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[ Contribution ] Dépenses fiscales : La grosse bourde fiscale de l'Etat du Sénégal

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[ Contribution ] Dépenses fiscales : La grosse bourde fiscale de l'Etat du Sénégal

L'expérience dans les pays industrialisés et émergents a montré que l'investissement est une importante source de productivité et de croissance économique. La politique fiscale apparaît, à ce titre, comme un des outils privilégiés par les Etats, en raison de sa capacité à agir sur le coût du capital supporté par les entreprises (plus que les Entreprises réalisent des bénéfices, mieux c'est pour les Finances publiques).

Fort de ces enseignements, le Sénégal a opté depuis son accession à l'indépendance, pour une politique fiscale destinée à encourager la demande d'investissement des entreprises. Cette volonté s'est manifestée par différentes adaptations du Code général des impôts et du Code général des douanes ainsi qu'à travers la mise en place de régimes dérogatoires aux dits Codes. C'est ce qui explique de 1962 à nos jours,  la création respective du Code des investissements (1962), la Zone Franche industrielle de Dakar (1974), le Statut du Technopôle (1996), l'Apix (2000) et la Zone économique  spéciale intégrée (2007, et qui n'est pas encore entrée dans sa phase opérationnelle) pour booster les investissements, la consommation, les exportations, donc la croissance économique.

Dans cette perspective, le Gouvernement du Sénégal a effectué une série de baisses de l'impôt sur les sociétés (IS) entre 2003 et 2005. De baisse en baisse, l'Etat du Sénégal va commettre ce qu'on peut qualifier, de bourde fiscale. Et pour cause.

Le taux de l'Impôt sur les sociétés (IS) était de 35%  avant 2000 et jusqu'à 2003. On se le  rappelle encore, le secteur privé a longtemps sollicité du régime socialiste d'alors, la baisse de taux de l'IS de 2 points pour le fixer à 33%. Mais Abdou Diouf  avait dit niet. Et il avait bien  vu. Car, pour comprendre le refus du défunt régime socialiste, il faut visiter la nomenclature (structure) des ressources budgétaires du pays.

Le Sénégal tire l'essentiel de l'argent nécessaire au fonctionnement de l'Administration centrale et de ses démembrements (ressources budgétaires) à travers les recettes fiscales. Ces recettes fiscales sont entre autres, la fiscalité de l'intérieur (dont principalement, l'impôt sur le revenu « IR », l'impôt sur les sociétés « IS » et la taxe à la valeur ajoutée « Tva ») et la fiscalité de porte (celle perçue aux niveaux des frontières terrestres, maritimes et aériennes).  C'est ce qu'on regroupe sous les vocables  de fiscalité directe et  fiscalité indirecte.

Quand Wade Abdoulaye est arrivé au pouvoir en 2000, sa première mesure, dans le cadre de sa politique fiscale, en 2004, est d'accéder à la demande du secteur privé, en  baissant de 35% à 33%, le taux de l'IS. Le secteur privé n'a même pas fini de manger ce « gâteau fiscal » que le président  Wade Abdoulaye  les  appelle de nouveau pour poser du cerise sur leur gâteau, en (ra) baissant de..…8 points,  le taux de l'IS qui passe de 33% à 25%. Une mesure qui est entrain en vigueur depuis 2005.

Donc, depuis 2005, le taux de l'IS au Sénégal est de 25%. En instituant ces mesures fiscales (très) incitatives marquées par une baisse (brusque) de 8 points (écart entre 33% et 25%), l'Etat du Sénégal  a renoncé à un pactole de  19 milliards de francs Cfa en valeur absolue. En accordant ces allégements fiscaux, le Gouvernement de Wade attendait de ces Entreprises, qu'elles aient la « positive attitude »,  en appliquant leur tacite « gentleman  agreement» qui sous- entendait, même si ce n'est écrit  nulle part, que quand l'Etat  fait des dépenses fiscales (réduction du taux d'impôt), en  contre partie, les Entreprises réinvestissent  cette «plus value» dans l'Economie.

