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Chapeau Olé, chapeau bas

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Chapeau Olé, chapeau bas

De la toque impériale au béret basque qui caricature le français avec sa baguette de pain sous le bras, la coiffe - à ne pas confondre avec coiffure- connaît toutes sortes de fortunes et d’infortunes.  D’abord comment est-il venu, au genre humain, la bizarre idée de se couvrir la tête ? Question difficile mais l’on peut présumer que ce fut d’abord un accessoire de protection, puis d’autorité enfin de parade. Dans cette Afrique que je connais et particulièrement au Sénégal le couvre-chef -à l’exception des attirails féminins- a toujours été une exclusivité mâle et adulte.  

Chez nous, il n’y a guère très longtemps, il était possible d’identifier l’appartenance patronymique d’un garçon non encore circoncis, d’une fille impubère rien que par  la disposition et le nombre de touffes de cheveux au sommet de son crâne. Fall, Diop, Sène Mbow etc., chaque famille avait sa signature capillaire.  C’est ainsi qu’un enfant fugueur ou perdu était  aussitôt reconnu et ramené vers les siens grâce à la singularité de sa coiffure. Mieux que les avis et communiqués radiophoniques d’aujourd’hui. Ah…!

 

La Coiffe ou  « mbaxana » se distingue des autres accessoires vestimentaires par sa légèreté. Qualité que la sagesse populaire  recommande à la jeune mariée qui rejoint  le domicile conjugal: « jigéen dey wowof ni mbaxana ». Woyof, non pas dans le sens premier de légère -ce qui serait le comble-, mais extensif qui signifie accommodante et facile à supporter. Quoique, selon un autre dicton, « mbakhana du fekke coono borom   littéralement, le couvre-chef  est le premier à lâcher son propriétaire en difficulté. Dans une échauffourée, en effet, « mbaxana » se détache bien  plus facilement que  pantalon, chemise et même chaussures. Un autre vilain défaut de mbaxana est analogiquement attribué à l’individu servile qui suit les autres, sans se poser des questions : « mbaxana la demako yóbaale ».

 

Pendant la période coloniale, deux coiffes se disputaient les faveurs de la haute société: le casque van van kaki ou blanc des dandys et collaborateurs du Toubab : le bonnet fass rouge à pompon (Fez) appelé également bonnet carré, quoique de forme cylindrique des marabouts et assimilés. Les gens ordinaires avaient le choix entre aller tête nue ou transpirer sous le bonnet européen d’hiver -« laafa »  dont les invendus hors saison étaient déversés sur les marchés tropicaux.

Bonnet-Laafa, connu également sous l’appellation bonnet Cabral symbole du vaillant maquisard bissau-guinéen, a servi d’alibi en ce majestueux  Building administratif « Siège permanant de l’absentéisme », presque chaque fonctionnaire avait le sien. Notamment ceux en tenue traditionnelle. Vous cherchez quelqu’un ? – «  Il n’est pas loin, son bonnet est là », s’entendait-on répondre. La pratique en était si répandue que ces braves serviteurs ont craint une rupture de stock. Aujourd’hui, c’est la paire de  lunettes-pacotille qui sert d’alibi …Surtout aux borom cravate.

Le bonnet-laafa, repris en coton par les malins petits Chinois, a fini par s’imposer  pour  devenir le signe distinctif des retraités et anciens noceurs. Un de mes « grands », jouisseur impénitent, au poil teint,  est fier de m’avouer qu’il n’en est pas encore au bonnet : « « tolloo guma Fumay solee laafa ».

Un concurrent sérieux semble menacer la souveraineté du laafa : le docte petit Kopati, parent lointain du yalmaka judéo chrétien. Le Kopati, avec ses airs de probité,  rassure lorsque porté par un demandeur en mariage, il convainc sur la tête du charlatan ;  il est presque de mise pour lire le Saint Koran. Pendant le mois de Ramadan, il confère crédibilité à son porteur. Mais soit dit, en passant, il est plus facile de se faire rouler par un turban…Kalaa’k Kurus…

Le couvre chef  était-il symbole d’autorité ?  Chez nous, traduire quelqu’un en justice se dit encore « yobu ko fi mbakhana doonee benn ; c’est-à dire  là où seul le juge ou Xaali d’antan avait le droit de porter une coiffe.

Tout porte à croire que les couvre-chefs en usage, chez nous et ailleurs en Afrique noire,  soient d’origine étrangère ; je songe à la toque afghane en peau de léopard chère à Mobutu dont les pairs africains riaient en même temps que les Occidentaux.

L’exception qui sauve l’honneur sénégalais provient du milieu rural : le chapeau de paille conique, bien de chez nous, l’efficace  « maaka » plus connu sous le nom de « tengaade » qui  protégeait pasteurs et paysans contre les ardeurs du soleil et n’était ni signe de coquetterie ni attribut d’une position. Ce vénérable chapeau, réinventé par les villages artisanaux fait le bonheur des  touristes, prédateurs culturels des temps modernes. Chapeau aux artisans !

Le chapeau conique est également arboré par snobisme et démagogie par des ministres politiciens lorsqu’ils « descendent en brousse », histoire de montrer leur ancrage au terroir. Chapeau bas à ces faux dévots !

Fasse le ciel que des boute-en-train n’ouvrent pas un débat sur l’origine ethnique du « tengaade ». Bonnets, chignons et toupets  risquent de se perdre dans la confusion des empoignades.

 

Amadou Gueye Ngom

Critique social 

 



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