Yawou Dial, lutteur : « Je ne suis plus le guignol de l’arène»

As de l’ambiance et champion des combats préliminaires, Yawou Dial n’est plus un lutteur à présenter. Considéré comme le guignol de l’arène à cause de sa comédie, le pensionnaire de l’écurie Baol Mbollo veut donner un nouveau tournant à sa carrière. Trouvé dans son domicile à Boune, Yawou Dial, en tee-shirt blanc, pantalon  et blouson de couleur bleu clair, a abordé plusieurs sujets avec Le Pays au quotidien, notamment les remous enregistrés dans l’arène ces derniers temps. Entretien.

Quel bilan faites-vous de cette saison ?

Je remercie mon marabout Abdoulaye Wade, mes fans, mes parents et les militants du Pds. Cette année, je n’ai pas été trop présent dans l’arène. J’ai purgé une suspension de 6 mois lors du combat opposant Mame Balla à Mbaye Diouf. Je n’ai disputé que trois combats. J’ai lutté victorieusement en Gambie. J’ai seulement perdu contre Boury à Rufisque. C’est un bilan satisfaisant. J’aurai aimé livrer d’autres combats, mais c’est la volonté de Dieu.

Quelle était la raison de la suspension ?

  La suspension relève du combat Mame Balla / Mbaye Diouf. J’avais versé une bouteille appartenant à Mbaye Diouf juste avant le coup de sifflet de l’arbitre. Par la suite, quand je devais lutter lors du combat Gris Bordeaux/Baye Mandione, le CNG m’a fait savoir que j’étais suspendu pour 6 mois.  Je suis allé vers le Docteur Alioune Sarr pour demander la clémence, mais il a refusé. Je me suis résigné. Je ne suis allé dans aucun media pour pleurer mon sort. Ensuite, je suis allé en Italie-malgré le refus du CNG de me remettre ma licence dont j’avais besoin pour le dépôt de mes papiers. Je suis parti en Europe, car les conditions d’entraînement y sont  meilleures. Pour la récupération et l’alimentation, il y a une nette différence. Ce voyage a été bénéfique pour moi.

La sanction vous a certainement fait mal …

Non, du tout. Cela ne m’a nullement dérangé. Il arrive que des lutteurs soient victimes de ces sanctions. Vous n’avez jamais entendu Yawou Dial se plaindre ou déposer des recours. D’ailleurs, j’ai moi-même annoncé la sanction, alors que le CNG n’a pas été en mesure de m’avertir de la décision et de la durée de la suspension. Je déplore leur attitude. Le Cng considère que je ne fais pas parti de la catégorie des lutteurs de renom. Cette décision ne peut influer sur mes relations avec les autres lutteurs. Je crois en moi-même, même si les autres ont plus de chance de percevoir des millions.  Dans l’arène, il y a des gens qui ne m’aiment pas. Mais, néanmoins, j’ai des potes lutteurs, Balla Gaye II entre autres. Balla répond à mes sollicitations et ne ménage aucun effort pour satisfaire mes besoins même si  on ne boxe pas dans la même catégorie. 

 Vos débuts dans l’arène remontent à quand ?

J’ai débuté dans l’arène lors du combat opposant Bathie Séras à Khalifa Nguirane, en  2004/2005.

Pourquoi vous ne dépassez pas la petite catégorie ?

Mon poids ne joue pas en ma faveur. Je veux bien percer dans l’arène mais, vous savez bien que certains aspects ne me permettent pas d’envisager de changer de catégorie. Je suis passé par la comédie jusqu’à avoir ce nom dans l’arène. Au Sénégal, quand tu gagnes tout le monde est derrière toi mais, quand tu es dans une mauvaise passe c’est en ce moment que les gens parlent de comédie. Mais cela ne me dérange pas. J’ai des fans et des gens qui m’estiment pour ce que je suis. Mais ma comédie s’arrête dès le coup de sifflet de l’arbitre. Il faut faire la part des choses : j’accepte d’être le comédien de mes proches et sympathisants, notamment Abdoulaye Wade, dont je suis le lutteur préféré. Actuellement, on voit beaucoup plus de sérieux dans ce que je fais. Ceux qui me prennent pour un comédien peuvent aller voir dans les parcs ou autres endroits. Je ne suis plus le guignol de l’arène. Je mérite plus de considération. Je ne vais plus lutter pour un petit cachet.

