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Vendredi 01 Juin, 2018 +33
Chronique

Qui sème le ventre...

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Qui sème le ventre...

« C’est un grand avantage dans les affaires
de la vie que de savoir prendre
l’offensive : l’homme attaqué transige toujours »
B. CONSTANT

Il souffle sur le pays un vent de révolte qui, s’il n’est pas maîtrisé, n’épargnera personne, pas même ceux qui pensent qu’ils sont très en sécurité dans leurs terrasses fortifiées. Les météorologues de la politique ont tous donné un avis de tempête. « On ne sait pas quand, mais ça va venir », a dit un historien. Mais c’est déjà venu ! A quoi assistons-nous depuis quelques semaines ? A une chasse à l’homme entre accusateurs et accusés. On ne se cache plus pour proférer des menaces de mort, et quand on possède un fusil, on le brandit publiquement. C’est la meilleure arme de dissuasion massive. Et ces gens ont raison. On ne peut pas s’armer de patience quand on a comme voisin Clédor Sène et Assane Diop. Soyez d’accord avec moi, pour beaucoup moins que ça, Barthélémy Dias avait été jeté en prison. Les limiers avaient perquisitionné son domicile dans des circonstances qui frisaient le banditisme d’Etat. Maintenant que le responsable des Jeunesses socialistes avoue qu’il a son arme sous l’oreiller, on le laisse dormir en paix. Il a suffi qu’il dise sur les ondes des radios que son ami Malick Seck aussi a un pistolet pour que ce dernier soit libéré dès le lendemain. Depuis qu’à la tête de jeunes très déterminés il a menacé de mettre le feu au pays si leur marche est interdite, la police traite Barthélémy Dias avec tous les honneurs, sur ordre sans doute « d’en haut ». Il y a juste un an, ses propos distillés dans tous les médias auraient été accueillis avec des cris d’indignation et de réprobation. On loue maintenant le courage de ce jeune homme devenu à lui tout seul le front de libération nationale. Si Barthélémy Dias défie l’autorité de cette façon, c’est qu’il n’y a plus d’autorité. On ne peut pas laisser dans la nature des muchachos qui menacent ouvertement de mort d’humbles citoyens, et reprocher à ces citoyens le droit de trouver les moyens de leur défense.
Dans un pays qui se respecte, le porte-parole de la police ne fait pas un communiqué pour dire d’un citoyen menacé publiquement de mort, qu’il fait « de la diversion ». Un Etat cesse d’exister quand il cesse d’exercer le monopole de la violence. Ce qui fait que nous soyons en République, c’est que quand le voisin nous cause du tord, nous nous en remettons à une Justice et à une force qui, parce qu’elle est publique, elle est là pour tous. Elle est morte depuis longtemps cette Justice, et nous assistons impuissants à son enterrement.
Que s’est-il donc passé ? Rien, si ce n’est l’affaissement du socle républicain sur lequel nous étions assis. Une vendetta d’Etat comme celle qu’avaient menée les hommes d’Ousmane Ngom dans les locaux de Walf-Tv laisse la place à une vendetta populaire. Ce sont des citoyens ordinaires qui deviennent les justiciers de leurs propres causes. Il n’y pas une définition plus précise de qu’on peut appeler une révolte populaire, et c’est ce à quoi nous assistons depuis quelques temps. Ca n’arrive pas, c’est déjà arrivé. L’Etat a foutu le camp. Ceux qui agissent en son nom sont des groupuscules mafieux qui ne font plus peur à personne malheureusement. Nous en sommes arrivés à un tel degré de déliquescence que la parole présidentielle ne vaut plus rien. Après nous avoir demandé de patienter jusqu’en 2015, le chef de l’Etat nous demande de nous en remettre à Dieu : « aucune manifestation ne peut régler les problèmes, il faut que les gens retournent à Dieu, et nos problèmes seront réglés ». Voilà Abdoulaye Wade tout recraché, avec sa mauvaise foi qui ne le quitte jamais.

