[ Contribution ] Me Wade, candidat idéal en 2012 ! (par Mody Niang)

« Tant qu’il lui restera un souffle de vie, il (Me Wade) s’accrochera au pouvoir ». Ce sont les propos que « Jeune Afrique » prête au président Abdou Diouf. En tout cas il a parfaitement raison, si c’est bien lui qui a tenu de tels propos. Sa voix est évidemment bien plus autorisée que la mienne. J’ai eu plusieurs fois, bien avant lui, à dire et à écrire que Me Wade aime passionnément le pouvoir, qu’il s’y accrochera tant qu’il tiendra sur pieds, et que son souhait le plus ardent serait d’y mourir, faute de réussir à se faire remplacer par son fils biologique, qui lui assurerait ses arrières. Ce cheval s’étant révélé désespérément  boiteux le 22 mars 2009, Me Wade, n’ayant pas confiance en son « fils d’emprunt », s’est empressé, pour couper l’herbe sous les pieds d’éventuels candidats de son parti ou de sa mouvance qui risqueraient de s’affaiblir avant terme en se tirant dessus, d’annoncer depuis New York sa candidature à la prochaine élection présidentielle.

Me Wade candidat en 2012 ! Rien n’étonnera vraiment plus dans ce pauvre Sénégal dit de l’alternance. Le ridicule n’y tue plus. En 2012, Me Wade aura officiellement 86 ans. Il en aura en réalité 88 car, c’est lui-même qui a révélé à une émission de la Rts, « Confidences autour d’un micro », qu’il est bien né à Kébémer en 1924, et que la naissance sera déclarée deux ans plus tard à Saint-Louis. C’est ce qui explique la fixation de sa date officielle de naissance au 29 mai 1926. Cette information a été donnée, dans sa rubrique « Quelques lignes », par « Nouvel Horizon » n° 496 du 11 au 17 novembre 2005, page 8.

Pour ceux qui prétendent le bien connaître, l’homme qui nous dirige et aspire à rempiler en 2012, serait bien plus âgé encore. Parmi eux, son fils putatif Idrissa Seck qui affirme qu’il a couru derrière le cheval de Cheikh Ahmadou Bamba. Le saint homme est mort en juillet 1927. Abdoulaye Wade devrait être âgé donc, à ce moment-là, au moins de cinq ans. Ce qui situerait sa date de naissance aux environs de 1922. Il aurait alors aujourd’hui presque 90 ans. On pourrait penser que M. Seck exagère peut-être un peu. Considérons donc, pour rester raisonnables, qu’en 2012, il se présentera devant les électeurs à l’âge d’au moins 88 ans.

Un candidat idéal à 88 ans ! Ce n’est vraiment qu’au Sénégal qu’on ose avancer quelque chose de pareil ! Me Wade est déjà, avec Robert Mugabe (qui est loin d’être un exemple), le plus vieux chef d’Etat du monde ! Comment a-t-il alors le courage de se porter candidat à l’élection présidentielle de 2012 ? Comment ses courtisans osent-ils, sans vergogne et sans état d’âme, rivaliser d’ardeur à soutenir bruyamment cette candidature présentée comme idéale, comme de loin meilleure que les autres ? Il est vrai que leur souhait le plus ardent serait qu’il soit encore réélu et qu’ils profitent largement de la période d’incertitude qui s’ouvrirait alors avec un président vraiment grabataire.

Nous ne sommes pas dupes : à 88-90 ans, Me Wade ne contrôlera plus rien et ce sera la bombance pour les mille courtisans, prédateurs et vampires qui gravitent autour de lui et passent le plus clair de leur temps à boire notre sang et notre sueur. Déjà, Me Wade « tue » les vivants à la place des morts. Il lui arrive aussi de ne plus se souvenir d’un de ses plus proches collaborateurs. Rappelons quand même aux bruyants porteurs de la candidature de Me Wade que le président Habib Bourguiba a été destitué, en octobre 1987, pour incapacité physique, intellectuelle, psychique et psychologique, à l’âge de 84 ans ! Le nôtre aura quand même 88 à 90 ans en 2012 ! Sommes-nous suffisamment irresponsables, suffisamment fous pour faire courir à notre pays déjà très mal en point et à ses pauvres générations le très gros risque auquel nous invitent notre vieux président et ses minables courtisans ?

