HOSPITALISATION - Le général Lansana Conté retourne en Guinée : Fin d’un suspense d’une semaine

C’est sous les acclamations d’une population ravie de le retrouver que le Président guinéen, Lansana Konté, a débarqué hier à Conakry, après une semaine d’hospitalisation en Suisse. Des moments qu’il a savourés en attendant de tirer toutes les leçons de son séjour helvétique.

Le Président guinéen Lansana Conté est rentré hier dans son pays, sous les hourras de ses nombreux supporters, après un séjour d’une semaine en Suisse où il était «en visite privée et pour un contrôle médical», selon la version officielle. Reste à savoir si tous ses adversaires qui riaient sous cape au cours de ces derniers jours vont sortir indemnes de la partie d’échecs qui ne fait que débuter ?

Sécurité maximum, cordon infranchissable au niveau de l’aéroport de Conakry étroitement surveillé par des gendarmes et des policiers, les milliers de supporters de l’homme qui dirige d’une main ferme le pays s’en étaient résignés à contempler le passage d’un cortège qui traversait triomphalement la capitale guinéenne. La voix des reporters de la radiotélévision guinéenne traverse les transistors collés aux tempes des Guinéens incrédules.

Quatre jours plus tôt, la rumeur soutenait que Conté, «sous assistance respiratoire», était très mal en point. Ses jours étaient comptés, selon les mêmes informations très vite relayées par certaines radios étrangères.

Cette même rumeur avait d’ailleurs prétendu que le vieux général, aujourd’hui âgé d’environ 70 ans, fatigué par les coups de boutoir de ses opposants et harassé par l’exercice d’un pouvoir qui dure depuis le 3 avril 1984, avait quitté dans le coma Conakry à bord d’un avion médicalisé.

«Il est revenu ! Il est de retour, les menteurs peuvent aller se cacher !», scande Morlaye Bangoura, un collégien mobilisé pour la circonstance, complètement noyé par la foule nombreuse. La veille, le gouverneur de Conakry, avait diffusé un communiqué invitant les Conakrykas à réserver un accueil exceptionnel au président de la République.

«En réalité, le Président n’a jamais quitté Conakry dans le coma. Il est allé en Suisse pour se soigner. Comme tout homme, il peut tomber malade. Mais c’est vraiment irresponsable de faire circuler des rumeurs pour tenter de déstabiliser le pays», fait remarquer un membre du gouvernement.

Le cortège qui traverse l’autoroute Fidel Castro se dirige tout droit vers le camp Almamy Samory Touré, l’une des demeures de Conté à Conakry, sans doute la plus importante. Une fois à l’arrêt, le Président guinéen, descend lui-même de son véhicule et l’air serein, boitillant légèrement du pied gauche, s’avance vers les personnalités militaires venues l’accueillir.

«La présence du général Conté à nos côtés aujourd’hui prouve éloquemment que tout ce qui a été dit sur son compte n’est que mensonge et désinformation. Nous sommes heureux qu’il soit parmi nous aujourd’hui», affirme le général Kerfalla Camara, chef d’état major général des forces armées, à la presse d’Etat.

Dans ce pays exsangue, où la moitié de population vit avec moins d’un dollar par jour, le soutien des militaires est fondamental pour le détenteur du pouvoir exécutif.

Après cette brève visite de courtoisie, Conté et son cortège se dirigent vers le palais Sékoutoureyah (Ndlr : du nom de l’ancien Président Sékou Touré), dont les alentours étaient complètement cernés par la police d’Etat et des éléments de la garde présidentielle, les fameux bérets rouges.

Certains d’entre eux, armés jusqu’aux dents, avaient même pris position sur le toit de l’hôtel Kaloum, toujours en construction, qui surplombe l’avenue principale menant vers le Palais présidentiel.

Impassible dans son véhicule, Conté passe au milieu de plusieurs centaines de curieux applaudissant à tout rompre, scandant son nom dans une ambiance indescriptible. Un à un les membres du gouvernement et les responsables des institutions républicaines défilent pour serrer la main du général.

«Il n’a pas encore parlé, mais il faut être sûr qu’il va tirer toutes les leçons de son séjour en Suisse. Il va prendre son temps, j’en suis persuadé, mais il va réagir car beaucoup de personnes ne se sont pas montrées loyales à son endroit», soutient une source proche des milieux d’affaires. «Quand on a échappé à plusieurs tentatives de coup d’Etat dont l’une à l’occasion d’une violente mutinerie en 1996, quand on a souvent vu plusieurs fois la mort en face, il est difficile d’être le même homme», ajoute notre source.

«Le retour de Conté aura permis de lever le doute sur au moins un point important : il est bien vivant et a les capacités physiques pour mettre des bâtons dans les roues de ses adversaires», conclut-elle.