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Economie

MAL GOUVERNANCE AU SENEGAL : La gestion à deux vitesses

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MAL GOUVERNANCE AU SENEGAL : La gestion à deux vitesses

La mal gouvernance persiste. Elle s’est même accentuée depuis 2000 du fait que deux modes de gestion se disputent l’espace public au Sénégal. L’un formel avec ses instruments et mécanismes de contrôle et d’évaluation qui permettent de détecter relativement tôt les travers, d’en minimiser les effets pervers et qui favorisent par conséquent la transparence, la participation des citoyens, le respect des normes et procédures de gestion des finances publiques qui se soumettent au système de contrôle en vigueur. L’autre complètement « informel » encourage la mal gouvernance, privilégie l’opacité. Une gestion à deux vitesses qui inquiète les partenaires au développement, déconstruit la rationalité de l’Etat.

La mal-gouvernance persiste. Elle leste les efforts de développement. Parallèlement aux poussées de transparence soutenues par des outils de gestions éprouvés, notés pourtant au niveau de l’Administration, s’est développé en effet, constatent plusieurs observateurs, un cadre informel où s’énoncent principalement les « grands projets ou ce qui s’apparente plutôt à de simples idées de projets » du chef de l’Etat. Il n’en est pas moins le lieu d’énonciation et de formulation des projets présidentiels, grands et petits ainsi que ses outils de gestion, notamment les Agences dites autonomes qui se sont multipliées.

Le tout au service d’un agenda politique que stigmatise l’opposition. L’antagonisme qui découle de ces deux modes de gouvernance de la chose publique s’est prononcé depuis 2000. Il plombe le développement et semble être le lit de la corruption et la concussion qui gangrènent les mœurs politiques. Il préoccupe bailleurs de fonds et institutions financières mondiales, désole les citoyens de plus en plus informés.

Ce mode de gouvernance « informel » paraît avoir pour principaux caractéristiques : la faiblesse de la qualité de la formulation des projets et le fait que ceux-ci échappent, le plus souvent, à l’approbation de la représentation parlementaire parce qu’ils ne sont pas soumis à son jugement. C’est le cas notamment du « programme » ou des « réalisations », c’est selon, de l’Agence nationale de l’organisation de la conférence islamique (Anoci). De la Grande offensive agricole pour la nourriture et l’abondance (Goana) qui a nécessité pour sa première année selon une révélation du chef de l’Etat en personne, dans son adresse à la nation du 3 avril dernier, 345 milliards de Fcfa, soit près d’un cinquième du budget national. Argent tiré dans quelle caisse de l’Etat avec l’autorisation de qui ? Du plan « Rêva ».

De l’Agence contre les inondations, du plan « Jaxaay », bref de toutes ces agences spécifiques qui foisonnent depuis 2000. Tonneaux de danaïdes pour les ressources nationales que les générations futures devront rembourser jusqu’au dernier centime pour les emprunts faits en leur nom sans en tirer un quelconque bénéfice !

Cette démarche qui n’intègre généralement pas le secteur privé national formel, fait appel le plus souvent à de « faux fonctionnaires », véritables affairistes dont l’objectif au cœur de ces projets semble être plus de créer des richesses « fast-food » qu’autre chose, signale Mahamadou Bodj du Forum civil. Un mode de gouvernance bâti, indique-t-il, sur un double socle : Premièrement, émerveiller les Sénégalais dans le dessein de pérenniser le régime. Deuxièmement, trouver moyen d’un enrichissement rapide et sans cause pour des affidés.

L’arrivée dans des conditions jugées opaques par plusieurs observateurs d’un opérateur dit économique touche-à-tout, du ciment au sucre, dont on attend encore de voir les unités de production construites au Sénégal, la fameuse cité chinoise « Kawsara » qui se cherche encore espace d’expression et de réalisation, face à la levée de boucliers des populations qu’elles soient du célèbre quartier de Rebeuss. Ou des autres sites ciblés dans la capitale pour accueillir le projet.

Tout comme le village de l’Organisation de la Conférence islamique (Oci), une requête, dit-on, « suprême » du Royaume d’Arabie Saoudite pour loger ses Cheikhs de mandataires à l’occasion du sommet dakarois, qui n’a pas vu le jour jusqu’ici, mais qui aura permis d’aliéner au prix dérisoire de 7500Fcfa/m2 29 hectares de terre du domaine national aux abords de la mosquée de la Divinité à Ouakam. Le promoteur « désigné », à son corps défendant, n’aurait rien réclamé, clame son architecte qui le dédouane ainsi, mais entre temps, l’Etat aurait selon certaines estimations de Hauts fonctionnaires qui ont requis l’anonymat, fait son deuil de plus de 75 milliards de Fcfa à ce niveau.

