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Portrait - Khadafi : La revanche du « messager du désert »

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Portrait - Khadafi : La revanche du « messager du désert »

Hier traité en paria, le Guide de la Révolution libyenne est parvenu à rompre l’isolement de son pays. Sans pour autant renoncer à ses ambitions de grandeur

Une simple visite n’en finit pas de faire trembler le microcosme politique français. Même la très sarko-compatibile Rama Yade, la secrétaire d’Etat française aux Affaires étrangères et aux droits de l’Homme n’a pas su se retenir au son de la farandole anti-kadhafienne. Il faut dire que le visiteur de la cité de Lumières n’est pas n’importe qui. Mouammar Al-Kadhafi ploie, depuis des lustres, sous le poids de la vindicte européo-américaine pour son « soutien au terrorisme international ». Mais le guide libyen a la peau dure. Le chantre des « Etats unis d’Afrique » a survécu à tout. A l’embargo, aux procès, aux attentats, aux coups d’Etat, aux revers militaires et aux raids américains. Mieux, le « messager du désert » troque sa défroque de paria universel, parrain des terroristes de tout poil, contre une toge de sage, de médiateur planétaire.

Le président Sarkozy, adepte de la politique des contrats ne s’est pas privé de lui dresser une belle esplanade en ce mois de décembre pour rebondir. Kadhafi est redevenu fréquentable. Et pour cause !

Il y a un nouveau rebondissement dans l’affaire de Lockerbie. Il survient presque 20 ans après que l’attentat contre un Boeing 747 de la Pan Am a eu lieu, le 21 décembre 1988 et a fait 270 victimes, parmi lesquels 259 passagers et 11 habitants du village écossais de Lockerbie. L’un des principaux témoins à charge, le Suisse Ulrich Lumpert, revient aujourd’hui sur sa déposition. Cet ex-ingénieur en électronique fait partie des principaux témoins à charge contre la Libye.

« J’ai menti dans mon témoignage sur l’attentat de Lockerbie », a-t-il affirmé le 18 juillet dernier, dans une déposition officielle publiée sur le site Internet de la société Mebo qui l’employait à l’époque. Au procès, l’homme a prétendu reconnaître un fragment de retardateur, qui fait office de pièce à conviction essentielle. Il certifie à présent avoir « volé » le retardateur dans le laboratoire de l’entreprise et l’avoir remis à un enquêteur écossais. L’explosion du Boeing a d’abord été attribuée à la Syrie, à l’Iran et à des groupes d’opposition palestiniens. Puis, l’enquête avançant, c’est la Libye qui s’est retrouvée dans la position d’accusé numéro 1 s’imposant comme le responsable parfait pour les puissances occidentales.

La Grande-Bretagne, la France et les Etats-unis avaient tout intérêt à voir Tripoli déclaré coupable de l’attentat. Aux côtés de l’Iran et de la Syrie, la Libye, en tant qu’ambassadeur d’un Islam fort et puissant, s’opposait clairement à l’Occident.

L’attentat de Lockerbie a lieu alors que les relations diplomatiques entre la Libye et les puissances occidentales étaient au plus bas. Kadhafi, qui était à la tête de différentes actions terroristes et multiples rébellions à travers le monde, était l’ennemi numéro un du moment.

Attentat de Lockerbie

Pour Pierre Péan, journaliste français et spécialiste de l’affaire, « cette révélation ne fait que confirmer l’évidence : l’attentat de Lockerbie n’a pas été commandité par Kadhafi mais par d’autres ». Dans une interview accordée à RFI, il affirme que « les éléments s’ajoutent depuis des années les uns après les autres pour montrer que ce dossier ne tient pas la route. (...) Le mobile de la Libye était incompréhensible ». Par exemple, en 2005, selon un ancien haut responsable de la Police écossaise désirant rester anonyme et qui a participé à l’enquête, la CIA a « écrit le scénario » accusant la Libye. La pièce à conviction décisive, le fragment de détonateur qui fait l’actualité de ces derniers jours aurait été monté de toutes pièces par des agents de la CIA qui enquêtaient sur l’attentat.

Des doutes ont toujours plané sur la réelle implication de la Libye dans cet attentat. Mais sous la pression de la communauté internationale, surtout celle des Etats-unis et de la Grande-Bretagne, un mandat international a été lancé en 1991 contre deux Libyens, suivi d’une demande d’extradition exigée par le Conseil de sécurité de l’Onu. Refusant d’obéir, la Libye est devenue la cible de pressions économiques non négligeables. Le trafic aérien a été suspendu ainsi que toute vente d’armes à la Libye. Après 5 ans d’embargo, Tripoli a cédé à la pression et accepté de « livrer » les deux présumés coupables d’avoir enregistré à Malte la valise bourrée d’explosifs, à l’origine de l’explosion du boeing.

