, la liberté d'expression n’est pas absolue. « Elle est restreinte aussi bien par le droit international que national pour garantir le respect du droit à la vie privée, de la réputation d'autrui et des bonnes mœurs ».
Mieux, insiste-t-il, « c’est dans le respect du droit international et national, en conformité avec les engagements internationaux de l’État du Sénégal et de sa législation interne, que les autorités ont pris les décisions de faire arrêter les personnes qui ont tenu ces discours incendiaires et diffamatoires. Non seulement les décisions ont été prises en toute légalité, mais leur caractère légitime et nécessaire pour préserver la paix, et la cohésion sociale ne saurait être sérieusement remise en cause ».
Approche collaborative de type multiacteurs
Il a, par ailleurs, fait savoir que les poursuites pénales, confortées par une opinion publique nationale qui exprime en permanence sa désapprobation des discours discourtois et dégradants, ne sauraient être la solution de ce phénomène. De son avis, il faut que les autorités rompent dès à présent avec l’idée selon laquelle les actions pénales contre les pourvoyeurs de haine et des propos outrageants sont une solution efficace à long terme pour réguler la liberté d’expression sur Internet et les réseaux sociaux. « Toute stratégie de lutte nécessite d’abord de s’interroger sur les responsabilités dans la montée en puissance de ce phénomène dans ce pays, et ensuite, sur les moyens mis en œuvre pour lutter contre dès leur apparition ».
Aussi, au-delà des arrestations policières et des poursuites pénales, il est souhaitable que les autorités adoptent et développent une approche collaborative de type multiacteurs pour réguler les contenus diffamatoires et incendiaires sur Internet et les réseaux sociaux. Cette démarche de co-construction d’une réponse à ce phénomène serait à organiser autour des parties prenantes. Ainsi, il invite le Gouvernement à « élaborer un projet de loi modifiant le Code pénal pour y insérer dans un premier temps une amende et/ou un travail d’intérêt général, et dans un second temps, en cas de récidive recourir aux peines privatives de liberté ».
Ndiaga Guèye n’a pas non plus manqué d’évoquer le système éducatif. « C’est en milieu scolaire, en relation avec la famille, que se construisent les normes sociales qui préservent et consolident la paix et la cohésion sociale et non dans les commissariats de police et les prisons. Aussi, il serait souhaitable de définir une stratégie d’éducation à la citoyenneté à l’ère numérique. Un des axes serait d’outiller la jeunesse à un exercice de la liberté d’expression en ligne fondé sur des responsabilités sociétales en développant leur esprit critique ».
À l’en croire, la société civile devrait concevoir et mettre en place des programmes et projets de sensibilisation sur la citoyenneté à l’ère numérique. « Le travail de terrain serait accompli en collaborant avec ses relais communautaires de base afin les messages soient délivrés en langue locale à travers les radios communautaires et d’autres espaces de dialogue », pense-t-il.
Pour ce qui est des médias, le président de l’Asutic estime que le traitement de l’information sur Internet et les réseaux sociaux par les médias de masse en intégrant leurs responsabilités sociétales est crucial. « À cette fin, des activités de renforcement de capacités des journalistes pour un traitement citoyen et non mercantile de l’information qui porte atteinte à la vie privée et aux bonnes mœurs s'avèrent nécessaires. Toutefois, pour mettre fin à la course à l’audimat à des fins mercantiles, accompagner la presse à avoir un modèle économique durable est la clé », a-t-il appuyé.
S’agissant des universitaires, M. Guèye souligne qu’ils pourraient mettre leur capacité d’analyse des phénomènes sociaux au service de la société sénégalaise. « Ils devraient s’approprier de fait le rôle de conseiller des autorités publiques en rendant accessible les résultats de leur recherche tout décryptant publiquement les politiques publiques élaborées par le Gouvernement ».
10 Commentaires
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En Mai, 2024 (15:20 PM)Mon Sénegal va mal
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En Mai, 2024 (17:09 PM)S O S Imams Vrais Vertueux
En Mai, 2024 (17:50 PM)Reply_author
En Mai, 2024 (14:40 PM)Amad
En Mai, 2024 (13:58 PM)A moins d'être une association opportuniste car avec tout ce qu'on voit et entend sur les RS c'est la première fois qu'on voit cette association pondre un communiqué.
Sénégal des opportunistes et des équilibristes
Cécile
En Mai, 2024 (14:55 PM)Participer à la Discussion