La construction au sommet d’une des mamelles de Ngor du monument géant de la Renaissance africaine au coût estimé de 11 milliards de nos francs dans le pur style de la vénération coréenne du « Grand Leader bien aimé » Kim Il-Sung, le père de Jong-il, « le cher dirigeant ». Un projet qui procéderait d’un troc : des hectares de terres bazardés « à vil prix ? » contre un monument dont les mauvaises langues apparentent à la symbolique maçonnique. Au passage le ou les intermédiaires se sucrant. L’opinion n’a pas, jusqu’à plus amples informés, pris connaissance d’un quelconque appel d’offres pour la construction dudit monument. Encore moins d’une levée de fonds par les canaux classiques d’obtention de crédits.

Les tours « Karafi » etc. La liste n’est pas exhaustive. Tout cela procède de cette autre manière de gestion des affaires de la cité et se trouve être le lit de la mal gouvernance qui inquiète les partenaires au développement, l’opposition politique, la société civile et une opinion citoyenne plus avisée que jamais.

Si l’Administration centrale principalement se conforme plus aux règles de la comptabilité publique, aux mécanismes et instruments de gestions approuvées et éprouvées, certaines agences généralement « autonomes » qui ont fait florès depuis 2000, les Grands travaux et l’agenda politique prêté au président de la République échappent à cette ordonnance de la bonne gouvernance. Ces deux modes de gestion des deniers et avoirs publics aux objectifs parfois complètement opposés cheminent et s’opposent au Sénégal. Une situation qui favorise la nébulosité et constitue le lit de la corruption et de la concussion. Bailleurs et Institutions financières inquiets

Les bailleurs de fonds et les institutions financières internationales parmi lesquelles, le Fonds monétaire international (Fmi), la Banque mondiale et la Commission économique de l’Union européenne pour ne citer que ceux-là, partenaires au développement sont attentifs à la gouvernance sénégalaise, à l’utilisation des deniers mis « pas si, il est vrai, gracieusement que ça » à la disposition du pays. Ils ne sont pas cependant moins inquiets de la gestion à deux vitesses qui a cours au Sénégal et dont l’antagonisme s’est accentué depuis 2000.

Le dédoublement qui en découle déconstruit la rationalité de l’Etat rend illisibles les politiques gouvernementales. Les partenaires traditionnels au développement sont délaissés ou « joints » à d’autres connus pour être moins regardants sur la transparence et la régularité des marchés publics, des financements, de l’utilisation et de l’emploi des fonds alloués, épinglés par Transparency international récemment comme étant parmi les plus grands corrupteurs du monde. On recrute dans cette catégorie plusieurs des nouveaux amis du Sénégal.

Depuis l’avènement du pouvoir dit libéral, on assiste à « une informalisation » poussée dans la conduite des affaires publiques et dans la gestion des deniers de l’Etat, notent plusieurs observateurs, notamment d’Organismes non gouvernementaux (ONG) qui s’intéressent aux questions de gouvernance, parmi lesquels, le Forum Civil, la Raddho etc. Ils se désolent, ces observateurs, du fait que ce cadre informel de gestion reste privilégier pour la formulation ainsi que la pilotée des projets présidentiels.

Cela au détriment du cadre, lui formel, qui fournit à l’Administration centrale, outils de gestion, mécanismes de contrôle et d’évaluation. Des moyens qui minimisent les fautes de gestion même si, on a noté, les contournements possibles parfois empruntés sur « réquisition » dans ce domaine avec notamment ce qu’on a appelé pudiquement : « dépenses hors budget ou dépassement budgétaire » de plus d’une centaine de milliards de Fcfa occasionnant une dette intérieure qui avait défrayé la chronique le dernier trimestre de l’année dernière et que l’on peine jusqu’ici à « régulariser » totalement.

Le Fmi par le biais de son représentant résident au Sénégal, s’était récemment ému de la situation dans le secteur de l’Energie et s’en était publiquement plaint. A-t-il depuis reçu des assurances dans ce secteur où l’on a considérablement investi ces trois dernières années ? On parle de plus de 500 milliards de Fcfa investis qui demandent à être consolidés et sécurisés.