Est-ce dire à dire que vous réclamez la revalorisation de vos cachets ?

Franchement je crois que le cachet de ma catégorie mérite d’être revu à la hausse. Je milite pour un cachet de 500 000 frs, car je ne reçois plus d’aide financière. Comme j’ai une grosse cote de popularité, il est normal que je réclame plus. Surtout que les ténors de l’arène perçoivent 100 fois plus que nous. Je crois que ce n’est pas trop demander. Je suis maintenant bien encadré et bien conseillé.

Comment se passe vos entraînements ?

Je m’entraîne dur. Je fais des efforts colossaux pour me maintenir en forme, mais je ne prends aucune protéine ni des trucs de ce genre. Je ne me tue pas à soulever des tonnes pour avoir un poids qui pourrait me causer du tort plus tard. Si le besoin se fait sentir d’augmenter mes séances je le fais, mais d’habitude je me maintiens. Les poids lourds, c’est leur chance d’avoir atteint ce niveau, moi je me contente de ce que l’arène m’offre.

Est-ce que le président Abdoulaye Wade est  toujours votre marabout ?

J’ai un fils qui porte son nom. Il aura 3 ans le mois prochain. Je reste un fidèle admirateur d’Abdoulaye Wade et son entourage. Il demeure toujours mon président et mon marabout. Eternellement.  Abdoulaye Wade a trop fait pour moi. Je ne peux que lui être reconnaissant.

Donc vous ne comptez pas transhumer ?

Je ne peux pas transhumer. Je ne connais pas cette attitude. Dans ma famille, on  ne conçoit pas ce genre de comportement. Je ne trahirai jamais Abdoulaye Wade. Je lui reste fidèle. Mieux, ceux qui n’aiment pas Abdoulaye Wade ne sont pas mes fans.

Est-ce que les promoteurs démarchent vos combats ?

Jusqu’à présent je n’ai reçu la visite d’aucun promoteur. Mais je reste un incontournable dans l’arène. Aujourd’hui on ne peut pas parler de lutte sans me citer. Je ne suis pas un guignol. Je fais juste plaisir à mes admirateurs.

Quels sont les lutteurs dans votre viseur ?

J’ai deux adversaires de taille la saison prochaine. Il s’agit de Youssou Ndour de l’école de lutte  Balla Gaye et Diène Kairé de Soumbédioune. Ils sont respectivement fils de Père Balla Gaye et Boy Kairé. Ils ne sont pas plus forts que moi en lutte. Ce sont des lutteurs qui devront en découdre avec moi.

Comment appréciez vous la sanction infligée à Boy Niang 2 par le Cng ?

Les décisions prises par le CNG sur le cas Boy Niang sont trop sévères. Je pense que la sanction est démesurée.  Le président Alioune Sarr doit revenir sur sa décision. Le milieu de la lutte est  complexe. Certains faits et gestes sont incompréhensibles. Il faut le prendre dans le cadre du sport et ses aléas. Le cas Boy Niang me fait très mal. Il a agi malgré lui. Je vous assure que Boy Niang 2 a été atteint mystiquement. Il a été marabouté et n’avait pas sa tête au moment des échauffourées. C’est un intellectuel de nature. Il est loin d’être une personne violente. La lutte est un gagne-pain pour la majorité des lutteurs. Alioune Sarr doit en être conscient et adoucir la sanction infligée à Boy Niang.

Les promoteurs exigent le départ d’Alioune Sarr à la tête du Cng. Comment jugez-vous cette exigence ?

