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Chronique

[ Chronique ] Les ennemis du président

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[ Chronique ] Les ennemis du président
« Voici venir le crépuscule. L’heure grave  
où l’on rend les comptes »
Michaïl BOULGAKOV

 
Il arrive à ce pays une étrangeté dont il ne faudrait pas se réjouir, encore moins se féliciter. La nomination de ministres pendant les vacances gouvernementales, les menaces contre des marabouts, les injures infâmes adressées à l’opposition forcent à une seule et même chose. Si Abdoulaye Wade fait toujours la preuve qu’il entend jouir de tous ses pouvoirs, il n’en est pas de même pour ce qui est de ses facultés mentales. Quelle qu’effroyable qu’elle puisse être, nous devons nous soumettre à cette conclusion et assumer qu’à la tête de ce pays jadis distingué par l’intelligence de ses hommes, se trouve désormais un vieillard gâteux.
Un homme d’Etat qui s’attribue les biens de son pays, lui impose une hypothèque sur 1200 ans n’est déjà plus un homme. Je me suis soumis à cette évidence en voyant le président de la République fermement debout dans son boubou pour sacrer le monument sensé immortaliser sa propre bêtise et en faire témoignage aux générations futures. L’homme drapé contre les vents et les marées –je parle de l’autre-, la poitrine bien sortie et les abdominaux saillants, le rendait fier de sa copie. Mais regardez-le bien. Il n’a pas de tête. Je me suis demandé si les Coréens, sarcastiques à souhait, ne lui ont pas enlevé cette extrémité précieuse pour dire au Descartes de Kébémer, le père du « je prends, donc je suis », propriétaire intellectuel de cette doublure honteuse : « monsieur, regardez-vous bien, vous n’avez pas toute votre tête ».  
La semaine dernière, il a pris son téléphone pour exiger de son ministre de la Communication, l’engagement de tous les moyens de l’Etat dans la bataille contre une photo représentant sa statue sur Internet. Le président Abdoulaye Wade a lui-même pourchassé la photo avec son équipe d’informaticiens, jusqu’à la localiser dans un coin de la planète virtuelle. Il reproche à cette statue refaite une trop grande ressemblance, ce qui nous a valu un communiqué du gouvernement et un mandat d’arrêt de diffusion international. Voilà à quoi est réduit le Sénégal, à traquer des images virtuelles, après avoir établi la censure systématique, comme l’ont si bien souligné mes amis de Sud quotidien.
Quand il n’est pas en guerre contre les images virtuelles, Abdoulaye Wade consacre l’essentiel de son effort à son combat contre ses ennemis virtuels. Jacques Diouf est pressenti pour se présenter en 2012, il lui consacre une longue campagne de calomnies à l’échelle internationale ; Amadou Moctar Mbow est présenté comme le potentiel candidat à une transition démocratique, il invite tous les cadres de son parti à lui réserver la totalité de leurs injures ; Ousmane Tanor Dieng est déclaré candidat, il sort tous les cadavres que lui avait laissés le Parti socialiste et ceux qu’il a lui-même placés dans les tiroirs. L’ADM finance les municipalités, il adresse une lettre aux responsables de la Banque mondiale pour les accuser de financer ses « ennemis ». Une véritable industrie de la guerre s’est développée autour de cet idéal autocratique. Elle fait vivre des centaines de mercenaires qui débusquent tous les jours les « ennemis du président » pour les mater sans pitié.  
Cette comédie pitoyable n’est pas le signe d’une nervosité mal contenue. C’est le signe que le mégalomane est pris de folie et n’a honte de rien. On se disait que le passage de Hillary Clinton tout près de chez nous, au Cap-Vert, assoupirait au moins les velléités guerrières d’Abdoulaye Wade. C’est le moment qu’il a choisi pour pondre cette lettre scandaleuse qui ferait tomber n’importe quel chef d’Etat de son fauteuil.  
Tout cela se fait sur fond de décisions irréfléchies. Il relève un ministre de ses fonctions, mais c’est pour s’empresser de le renommer le lendemain. Il relève le ministre de la Culture de ses fonctions, le nomme une semaine plus tard ministre d’Etat chargé d’un festival. Il prend une direction à un ministre, la lui rend le lendemain avec des excuses officielles. Le remaniement d’il y a six mois se poursuit encore, avec la nomination d’Innocence Ntap, redevenue ministre d’Etat au bout de 20 minutes d’audience. Pour couronner le tout, il sort du dernier Conseil des ministres avec cette décision étonnante de s’octroyer un mois de vacances quand ses ministres sont limités à une semaine. Le génie infatigable a-t-il enfin abandonné ses prétentions surhumaines ?
Nous n’assistons pas à une ambiance de fin de règne. Pire encore, nous assistons à une ambiance de fin de vie, sans que nous osions nous poser la question qui s’imposera à nous comme une réalité : qu’adviendra-t-il de nous tous ? Vont-ils, comme s’y préparent déjà les libéraux, se diviser en milices rivales et se combattre rageusement, avec des chefs de guerre de la trempe de Clédor Sène ; vont-ils laisser un ancien poissonnier et repris de Justice devenir notre président de la République par intérim ; ou alors, au nom des intérêts du clan, vont-ils tenir Pape Diop en respect et imposer Karim Wade à la tête du pays ?  
Il semble que Viviane Wade soit la seule à avoir vraiment pris la mesure de la situation. Elle s’est arrogée une bonne partie des prérogatives présidentielles et ne rend compte qu’à sa propre personne. Quand Abdoulaye Wade nomme au gouvernement, elle nomme. Quand il nomme dans le parti, elle nomme. Au point qu’il y a au palais de la République un gouvernement de ministres conseillers et de ministres d’Etat de la même taille que celui de Souleymane Ndéné Ndiaye, prêts à agir. Les plumitifs engagés par le palais de la République promettent de s’y mettre, de sorte qu’au retour des vacances gouvernementales, il ne reste de ce « Jules »que sa mairie de Guinguineo. « On l’avait pris pour un roseau, c’est un chêne. Il ne plie pas », confient ceux qui assistent aux misères que lui cause le camp de Viviane Wade, déterminée à imposer son fils. Quel que soit le bout par lequel on la prend, la situation est assez grave pour nous obliger à l’action. Le président Lamine Diack l’a exprimé mieux que moi, en des termes qui inspirent le respect. Il nous faut agir ou périr.
SJD



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