La situation de pauvreté et de misère que nous vivons n’est pas nouvelle. Depuis huit ans, la priorité a été donnée au train de vie princier du président de la République et de ses courtisans. Ce qui est nouveau, c’est que même ses supporteurs du 25 février ne peuvent plus supporter son arrogance. Ce n’est pas une simple question de « contexte mondial ». Ce pays a vécu dans son histoire des situations beaucoup plus difficiles. Quand la souffrance peut se justifier, elle devient une épreuve de sanctification. Mais ce qui est insupportable, c’est l’injustice qui s’ajoute à l’extrême pauvreté des ménages. Le président de la République a gaspillé les ressources du contribuable comme jamais personne ne l’a fait. Des centaines de véhicules de l’Etat ont été offerts à des particuliers pour en acheter d’autres, son avion a été réfectionné à coups de milliards pour rien, des dizaines de millions offerts aux militants pour leur transport. L’année dernière encore, le président de la République a « offert » 400 VUS à des présidents de communauté rurale dans les villages lointains où il manque de l’eau potable. A cela s’ajoute le doublement du salaire des ministres et des députés, des officiers supérieurs de l’armée, la création du Sénat, le retour du Conseil économique et social que rien ne peut justifier. Jusqu’au jour d’aujourd’hui, les 40 chefs de parti qui le soutiennent dans son entêtement sont entretenus avec l’argent du contribuable. Sur tout cela, il n’est pas capable de la moindre comptabilité.
Il n’y a rien pour raisonner Abdoulaye Wade. Il vient de persister dans la bêtise, en faisant étalage de l’immensité de sa richesse à l’occasion du décès d’Abdou Latif Guèye. Je ne reviendrai pas sur les propos irresponsables prononcés à cette occasion. Car dire qu’on l’a trompé sur Latif Guèye, c’est avouer qu’il l’a lui-même mis en prison. Mais ce qui est inadmissible, c’est l’étalage de richesse auquel le président de la République se livre quand il va à des funérailles, avec des promesses qu’il ne tient jamais. Vous imaginez ? Onze millions pour célébrer un deuil. Pardonnez-moi cette indécence. Mais c’est une insulte aux gens qui survivent dans les campagnes que de donner autant de millions à un mort. Cet homme a cette mauvaise habitude de ne rencontrer ses anciens compagnons qu’à la morgue et de les habiller de superlatifs.
Le président de la République ne donne malheureusement pas l’impression de prendre conscience de l’ampleur des dégâts. Il a encore traîné sa cinquantaine de collaborateurs à la Mecque, toujours aux frais du contribuable. Abdoulaye Wade est le seul chef d’Etat à se rendre à la Mecque avec sa horde de conseillers deux fois par an, tous frais payés. Aucun pays, soit-il le plus riche du monde, n’aurait pu supporter son train de vie dépensier. Pas même le roi d’Arabie, qui doit se poser des questions sur la fréquence de cet homme sur ses terres. Je l’ai entendu dire à des journalistes d’une radio étrangère qu’il va faire cette année « le tour des Caraïbes ». C’est exactement ce qu’il a dit, « le tour des Caraïbes », pendant que le pays entier souffre de la hausse des prix des denrées. N’importe qui à sa place aurait fait preuve d’un minimum de bon sens. Pas lui. Voilà des années qu’il nous promet des bateaux de pétrole. Il y en a deux qu’il a annoncé il y a deux ans, venant de Malabo et de Tripoli. C’est seulement ce mercredi qu’il découvre que les pays membres de l’Opep n’ont pas le droit de « donner » leur pétrole ! Peut-être qu’il nous révèlera un jour son secret de fabrication. Il dépasse toujours nos prévisions.
Un collaborateur du président de la République attirait justement l’attention de Pape Samba Mboup sur la hausse du prix de l’essence, pour une fois qu’il tentait d’avoir avec le ministre chef de cabinet un débat élevé au-dessus du bas-ventre. Il lui a rétorqué que le litre de super « coûte moins cher que le litre de vin rouge ». Il faut être poilu partout pour tenir de tels argumentaires. Mais ce sont des gens de cet acabit qui décident tous les jours de notre avenir. Ils n’entendent pas les cris de désespoir venus de Diakhao et de Niakhar. Si dans le berceau de la royauté sérères, ces dignes paysans crient famine, c’est qu’il y a lieu de prendre très au sérieux la situation du pays. C’est vous dire combien il serait dangereux de réduire cette grave crise à un phénomène urbain qu’on peut régler en baissant le prix du loyer. C’est une façon stupide de libérer Abdoulaye Wade d’une charge qu’il doit supporter pour la faire porter à d’autres. Nous avons raté l’occasion de lui signifier un non clair et précis le 25 février 2007, mais ça ne lui donne pas droit à tous les excès.



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