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QUELLES PRIORITÉS POUR LE SENEGAL - Des députés ou des médecins ?

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QUELLES PRIORITÉS POUR LE SENEGAL - Des députés ou des médecins ?

Ceux qui actuellement dans le pays s’agitent pour défendre le projet d’augmentation du nombre de députés ne brandissent qu’un seul «argument» : le nombre de députés doit suivre l’augmentation de la population.

En toute logique, lorsque la population augmente, de nouveaux besoins sont à satisfaire dans la nomenclature des biens de consommation : alimentation, habillement, logement, santé, éducation, transport et communication, loisirs sains. Ils viennent s’ajouter à la liste déjà longue des besoins de même nature qui n’étaient pas satisfaits pour la majorité des populations. N’oublions pas que selon le très officiel «Document stratégique de réduction de la pauvreté», au Sénégal, 65 pour cent de la population vivent (ou plutôt survivent) en dessous du seuil de pauvreté. Mais les partisans du «plus de députés» n’en ont cure.

En plus, ils ne peuvent se référer à aucune norme internationale, ayant valeur de recommandation, qui relie l’importance de la population avec le nombre de députés. Parce qu’une telle norme n’existe nulle part. La tendance actuelle est plutôt à la rationalisation des dépenses publiques dans les économies bien gérées.

Par contre, il existe une norme internationale, celle là, dite de «idensité médicale», établie par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), comme suit : chaque pays devrait, pour 100 000 habitants disposer d’un minimum de 20 médecins et d’un minimum de 100 pour le personnel infirmier. Où en est le Sénégal ? Selon les statistiques de l’OMS, pour l’année 2004, le Sénégal est au nombre de 6 pour les médecins, et 32 pour le personnel infirmier. Bien, bien loin du compte. Sans compter que ce corps médical est pour l’essentiel concentré à Dakar, et travaille dans des conditions d’infrastructures effroyables. Pendant que les dignitaires de ce régime vont allègrement se faire soigner à l’extérieur avec l’argent public, laissant aux goorgoorlu ces mouroirs qu’on pare encore du nom d’hôpitaux.

Des quidams dont le seul haut fait d’armes est d’être militants du parti au pouvoir, sont envoyés à l’Hôpital Américain de Paris, au coût que l’on peut imaginer. Il est vrai que les hôpitaux marocains reçoivent maintenant une partie de ces malades de luxe. Et pourtant, depuis plus d’une vingtaine d’années, un grand nombre de jeunes marocains font leurs études de médecine à l’Université de Dakar. Ces médecins marocains seraient par enchantement devenus plus compétents que leurs formateurs sénégalais ? En réalité, la différence se situe au niveau de l’équipement des hôpitaux. En plus au Maroc, pour 100 000 habitants, le nombre est de 51 pour les médecins (au moins 8 fois plus que le Sénégal), et de 78 pour le personnel infirmier.

Sur ce plan, un exemple qui mérite d’être médité est celui de Cuba. Il est à citer, parce que le régime cubain actuel a été mis en place en 1960, au moment des indépendances africaines. En 2004, pour 100 000 habitants, le nombre est de 591 pour les médecins, et de 744 pour le personnel infirmier. Ce qui place Cuba avant les Etats-Unis et le Royaume-Uni. Si à Cuba le nombre de médecins pour 100 000 habitants est de 591, la même année, on trouve 594 médecins au Sénégal pour l’ensemble de la population. Cuba compte 66 567 médecins au total, soit 112 fois plus que le Sénégal, alors que les deux pays ont à peu près le même nombre d’habitants. Il n’est pas étonnant que l’espérance de vie des Cubains soit de 77 ans (comme aux Etats-Unis), et que celle des Sénégalais soit de seulement 59 ans. C’est Cuba qui vient en assistance médicale à la République Sud-africaine. Récemment la presse internationale a annoncé à grand fracas l’hospitalisation du leader cubain pour subir une intervention chirurgicale délicate. Ce que cette presse a omis de préciser, c’est que cette intervention s’est faite à Cuba, dans des hôpitaux cubains, et avec réussite. Quel est le pays d’Afrique où le Chef d’Etat subirait une telle opération sur place ? Sûrement pas ici, ou même pour une banale opération de cataracte ou pour une voix enrouée, on va en France.