Je ne suis pas rancunier et je n’ai rien contre Alioune Sarr, mais je pense que le cercle des promoteurs a raison. Alioune Sarr est à la tête du CNG depuis longtemps. Il y a eu du changement dans tous les domaines au Sénégal et il doit en être de même au CNG.  Je ne connais que le Docteur Alioune Sarr à la tête de la structure depuis sa création. Il est normal qu’il laisse la place aux jeunes. Les lutteurs en collaboration avec les promoteurs peuvent prendre la lutte en charge. Sans Alioune Sarr, la lutte va vivre et progresser dans le bon sens. Les gens ont tort de penser que sans le docteur Alioune Sarr la lutte ne va pas marcher. Les lutteurs et les promoteurs sont mieux placés que quiconque pour régler définitivement les problèmes de  l’arène.

Les promoteurs ont aussi pris la décision de fixer la barre des cachets à 75 millions. Quel est votre point de vue par rapport à cette décision ?

Cette décision ne me concerne pas. Je ne vais pas me prononcer.

Mais pourquoi ? Vous êtes un lutteur et vous aspirez  à décrocher de gros cachets ?

(Rire) Moi, toucher 75 millions ? Non, je n’en rêve même pas. Vous n’avez pas vu mon poids ?

Est-ce que vous sollicitez des marabouts lors de vos combats ?

 J’accorde beaucoup d’importance au mystique. Si vous n’accordez pas d’importance à ce domaine en tant que lutteur, vous pouvez dire adieu à votre carrière.  Je dépense une fortune pour ma préparation mystique et n’oubliez pas que j’ai un nom dans l’arène. Je suis obligé de me protéger. Même ceux qui ne sont pas lutteurs se protègent. Il y a des jaloux dans tous les domaines, particulièrement au Sénégal. C’est le milieu de la lutte qui nécessite des sacrifices à ce niveau.  Les lutteurs ne vous diront pas le contraire.

Que pensez-vous de la décision des promoteurs qui veulent fixer les cachets à 75 millions ?

Je préfère qu’on se penche d’abord sur le problème du CNG. Je ne peux pas m’avancer sur la question, ce que je peux dire en bref, c’est que tout ce que le lutteur gagne dans l’arène a été écrit auparavant, c’est le destin, on n’y peut rien. Voyez vous comment je suis populaire dans l’arène ce n’est pas que je l’ai voulu non, c’est la volonté du bon Dieu c’est tout. Je ne demande à personne de l’argent, excepté  Balla Gaye. C’est mon pote. C’est grâce à son père qu’on a ses liens fraternels. Mais j’entretiens de très bons rapports avec tous les lutteurs de Pikine J’ai de bons rapports avec Eumeu Séne aussi. Tout ce qu’on obtient dans la vie, est à mettre sur le compte de la volonté divine.

 

Qu’est ce que vous aimez le plus dans la vie ?

Je n’aime pas la méchanceté, je déteste les gens qui sont méchants. Je n’aime pas qu’on mette les gens en mal, c’est de la fumisterie. Mes rapports avec Abdoulaye Wade m’ont le plus marqué dans ma vie. Passé d’apprenti chauffeur jusqu’à obtenir une maison et beaucoup d’autres biens matériels et devenir l’une des figures les plus célèbres de la lutte sénégalaise, ce n’est pas tous les jours qu’on voit cela.

Comment occupez vous votre temps hors de l’arène ?

Je passe mon temps avec ma famille et mes proches en dehors de la lutte. Actuellement je n’ai pas d’autres occupations, Je profite de ces moments pour me reposer à l’abri des yeux et du milieu de la lutte.

Avez-vous fait l’école française ?

Oui. J’ai étudié jusqu’en classe de CE1. Je n’étais pas fait pour les études, j’ai redoublé énormément de classes. J’ai fait deux à trois fois la même classe avant de passer en classe supérieure. Mais n’empêche, je m’en suis bien sorti. Je remercie le bon Dieu, car  là ou j’habite c’est ma propriété et je loue le reste Je me contente de ce que j’ai.

Yawou Dial est-il riche ?

Bon Dieu, je prends soin de ma famille et je fais le maximum pour subvenir à ses besoins. Ma richesse se limite à cela. Partager ce que j’ai avec mes proches, représente l’essentiel.

ALIOU DIOUF  YOUSSOUF B.H SANE(STAGIAIRE)

Le Pays au Quotidien