J’invite mes compatriotes à se rappeler ces mots du chanteur Ibrahima Guèye de Pout : « Nit a ngi ci nit ñi, waaye dof a ngi ci nit ñi. » Ce qui pourrait être traduit ainsi en français : « Les fous cohabitent avec les gens de raison. » Je fais table rase du fait que, de temps en temps, on oublie le nom d’un proche collaborateur ou même qu’on « tue » un homme à la place de son frère. Il y a, cependant, des déclarations et des engagements qui passent apparemment pour anodins, mais qui sont lourdement chargés de symboles et qu’un nit njaay ne ferait jamais. Comment un nit, un homme doté de raison peut-il s’engager à réaliser un tramway pour Dakar et sa banlieue en six mois ? Une centrale nucléaire le temps d’un mandat présidentiel, même de sept ans ? Trois Tgv en quatre ans (2007-2011) ? Un train à grand écartement Dakar-Ziguinchor-Tambacounda en quinze mois, y compris le temps d’études (4 mois) ? Comment un nit peut-il passer le plus clair de son temps à couvrir de lauriers son fils et à lui confier les plus hautes responsabilités, pendant qu’il charge et humilie sans état d’âme ceux des autres ? « Man, sa ma doom ji, ku loxoom set la, ku jub la te ku am xamxam la », a-t-il tenu à dire de son fils chéri, à Touba, devant le Khalife général des Mourides. En d’autres termes, son fils vraiment bien aimé est honnête, intègre et compétent. Notre vieux président avait oublié que, quelques jours auparavant, au cœur du palais de la présidence de la République, alors qu’il y recevait le même khalife conduisant une forte délégation, il a copieusement rabroué les fils (présents) de son illustre hôte. C’était le 19 juillet 2008, si mes souvenirs sont exacts.

Comment un nit njaay peut-il prétendre et le répéter à l’envi, que des onze à douze millions de Sénégalais et de Sénégalaises, il est seul capable d’être président de la République ? Lui-même ou, à la rigueur, son fils chéri qu’il cherche à nous imposer coûte que coûte ?

Me Wade n’est sûrement pas conscient des énormes dangers qu’il veut nous faire courir en sollicitant nos suffrages en 2012. Va-t-il brader les intérêts de tout un peuple, de tout un pays contre ses intérêts propres et ceux de sa famille nucléaire ? Les Wade n’ont-ils pas déjà amassé suffisamment d’argent pour aller couler de vieux jours dorés à Besançon, au bord du Lac Léman,  à Andorre ou au Liechtenstein ? L’homme qui nous dirige va-t-il se laisser mener par les vautours et les vampires qui l’entourent, et dont la seule préoccupation est de continuer tranquillement de jouir des délices du pouvoir libéral ? N’aurait-il pas plutôt intérêt à s’inspirer de l’exemple de deux grands hommes, dont il se réclame d’ailleurs bruyamment de l’héritage du second : le général de Gaulle et le président Senghor. L’illustre général faisait remarquer avec sagesse qu’il « vaut mieux partir cinq ans trop tôt qu’une minute trop tard ». Quant au premier président de la République du Sénégal, il répondait ceci à certains de ses compatriotes qui l’incitaient à rester au pouvoir (je cite bien sûr de mémoire) : « A 74 ans, je ne me sens pas déjà très mal sur le plan de la santé. Cependant, à cet âge-là, on n’est plus maître de tous ses reflexes. Or, gouverner un pays, ce n’est pas rien. »