Le Sénégal est doté pourtant au plan formel d’instruments gestion et de mécanismes de contrôle. Mieux, la mise en œuvre des politiques de stabilisation depuis la fin des années 1970, suivies des premiers programmes d’ajustement structurel au milieu des années 80, a contribué à améliorer le cadre macro-économique que les revues périodiques corrigent, confortent ou réorientent.

Même si les performances économiques restent encore en deçà des espérances, Mahamadou Bodj du Forum civil fait observer qu’on a assisté depuis quelques années maintenant« à une centralisation de l’effort national chez l’ordonnateur des dépenses, notamment le ministère de l’Economie et des finances, une formulation des outils de gestion et de transparence, une institutionnalisation de la participation de la société civile comme observateur attentif et critique ».

Selon le militant de la bonne gouvernance et Droit de « l’hommiste » bien connu, « le Sénégal a initié en 2000, après l’adoption de son document intérimaire, un processus participatif de préparation d’une stratégie de réduction de la pauvreté fondée sur une croissance redistributrice et la satisfaction des besoins de base des populations pauvres ».

Pour M. Bodj, « le consensus autour de cette stratégie met l’accent sur la nécessité d’une mobilisation des décideurs politiques, des acteurs nationaux et des partenaires au développement pour lutter contre la pauvreté et l’exclusion à travers l’établissement d’un lien étroit entre la réduction de la pauvreté, le progrès économique et le renforcement des capacités. Du fait du processus participatif qui fonde sa légitimité, le DSRP est le cadre de référence de toutes les interventions de tous les acteurs. Il sert de base pour l’élaboration des plans sectoriels de développement et des programmes d’investissement, ouverts à l’information des bailleurs ».

Et Mahamadou Bodj de rappeler « que c’est l’Etat lui-même qui a édicté en 2000 que la Dsrp était le cadre de référence de toutes ses interventions. C’est le même Etat qui fait preuve de duplicité dans la démarche en formulant un mode de gérance concurrentielle, totalement en dehors de toutes normes et procédures de gestion des finances publiques qui se soumettent au système de contrôle en vigueur ».

Exigence de transparence

Les travaux de l’Agence nationale de l’organisation de la Conférence islamique (Anoci), la gestion de la structure et son impact dans les avancées ou déséquilibres institutionnels du pays attendent encore d’être audités un an après le sommet et au moment où on s’apprête à enterrer l’Agence. Pour Alioune Tine de la Rencontre africaine des Droits de l’Homme (Raddho), « les gens doivent rendre compte. C’est une exigence absolue dans le cadre de la nécessaire transparence pour et dans la gestion des affaires publiques. Même s’il existe des audits internes au niveau par exemple de l’Anoci, ce qui est une bonne chose en soi, cela ne doit pas empêcher des audits indépendants. Cela est indispensable ». Pour le responsable de la Raddho, « cette exigence de transparence, on ne peut pas y couper où l’on se trouve aujourd’hui sur la planète. Les crimes économiques comme les crimes de guerre se sont internationalisés aujourd’hui.

L’impunité est de plus en plus difficile à obtenir ». Il n’en veut pour preuve que « le gel et la culpabilisation de chefs d’Etat, notamment africain en Europe pour crimes économiques au détriment de leurs peuples et de leurs pays ». Des actions qui ont été intentées par Transparency international. S’il se désole du fait que l’on semble, dans ce domaine, assister à une autre forme de colonisation « juridique », il n’en pense pas moins qu’il faille renforcer « l’indépendance et les moyens de nos juridictions pour connaître de ces crimes et les punir, une fois que c’est avéré, comme il se doit ». Sinon, « d’autres le feront à notre place ».

Selon lui, ce n’est pas pour rien que le président de « Transparency international » soit un ancien de la Banque mondiale, car de plus en plus les organisations internationales et les bailleurs de fonds sont attentifs quant à l’utilisation des fonds qu’ils mettent à la disposition des pays intéressés. Il s’y ajoute qu’avec la crise qui n’épargne personne, les opinions publiques des pays, donateurs ou prêteurs sont de plus en plus sourcilleuses dans ce domaine. Elles exigent une comptabilité rigoureuse des sous que leurs gouvernements utilisent, notamment dans le cadre de la coopération internationale. À entendre le dirigeant « Droit de l’hommiste », on rendra compte un jour ou l’autre. Un homme averti…



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