En 2001, Abdel Basset Ali Megrahi, l’un des deux hommes, était condamné à la prison à perpétuité par la justice écossaise et son présumé complice acquitté. Deux ans plus tard, la Libye reconnaît officiellement sa responsabilité dans l’attentat de Lockerbie et s’engage à verser 10 millions de dollars de compensation à chacune des 270 familles des victimes soit un total de 2,7 milliards de dollars. S’ensuivit une levée quasi-immédiate des sanctions de l’Onu à l’encontre de la Libye. A la suite des conclusions d’une commission d’enquête indépendante, la justice écossaise a autorisé Ali al Megrahi, au mois de juin dernier, à faire appel de sa condamnation. L’enquête concluait qu’il avait été victime d’erreurs judiciaires.

Révolution

Né en 1942 dans le désert de Syrte, dans une tente bédouine, Mouammar Kadhafi est un fils de berger de la tribu de Gaddafa. Il reçoit une éducation religieuse rigoriste et restera toujours fidèle à sa grande piété. Le 1er septembre 1969, âgé de 27 ans, il renverse, avec onze autres officiers, le vieux roi Idriss al-Senoussi, alors en cure en Turquie, sans qu’une goutte de sang ne soit versée. Kadhafi s’impose comme « le Guide de la Révolution » et annonce « la victoire de la Révolution », au nom de « la liberté, du socialisme et de l’unité ». Il bénéficie du soutien de l’Egypte de Nasser. Il se dresse alors contre « l’impérialisme américain » et se rapproche de l’Union soviétique, tentant même d’adhérer au Pacte de Varsovie. Il fait de la Palestine sa principale cause. Sur ce point, il adopte des positions tranchées, n’envisageant aucun compromis avec Israël et multipliant les coups d’éclat dans les sommets arabes. Président du Conseil du commandement de la révolution, ses tentatives d’union échouent avec l’Egypte, le Soudan, la Syrie, la Tunisie, Malte et le Tchad. Il cherche déjà à s’imposer comme le grand leader du monde arabe, juste après la disparition de Nasser. Il décide alors que la Libye sera le siège de ses projets socialistes et révolutionnaires et publie en 1976 le petit Livre vert, dans lequel il expose la « troisième théorie universelle ».

En 1977, il instaure en Libye le « pouvoir populaire »... Sa ferveur « révolutionnaire » l’amène à soutenir des mouvements de libération à travers le monde. A la fin des années 1970, il est la cible privilégiée des Occidentaux qui lui reprochent de semer la subversion partout dans le monde. A cet égard, on lui impute bon nombre d’opérations casse-cou, comme la fameuse prise d’otages de l’Opep à Vienne. Si l’on en croit les services du Mossad, la prise d’otages a été décidée et préparée avec la bénédiction du bouillant chef d’Etat libyen.

Des documents prouvant la culpabilité de Kadhafi dans cette affaire sont divulgués. Carlos, cerveau de cette attaque, aurait reçu plusieurs millions de dollars. Le Guide de la Révolution dément son implication et affirme qu’il ne soutient aucun groupement terroriste.

Son style de vie intrigue. Car Kadhafi n’a pas dérogé à ses habitudes. Pour faire croire qu’il perpétue les valeurs ancestrales, il ne se déplace pas sans sa kheima (tente), ses chameaux et une escouade d’« amazones » qui le protègent. Sa nourriture est frugale, avec notamment du lait de chamelle. Il gouverne la Libye, cet immense et riche pays pétrolier, peu peuplé, aux vestiges archéologiques exceptionnels, depuis ses bureaux de Tripoli ou Benghazi, et n’hésite pas à faire patienter durant des heures les dirigeants étrangers et les journalistes qui lui rendent visite, pour finalement les recevoir longuement, refaisant le monde en buvant le thé.

En 1998, ce cavalier émérite enfourche un nouveau dada : l’unité africaine. Voilà des décennies que la « Grande Jamahiriya arabe, populaire et socialiste » laboure le continent noir, construisant mosquées, écoles coraniques, centres culturels ou dispensaires ; monnayant au besoin les conversions.

En 1976, le futur empereur centrafricain Jean-Bédel Bokassa devient Salah-Eddine Ahmed et somme tous ses ministres d’embrasser la vraie foi, avant d’abjurer cet Islam aux préceptes si rigoureux pour un viveur de son espèce.

Soupçonné d’avoir longtemps hébergé, financé, armé les mouvements de libération d’Afrique et d’ailleurs, Kadhafi a changé de posture : le temps est venu de lâcher le fusil », a-t-il décrété il y a peu.



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