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Chronique

La parité mâle

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La parité mâle

« Le suffrage par le sort est de la nature de la démocratie.
Le suffrage par le choix est de celle de l’aristocratie »
MONTESQUIEU


Ce qui perd la plupart des hommes politiques, ce n’est pas le fait d’avoir des ambitions. C’est d’ailleurs ce qui fait un homme politique. C’est le fait d’avoir de mauvaises ambitions. Viviane Wade en a pour son fils, et elle a réussi à lui mettre cette idée dans la tête. Cette femme va, dans les prochaines années, jouer un rôle majeur dans les décisions de son époux, et nous gagnerions à la connaître davantage. Nous aurons à faire avec elle, avant de faire avec Abdoulaye Wade.
C’est elle, l’idée de préparer Karim Wade à la succession. Quand elle a eu cette idée, son fils lui a évoqué les difficultés sérieuses, dans un pays Wolof. Il ne comprenait même pas wolof, et il ne voyait pas comment il ne se trouvait pas « sénégalais ». Mais chez cette femme rien n’est impossible. Elle a forcé son fils à un programme médiatique intensif, dont la dernière sortie sur les chantiers de l’Anoci n’est qu’un avant-goût. Elle l’a aussi obligé à des cours assidus de wolof, pour lui faire perdre son accent hybride, mi-français, mi-sénégalais, mi-britannique. Elle est le Wade social, qui parle aux jeunes, aux mendiants, aux nécessiteux, et coordonne à elle seule 5 ministères, dont ceux, stratégiques, de Aïda Mbodj et de Farba Senghor. Elle a fait de son mari un président, elle a juré de réussir le même coup avec son fils. Après tout, chers lecteurs, l’accession aux plus hautes fonctions n’a jamais emprunté les droits chemins. Celle de Karim Wade viendra droit des femmes… Non, du droit des femmes. De la parité singulière entre le père et le fils. Heh !
Abdoulaye Wade nous est revenu, au début de ce mandat, avec une âme féminine. Il a déjà introduit, dans le cercle fermé des héroïnes sénégalaises où trônaient déjà Jëmbët Mbodj et Aline Sitoé, une certaine Mbagne Wade. Il se prépare à construire une maternité dans le village natal de sa mère, la « maternité Aïda Daabo ». Cet homme fait un raisonnement simple : dans sa longue vie, tous les hommes lui ont été infidèles… sauf les femmes. Il n’y a pas que Viviane. Observez bien, dans l’histoire de ce parti, les défections et les trahisons n’ont toujours été qu’une affaire d’hommes : Awa Diop, Ndèye Maguette Dièye, Aminata Tall… Il avait le secret du lien. Et il répétait tout le temps aux responsables de son parti « prenez-les, si vous ne les prenez pas elles vont partir ». Lui-même savait les « prendre ».
Quand on entre en vieillesse, on entre souvent en enfance. Wade ne dérogera pas à cette règle. Nous vivrons ce quinquennat à ce rythme, soumis à la « famille », qui nous gouvernera, plus qu’à celui que nous avons élu, et qui croit tout devoir à son épouse Viviane et à ses deux enfants.

Le président de la République a fait, le 7 décembre dernier, une déclaration passée inaperçue. Il a adressé un message aux responsables des partis politiques, dans lequel il les invitait à respecter la règle de parité lors de la mise en place des listes pour les élections législatives. Il parlait, dans la déclaration lue par Macky Sall, de « parité absolue ». Cela voulait dire une parité sur la nationale proportionnelle comme sur la majoritaire départementale. C’était impossible, et c’est là où il a manqué de jugement. Nous sommes une des rares démocraties au monde à avoir deux scrutins dans un même scrutin. On peut positionner qui on veut sur une liste, et le faire élire député. Les candidats passent d’ailleurs leur temps à « fuir » la départementale, pour se réfugier sur la liste nationale. Nous allons maintenant avoir deux lois différentes pour une même élection. Les rares pays où cette loi sur la parité est appliquée votent par circonscription, dans une majoritaire intégrale. Chez nous, il y a des députés élus de nulle part. Mais nous persistons avec cette incongruité, parce qu’elle « favorise les petits partis et la démocratie ». C’est ce qui rend la loi de Wade matériellement inapplicable. Sur une liste départementale de 3 ou 5 députés, on ne sait pas comment la parité serait applicable.

