Le Directeur exécutif de l’Anoci avait annoncé que le bateau leur a coûté huit milliards de francs Cfa pour le temps qu’il est affreté à Dakar. Claironnant que les journalistes logés à bord aideraient à amortir les frais. Un calcul élémentaire montre que c’est loin d’être le cas. Ce mystère s’ajoute aux rumeurs fortes sur une surfacturation du montant annoncé.
Le Msc Musica, le navire loué pour une semaine par l’Anoci, est déjà à Dakar. D’un luxe tape-à-l’œil, le navire a tout pour épater le petit journaliste sénégalais qui foule le pied pour la première fois dans un décor aussi luxueux. Pour y accéder, il faut d’abord passer les gendarmes qui gardent l’entrée du Port, et ceux qui sont postés devant la cloture constituée de containers qui entourent le Msc Musica et le bateau marocain Msc Marrakech, appartenant à la Comanav, filiale du groupe français Cma-Cgm. On tombe ensuite devant trois portiques de sécurité, placés à des distances d’un peu plus d’une centaine de mètres. Partout, il faut montrer patte blanche, ou faire demi-tour. Une fois les tracasseries terminées, on accède au pont du navire, au 5e niveau, à la réception.
Et déjà à ce point, le visiteur se rend compte qu’aucun hôtel de Dakar ou de Saly Portudal ne peut encore rivaliser avec pareil luxe. De quoi inciter à penser que le prix qui a été avancé pour sa location était mérité. Mais cela, c’est avant de connaître les tarifs pratiqués pour les croisières du navire.
UN LUXE A 8 MILLIARDS ?
Il y a un mois et demi environ, le directeur exécutif de l’Agence nationale pour l’organisation de la Conférence islamique (Anoci), M. Abdoulaye Baldé, s’exprimant à la télévision nationale, à l’issue de la visite qu’il venait d’effectuer en Italie auprès de l’armateur du bateau, indiquait que celui-ci était loué pour la modique somme de 8 milliards de francs Cfa, pour apporter le supplément de lits qui manquaient pour la réussite du sommet. Et l’adjoint de M. Karim Wade à la tête de l’Anoci ajoutait quelque temps après, que ce coût sera amorti par les frais de location des chambres. On apprenait après quelques jours que les chambres du navire étaient réservées aux journalistes étrangers accrédités pour le sommet, et que chacun allait payer l’équivalent de 200 euros la nuitée.
Les informations recueillies auprès de l’Anoci ajoutent que les occupants du bateau devraient en plus casquer 80 euros pour leur déplacement de leur lieu de résidence, dans l’enceinte du Port, au lieu du sommet, à l’hôtel Méridien Président. Néanmoins, 8 milliards de francs constituent une belle cagnotte, et l’on se demande si les quelques frais grappillés pour les besoins du sommet permettront de tout récupérer, d’autant plus que nombreux parmi les journalistes ne feront que quatre jours à Dakar, arrivant la veille pour répartir au plus tard, le lendemain du sommet des deux jours.
PAS PLUS DE 510 MILLIONS DE PROFIT
Or, à ce prix-là, même si l’on compte que le bateau fait le plein de ses 1275 cabines, pour les quatre jours, la location des chambres ne va rapporter que 510 millions de francs Cfa. Car, les autres services ne sont pas compris, et il faudrait à l’armateur indemniser le personnel qui a été mobilisé pour ce supplément de travail. Le gap est donc énorme pour le prix de la location.
Le mystère s’épaissit encore plus quand on apprend, par diverses sources, que les prix ont été sciemment gonflés, et qu’en réalité, pour la semaine, le Sénégal aurait déboursé bien moins que ce qui a été officiellement déclaré. Une chose avérée, c’est qu’une banque locale, filiale d’une grosse banque étrangère, a aidé l’Anoci à réaliser l’opération, en lui avançant trois milliards de francs Cfa. Par quels moyens l’Anoci a pu compléter le montant qu’elle cherchait, on ne saurait encore l’avancer en ce moment. D’autant plus que d’autres sources affirment que l’Anoci n’aura en fin de compte, pas eu besoin de chercher les 5 milliards supplémentaires, l’armateur s’étant contenté du chèque de trois milliards présenté. Ce qui est certain, c’est qu’un arrangement aura été trouvé, qui devrait permettre, si tout se passe comme prévu, à l’Anoci de ne pas avoir à rembourser la créance de l’institution financière.
478 MILLES EN PENSION COMPLETE
Ces informations suscitent néanmoins, d’autres questionnements. A trois ou à huit milliards, la location du bateau Msc Musica est excessive, au regard des besoins du pays. Encore plus, au regard des tarifs pratiqués par l’armateur sur les croisières que le navire offre sur ses itinéraires réguliers. Sur les sites des différents voyagistes qui offrent des croisières sur la mer Méditerranée, au bord du Msc Musica, on relève que les tarifs, pour la semaine du 24 mars prochain, en pension complète pour huit jours, pour une croisière qui va de Vénise à Corfou, en passant entre autres, par Bari, Mykonos et Dubrovnik, jusqu’au retour à Vénise, pour quelqu’un qui vient de la France, sont de 729 euros, environ 478 000 francs Cfa, pour une cabine intérieure, 915 euros, soit 600 000 francs Cfa, pour les cabines avec vue sur mer. Seules les suites atteignent environ un million de francs Cfa. Or, même en pratiquant des prix équivalents, on est encore loin du compte.
Mais, l’armateur et le voyagiste, en pratiquant ces prix, offrent, en plus du billet Paris-Vénise et retour, des services énumérés sur le site : «Le logement dans la cabine préalablement choisie pendant toute la durée de la croisière, la pension complète à bord, du dîner du 1er soir au petit déjeuner du dernier jour, les taxes portuaires, le cocktail de bienvenue du commandant ainsi que la soirée de gala et son menu spécial, la participation à toutes les activités de détente et animations organisées à bord, les spectacles donnés dans la salle de spectacles, l’utilisation de tous les équipements du navire.»
A côté de cela, qu’offrent Abdoulaye Baldé et son acolyte Karim Wade aux journalistes confinés à l’embarcadère du Môle 1 du Port de Dakar ?
0 Commentaires
Participer à la Discussion