Coup de tonnerre du côté des pouvoirs publics, les efforts (les allégements fiscaux consentis par l'Etat du Sénégal n'ont pas été à la hauteur des résultats (réinvestissement) faits par les Entreprises. Sentant que les recettes fiscales s'amenuisent d'année en année depuis 2004  (en 2008, les dépenses fiscales sont évaluées à 300 milliards de francs Cfa), Wade a  tout fait pour encourager les Entreprises à réinvestir. D'un côté, Wade abaisse le taux d'IS, de l'autre, les investisseurs renforcent leurs fonds propres. D'une part, l'Etat du Sénégal poursuit une rentabilité économique (bien être social du plus grand nombre) d'autre part, les investisseurs cherchent la rentabilité financière (ce que l'Entreprise gagne sur chaque franc investi).

Les investisseurs comme les Entreprises ne sont pas des philanthropes. Donc leur réaction  est rationnelle. Car, renforcer ses fonds propres est le premier pas vers l'investissement. Surtout dans un environnement où le crédit est rare et cher. C'est le Président de la République qui n'a pas été rationnel dans….. « sa générosité légendaire » comme disent certains.

Conséquence de cette bourde fiscale, l'Etat du Sénégal ne peut plus revenir sur ses dépenses fiscales  en vertu du principe  économique des biens acquis qui est la pendante du principe juridique de l'intangibilité des droits acquis.Face à cette erreur  fiscale conjoncturelle, l'Etat du Sénégal devra  trouver des solutions structurelles pour  équilibrer son cadrage macro-économique. Car, tout dispositif d'octroi des avantages fiscaux n'est pas sans conséquences sur les ressources publiques puisqu'il constitue un important abandon de recettes pour l'Etat.

Et pourtant, pour attirer les investisseurs et promouvoir l'Investissement, l'Etat du Sénégal avait la solution  à portée de main. Il suffisait tout simplement de créer un fonds d'investissement de 19 milliards et ainsi, viser les entreprises innovantes, citoyennes, niches de croissance pour l'Economie et  créatrices d'emplois pour les booster en lieu et place de cette mesure  généraliste qui ne cadre plus avec la nouvelle tendance des Finances publiques axée sur le binôme Objectif-Résultat. D'autant plus que dans un système économique libéral, il est plus recommandé d'instituer des fonds d'investissement que de recourir à des mesures qui vous lie ad-vitam eternae (à vie).

Ce déficit de plus en plus élevé dans le recouvrement des recettes fiscales avaient amené dans un passé récent, l'Etat du Sénégal à vouloir céder, puis de nantir (hypothéquer) les 9,8%  actions qu'il détient dans le capital social de la Sonatel avant de se raviser. Car, il faut combler le trou. Et ce sont ces genres d'aversion au risque fiscal qui peuvent  amener un Etat à privatiser, libéraliser et brader  des secteurs dits de souveraineté et de monopole. Parce qu'il faut remplir les caisses et il faut investir.

Pour ce qui est strictement de la promotion de l'investissement, l'Etat du Sénégal  fera  mieux d'agir sur les crédits d'impôts, les droits de douanes ou la patente, afin d'obtenir des réactions plus marquées. En 2010, la Douane sera mise à rude épreuve à travers la fiscalité de porte (droits et taxes perçues  aux  niveaux des frontières terrestres, aériennes et maritime). Alors, comme le Sénégal a une économie extravertie (produit ce qu'il ne consomme pas et consomme ce qu'il ne produit pas), c'est le panier de la ménagère qui va souffrir le plus de cette bourde des dépenses fiscales, qui dans d'autres cieux, ont permis  à des pays  (Europe et Usa) de se développer, du fait  d'une aversion au risque du régime de Wade. Il est de la Vie comme il est de l'Economie. Point de rupture. N'est ce pas que l'adage dit «un tiens vaut mieux que deux tu l'auras ».

Mohamadou SY « Siré »

Journaliste économique et financier/Conseiller en Intelligence Economique



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