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Economie

PLEIN SUD: Contrats rompus

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PLEIN SUD: Contrats rompus

Jeudi dernier, dans les bureaux feutrés de la Banque mondiale à la Place de l’Indépendance. Le directeur des Opérations échange avec la presse locale sur la situation économique du Sénégal et sur les interventions de la Banque dans notre pays. Personne dans l’assistance ne peut soupçonner qu’au même moment le hasard illustrait ses propos. M. Madani Tall évoquait le paradoxe de l’offre de vieux débris à la place de taxis confortables pour le touriste qui sort de l’aéroport Léopold Sédar Senghor ou de son hôtel cinq étoiles dakarois dans un pays qui ambitionne de capter un million d’entrées annuelles. Sans être des touristes, nous autres Sénégalaises répugnons de la même façon à emprunter ces taxis déguinglés et dépourvus de propreté et de sécurité. C’est dire que nous comprenons le souci du directeur des opérations de la Banque mondiale.

Ce même jeudi matin, deux couples de touristes espagnols et leur chauffeur sénégalais perdaient tragiquement la vie dans un accident de taxi clando justement. Ce n’est pas seulement d’avoir pris un vieux taxi qui a causé cet événement mortel. Il y a aussi le mauvais état de la route, qui a poussé le chauffeur débrouillard à rouler imprudemment sur la voie de gauche. De même, le manque de professionnalisation, d’organisation et de modernisation d’un secteur économique pourvoyeur de devises. Ce ne sont pas les seules lacunes et manquements qui grèvent l’image du secteur du tourisme sénégalais.

Prenez le village artisanal de Soumbédioune. Si vous n’êtes pas de Dakar, vous pouvez passer cent fois devant sans savoir que c’est le temple de l’artisanat et du tourisme. De l’amateurisme ! Rien n’indique, en dehors d’une misérable enseigne, que vous pouvez acheter ici des souvenirs et des cadeaux pour votre retour au pays. Si ce n’était pas inscrit dans le circuit de la plupart des tours opérateurs, les étrangers ne sauraient pas que des artisans fabriquent ici à la main des objets qui peuvent être de grande beauté. Voyez le parking du village artisanal, il est sale, repoussant et encombré. Il n’est même pas dallé. Ceux qui protestent de la chose auprès du ministère du Tourisme s’entendent dire que le village artisanal de Soumbédioune dépend du ministère de l’Artisanat. C’est aberrant !

Me Wade, notre président bien aimé, pourrait relever ce hiatus et remettre les choses en ordre. Dans les pays africains du Nord et de l’Est, qui sont les plus grands marchés touristiques sur le continent, et particulièrement en Tunisie que je connais assez bien, les millions d’entrées annuelles de touristes européens s’expliquent par une volonté politique bien affichée et des choix cohérents. Le touriste et l’artisanat sont inséparables. En dehors de la plage et de la gastronomie locale, la fréquentation des échoppes d’art et d’artisanat local et des lieux de culture est l’activité la plus attendue. Le touriste ne pouvant pas manquer d’acheter des souvenirs de vacances, pourquoi ne pas en faire un seul et même département ministériel ? Bien entendu, dans ces pays touristiques, l’artisanat et les objets d’art ont une forte valeur ajoutée. Ils sont jolis et très bien finis à la main. Il ne s’agit pas de fabriquer n’importe quel gadget pour que cela ait une valeur exportable. Il faut y mettre le cœur et le goût du bien fini. Au Sénégal, le tourisme est un véritable gâchis avec les malfrats et les vendeurs qui assaillent le touriste jusqu’à l’écœurement. Ce n’est pas étonnant que le taux de retour des touristes soit inférieur à 10 %, selon Madani Tall.

Le directeur des opérations de la banque mondiale a utilisé un langage très diplomatique pour présenter ses vues sur les politiques publiques du Sénégal. Cela se comprend en raison de sa position qui lui impose la neutralité. Madani Tall a exprimé dans un registre onusien sa « préoccupation », son « inquiétude » quand il ne se dit pas « extrêmement réservé ». En français, il faut traduire qu’il y a de la rupture de contrat dans l’air et que le consommateur sénégalais a du souci à se faire. L’autoroute à péage et la plate-forme de Diamniadio sont les seuls projets du gouvernement qui ont sa faveur : « la Banque mondiale y croit », dit-il. Tant mieux. Mais il reste à convaincre le partenaire Etats-Unis dont une récente mission d’inspection conduite par le fameux député Kolbee a émis de sérieux doutes sur la viabilité du projet de Diamniadio et de la poursuite du partenariat.

Pour ce qui est du secteur électrique, Madani Tall ne prend pas de gant pour exprimer que la Senelec a opéré des choix techniques différents des engagements pris devant le conseil d’administration de la Société financière internationale, filiale de la Banque mondiale. « Dakar risque d’être bientôt dans le noir », affirme-t-il, sans ménagement. Il n’a pas tort. Dans les maisons, nous subissons délestage sur délestage. Dans les entreprises de presse, nous restons jusqu’à minuit sans électricité. Bonjour, les dégâts ! Le ministre de l’Energie a répliqué chez nos confrères de l’Observateur, en parlant de « confusion » à propos de la critique de la Banque mondiale. Nous ne sommes pas du tout rassurés par les assurances de Me Madické Niang. En revanche, les critiques de Madani Tall nous semblent plausibles et vraisemblables à propos des errements de la Senelec. Nous craignons de nous retrouver complètement dans le noir comme dans à Monrovia ou Fretown.

Notre sang n’a fait également qu’un tour lorsque la Banque mondiale nous a informé d’une autre mesure pas satisfaisante du tout, prise par le gouvernement du Sénégal. Figurez-vous que la nouvelle Sonacos, qui est une société privatisée, est indûment protégée par le gouvernement aux dépens des consommateurs que nous sommes. Le ministère du Commerce a introduit une loi qui protége la Sonacos contre l’importation de toutes les huiles végétales. Alors que la Sonacos n’a même pas été capable d’acheter l’arachide de nos paysans cette année. Ce qui avait drôlement retardé l’ouverture de la campagne arachidière et obligé le gouvernement à fournir poussivement 15 milliards de francs Cfa pour suppléer la nouvelle Sonacos. Résultat, l’huile pourtant produite au Sénégal coûte cher et ce sont les gorgorlus qui paient les pots cassés. Dans beaucoup de secteurs de l’économie nationale, de telles aberrations existent aux dépens du consommateur et au profit exclusif de l’investisseur privé et de ses amis du pouvoir. Me Wade, notre président bien aimé n’a pas tardé à prendre l’exacte mesure des menaces de la Banque mondiale de se faire rembourser si ces ruptures de contrat persistaient. Nous avons aperçu, dès vendredi dernier en milieu d’après-midi M.Madani Tall entrer à la présidence de la République, certainement pour une séance d’explication au sommet.

 



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