Alors, objectivement, le Sénégal a-t-il plus besoin de députés que de médecins ? Après l’augmentation récente de l’indemnité parlementaire (multipliée par 2), un député est actuellement deux fois mieux payé qu’un médecin d’hôpital. Et l’on s’émeut en haut lieu, que des médecins sénégalais aillent monnayer leurs talents ailleurs, sans rien faire pour les retenir sur place. Combien de malades, de femmes sur le point d’accoucher, meurent tous les jours lors de leur transfert dans des moyens de transport de fortune comme les charrettes, faute d’ambulances, pendant que le régime importe des centaines de voitures 4x4 destinées à des politiciens ?
Tout le monde sait à quoi servent nos médecins et leurs collaborateurs. Mais à quoi servent nos députés ? Lors de la fronde des 14 députés du parti au pouvoir, un journaliste de la cour avait révélé dans un de leurs nombreux organes de publication à tirage confidentiel et financés sur fonds publics, que le meneur des frondeurs n’avait pas mis les pieds à l’Assemblée nationale depuis deux ans. Mais il n’était pas le seul dans ce cas. Les statistiques de présence lors des séances de l’Assemblée livrées par la presse sont là : les députés dans leur grande majorité (du pouvoir comme de l’opposition) y brillent par leurs absences ; ce qui ne les empêche pas de passer à la caisse à la fin du mois. Et l’on veut augmenter leur nombre alors qu’ils sont déjà de trop, après avoir doublé leurs indemnités ! Quel est le membre du corps médical, ou l’enseignant, pour ne citer que ces exemples, qui ose déserter son poste de travail, ne serait-ce qu’une semaine ? Mêmes ceux des députés qui sont assidus aux sessions, quel travail effectif et efficace font-ils ? Le journal «Sopi», dans un passé pas si lointain que cela, ne se privait pas d’ironiser sur la «Chambre d’applaudissement» en direction de l’Assemblée nationale lorsqu’elle était d’une autre majorité. A part le changement de majorité, quel changement a-t-il été constaté ?

Dans un article du journal «Fagaru», il y a de cela plus de 20 ans, je suggérais (la suggestion tient toujours) que la fonction de député soit bénévole ; que le député qui est en principe un défenseur du peuple, donc des travailleurs, aille lui-même travailler dans le cadre de son métier, pour ne toucher que des indemnités modestes de session, au lieu de se faire grassement entretenir par les véritables travailleurs. Ce qui présenterait trois avantages : économies budgétaires (que l’on pourrait orienter vers la santé et l’éducation, sources du capital humain premier facteur de développement), réduction de l’absentéisme, et moins de querelles lors des investitures. Il n’est pas besoin d’être grand clerc pour savoir que c’est à ce seul dernier niveau que se situe la volonté d’augmenter le nombre de députés, et aussi de créer un Sénat, après le Haut Conseil de la République, toutes des institutions aussi coûteuses que sans le moindre intérêt pour le pays. Quel respect pour ces citoyens nombreux qui avaient voté l’actuelle Constitution dans laquelle il est dit que (pour raisons d’économies budgétaires), le Sénat et le Conseil économique et social, créations du régime antérieur sont supprimés ?

Une bonne partie de l’argent public n’est donc là que pour financer une clientèle politique, aux seules fins de se maintenir au pouvoir ? On n’aurait pas eu besoin de recourir à ces méthodes indécentes, immorales, si la demande sociale avait reçu seulement un commencement de satisfaction. Il se trouve que les priorités de ce régime ne sont pas celles des Sénégalais dans leur immense majorité. Il est vrai que le chef de l’Etat, peu après sa prise de fonction avait fait cette déclaration livrée par «Le Soleil»: « la demande sociale, je ne sais pas ce que c’est». Il y a de cela deux ans, de retour d’un sommet des chefs d’Etat de la sous-région tenue à Ouagadougou sur la réduction de la pauvreté, sa première déclaration à l’aéroport fut : «Je vais augmenter les salaires des ministres». Raison invoquée : les ministres ivoiriens sont mieux payés que les ministres sénégalais. Comme si les fonctionnaires et agents de la fonction publique du Sénégal étaient au même niveau de rémunération que leurs homologues ivoiriens. Comme si le Sénégal était au même niveau de richesse que la Côte d’Ivoire. Autre exemple de renversement des priorités: dans le quartier de Fann-Résidence, l’immeuble le plus somptueux est le nouveau Ministère de la Santé. Tout près, le bloc des maladies infectieuses de «l’hôpital»croule sous le poids de la vétusté, faisant plutôt penser à un abri médical de temps de guerre

Lorsque l’argent public ne va ni dans le social, ni dans l’économie, il prend la pente du gaspillage. Un phénomène qui dans toute l’histoire du Sénégal n’avait jamais atteint une telle ampleur que sous le régime actuel. Aucun pays ne peut se développer dans le gaspillage. Lorsqu’on se targue du titre d’économiste, on devrait pour une fois au moins dans sa vie aller lire les classiques de la discipline et retenir leurs leçons. Le bon vieux Malthus, qui n’était pourtant pas un doctrinaire du productivisme, reconnaissait dans ses «Principes d’Economie Politique» que «avec un sol ingrat et une population peu industrieuse, vouloir entretenir une classe de consommateurs improductifs serait vouer à l’abandon la culture de beaucoup de terres et conduirait infailliblement à l’appauvrissement et à la ruine du pays».



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