Tout indique, malheureusement, que Me Wade n’est ni l’un ni l’autre, et ne s’inspirera de l’exemple d’aucun d’eux. Il déploie déjà sa stratégie, en ratissant d’abord très large, en ne tenant compte d’autres considérations que de son objectif : se faire réélire ou faire élire un homme de confiance qui couvrira d’un voile épais les graves forfaits de sa nauséabonde gouvernance. Aminata Tall l’a traité de tous les noms d’oiseau pendant plusieurs mois ; il la fait revenir quand même et lui confie un poste stratégique. Pour ne pas courir le risque que l’Apr continue de gagner du terrain dans la Région de Matam, il rappelle au gouvernement le très mauvais gestionnaire Adama Sall. Ses militants menaçaient d’aller militer à l’Apr et le président-politicien a pris peur. Il en avait fait de même avec le très amorphe Issa Mbaye Samb, dont les militants de Kébémer s’étaient permis d’occuper la route nationale n°1 et même – sacrilège – de brûler publiquement le drapeau national. Le très tonitruant et très activiste Aliou Sow a été récompensé : il a été nommé Ministre de la Décentralisation et des Collectivités locales. N’est-ce pas de son « école », le « wadisme », qu’est partie l’idée rétrograde et saugrenue de la suppression du second tour ? N’est-ce pas lui qui, le premier, à la parution de « Contes et mécomptes de l’Anoci » d’Abdou Latif Coulibaly, a déclaré précipitamment, sans même l’avoir lu en diagonale, que « c’est un ramassis de coupures de journaux », pendant que les deux principaux intéressés se sont gardés jusqu’ici d’ouvrir la bouche ? N’est-ce pas lui, toujours lui, qui menaçait de « combattre férocement Idrissa Seck et Macky Sall, au cas où ils refusaient de s’aligner derrière Me Wade ». C’est terrible ça !

Bref, Me Wade l’a récompensé pour fidélité. Dans le même ordre d’idée, Mamour Cissé est élu vice-président de l’Assemblée nationale et s’est immédiatement attelé à vulgariser la candidature de Me Wade dans la banlieue. Il devenait très critique et commençait à flirter, au moins en apparence, avec Benno Siggil Senegaal. Bamba Ndiaye et Me El Hadj Diouf sont secrétaires élus de l’Assemblée nationale. Le premier s’est signalé, ces temps derniers, par ses positions singulières par rapport à la gestion de l’Anoci. Le second tirait sans désemparer sur Me Wade et sur sa mouvance. Comment vont-ils désormais se comporter ? Nous verrons avec le temps. Mamour Cissé lui, a déjà donné le ton.

Me Wade ne s’arrête pas en si bon chemin : il paraît que ses négociations avec le « serpent venimeux » sont très avancées. Des journaux annoncent le retour en force d’Awa Gueye Kébé et la nomination de M. Seck comme vice-président. Pour ce qui me concerne en tout cas, j’attends les deux compères au tournant : ils nous diront ce qu’est devenu le « magot », quel en est le montant, quel en est l’origine, ce qu’ils ont décidé finalement d’en faire. Nous avons beau être amnésiques, nous ne laisserons pas passer facilement cette opportunité.

Le vieux président Wade travaille donc, d’ores et déjà, à mettre tous ses œufs dans un même panier, pour le voyage parsemé d’embuches vers 2012. Des compatriotes, trop optimistes, le donnent déjà vaincu dans tous les cas. Je ne partage pas du tout leur optimisme. Cet homme ne devrait normalement avoir aucune chance en 2012, même s’il avait un bon bilan à présenter. Ce qui est loin d’être le cas. A 88 ans, il a son avenir loin derrière lui. Cependant, sait-on jamais avec cet homme ?

Benno Siggil Senegaal, toutes les autres parties prenantes des Assises nationales, les organisations de la société civile et tous nos compatriotes soucieux de l’avenir de notre pays au-delà de 2012, devraient se donner la main et travailler dur et de façon méthodique, pour chasser les Wade du pouvoir. Dans cette perspective, aucune note ou voix discordante ne devrait être souhaitée. Le rôle de chacun et de chacune d’entre nous du camp opposé à celui qui dirige le pays de la manière que l’on sait, est de travailler à l’unisson. Ce rôle ne me semble malheureusement pas être toujours bien compris par certains de notre camp, qui donnent l’impression de ramer sciemment à contre courant. C’est le cas, notamment, de deux compatriotes, dont je me garderai bien sûr de citer les noms ici, qui donnent l’impression de travailler manifestement contre Benno Siggil senegaal et au profit du camp adverse. A quelle(s) fin (s) ? Je n’en sais rien. On ne sait jamais avec Me Wade et ses sbires : ils sont riches comme Crésus et ne reculent devant aucune vilénie. 

MODY NIANG, e-mail : [email protected]