Le président de la République a bien poussé ses pairs à appliquer la parité intégrale au sein de la commission de l’Union africaine. Il s’était félicité, au retour de ce voyage, le 5 juillet 2003, du travail fait par les femmes dans son gouvernement, qui venaient lui demander « des conseils ». Mais il avait pris un autre engagement encore plus important avec la Cedeao, qu’il aurait dû respecter, si la volonté de s’accaparer de l’Assemblée nationale ne l’avait pas aveuglé. Cette Charte interdit la modification des lois électorales à l’approche des élections. Or, depuis deux ans maintenant, Wade passe son temps à changer les règles du scrutin, avec le seul dessein d’écarter ses adversaires. Il sait cette loi matériellement désastreuse, il n’y a pas un autre mot pour la qualifier. Ceux qui s’y résignent le font parce qu’ils ont peur de s’aliéner l’électorat féminin. Elle est inefficace, parce que rien ne s’oppose à ce qu’un parti mette 50 femmes au bas de sa liste ou parmi les suppléants, en s’assurant qu’elles n’ont aucune chance d’être élues. On choisit les gens sur les listes parce qu’ils sont représentatifs, pas parce qu’ils sont hommes ou femmes. La preuve de sa mauvaise foi, c’est que sur la liste qu’il avait déjà déposée au ministère de l’Intérieur, les bonnes places revenaient aux hommes, et Aminata Tall a dû ferrailler dur pour se faire entendre. Il s’est dit qu’en la votant, il mettrait en difficulté les autres listes de partis.

Changer la loi électorale de cette façon à seulement deux mois des législatives procède d’une mauvaise foi. Je rappelais sa déclaration de juillet 2003 à son retour du sommet de l’Oua, quand il vantait le mérite des femmes de son gouvernement. C’est le moment qu’il avait choisi pour se défaire des femmes les plus méritantes comme Thieo Cissé Doukouré et Awa Marie Coll Seck, après le limogeage d’un des Premiers ministres les plus intègres de l’histoire de ce pays, Mame Madior Boye. Il leur reprochait de ne pas « faire de la politique ». Le 27 novembre de la même année, quand il s’est rendu à Oxford pour recevoir le doctorat Honoris Causa qu’il n’a jamais reçu, il avait annoncé une femme Premier ministre pour 2006. La dernière qui espérait occuper un jour ce poste, Aminata Tall, a été chassée du gouvernement pour « inconvenance ». On aurait compris que le président de la République expérimentât sa nouvelle formule dans son gouvernement. Mais combien sont-elles ? Parmi ses conseillers à la présidence de la République, mais combien sont-elles ? Au sein du Comité directeur de son parti, mais combien sont-elles là encore ? Dans tous les pays du monde, il a vanté sa nouvelle loi fondamentale qui donne l’accès à la terre aux femmes. Mais quelle femme en a profité depuis l’adoption de cette Constitution ? Quand Awa Marie Coll Seck, qui l’a servi loyalement, a demandé son parrainage pour la direction de l’organisation mondiale de la Santé, il a tout fait pour la saborder. Il ne croit aux femmes que quand elles mobilisent les foules la journée, et vont lui faire des commentaires le soir venu. Il souhaite leur faire porter les ambitions de sa femme pour son fils. C’est tellement vrai que ce sont elles, dans le Pds, qui soutiennent le projet politique de Viviane Wade. L’une des grandes promotrices de cette idée farfelue qu’il faut prendre au sérieux est la ministre Awa Diop. Elle défend chez toutes les autres l’idée que « parti Paapi lagnou ham, ta boufi joguéé dounou nangou keneen kudul doomam ». C’est le même argument que les soldats du Rassemblement du peuple togolais ont sorti de leurs bottes, pour imposer Eyadema fils. Elles serviront cette grande ambition, transformer notre petite démocratie en une grande aristocratie.



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