Le ‘Front Siggil Sénégal’ qui regroupe l'ensemble des partis de l'opposition qui ont décidé de tourner le dos aux urnes le dimanche 3 juin prochain, n'est pas le seul à souhaiter un fort taux d'absentation lors des élections législatives. Le palais présidentiel, aussi. Du moins, les adversaires du Premier ministre Macky Sall tapis derrière les lambris de l'antre de l'Exécutif. Pour ces derniers, une forte participation des Sénégalais aux élections législatives conférerait à celui-ci une légitimité et une aura qui reflèteraient la place qu'il occupe désormais sur l'échelle d'estime de ses compatriotes. Parce que Macky Sall aura gagné tout seul les élections législatives. Sans Wade... ou presque. Et c'est ce que craignent les contempteurs du Premier ministre.
Jamais, dans l'histoire politique du Pds, un numéro 2 n'avait mené seul une campagne électorale, sans l'implication directe du maître. En 2001, pour invoquer l'histoire la plus récente, Me Wade avait participé, de bout en bout, à la campagne aux côtés d'Idrissa Seck. Alors qu'il venait de boucler tout juste un an à la magistrature suprême, il avait brocardé le Conseil constitutionnel (premier coup sévère contre le principe de la séparation des pouvoirs) qui lui avait refusé l'inscrustation de son effigie sur les bulletins de vote de la ‘coalition Sopi’.
Dans la présente campagne électorale, Me Wade s'est fait plus discret, seule sa photo sur les affiches de la ‘coalition Sopi’ accompagne Macky Sall, obligé d'aller seul aux charbons. Mais le numéro 2 du Pds ne s'en tire pas mal, partout où il est passé il y a eu foule. Il est vrai que ce n'est pas comparable à la liesse populaire qui accompagne les sorties du président Wade, mais Macky Sall arrive à tirer son épingle du jeu et, signe des temps, il réussit, dans la foulée, le coup de la réconciliation avec Aminata Tall, sa pricinpale rivale. Il a même pu se passer du coup de pouce de Karim Wade, lequel a pourtant battu campagne lors de l'élection présidentielle pour soutenir son président de père. Le chef de file de la ‘Génération du concret’ s'était même rendu, nuitamment, dans la lointaine banlieue de Dakar pour effectuer des visites de proximité. Sa non-implication dans la campagne pour les élections législatives suscite des commentaires. Sa seule sortie publique, pendant cette période, a été une opération de charme, en sa faveur, en direction de l'électorat mouride lorsqu'il a offert 50 millions de francs Cfa pour la construction de la mosquée Gouye Mouride de Niary Tally.
Dès lors, la tête de liste de la ‘coalition Sopi’ ne pouvait compter que sur lui-même et son équipe. Mais, eu égard au succès qui accompagne ses différentes sorties, il commence à susciter de l'inquiétude auprès de certains membres de l'entourage proche du chef de l'Etat. Un tir de barrage sera ainsi, subrepticement, mené pour empêcher Macky Sall d'empocher, seul, les dividendes politiques de la campagne de la ‘coalition Sopi’, surtout dans la perspective de la ‘bataille de succession’ du président Wade. Les adversaires du Premier ministre de convaincre alors, ainsi que nous l'écrivions dans l'une de nos livraisons, le chef de l'Etat de descendre sur le terrain pour battre campagne. Un certain nombre de localités de Dakar étaient ciblées dans lesquelles le président Wade devrait se rendre... sans Macky Sall en tournée à l'intérieur du pays. Pape Diop, le président de l'Assemblée nationale et non moins maire de Dakar, sera le cheval de Troie, ses réalisations prises comme prétexte pour une ‘marche bleue’ à travers les rues de la capitale et sa banlieue.
Mais, les choses ne se dérouleront pas entièrement comme prévu : le choix de Cambérène a été une mauvaise idée. ‘Les services de renseignement avaient fourni des bulletins bidons sur la situation dans cette localité’, indique une source proche du palais de la République. Le chef de l'Etat y a ramassé une gamelle, il s'est fait conspuer dans le fief de la communauté Layène par des jeunes et des femmes, arborant des brassards rouges, des slogans hostiles à la bouche. Ils s'insurgeaient contre ‘l'oubli’ dont leur localité serait l'objet de la part du régime de Me Wade. Après cette déconvenue, le chef de l'Etat a repris du recul par rapport à la campagne électorale. Jusqu'à hier, dernier jour de la campagne où il a présidé le meeting de clôture de la ‘coalition Sopi’.
Macky Sall relèvera-t-il le périlleux défi du taux de participation que l'opposition boycotteuse a lancé à sa coalition ? Il a tablé sur une moyenne de 2 millions d'électeurs. S'il réussit son pari, il finira de prouver, comme le croient certains, qu'il a pris de la bouteille. Il aura réussi l'examen de passage du statut de numéro 2 du Pds de facto à celui de numéro 2 légitime. En effet, directeur de campagne de Me Wade, il a relevé le défi de l'élection présidentielle en offrant au secrétaire général national du Pds une victoire proche du plébiscite. Si, au surplus, il relève le défi de la participation aux législatives, il pourrait gagner définitivement la confiance de Me Wade.
Mais, le contraire pourrait lui être fatal. D'où la délicatesse de la mission de Macky Sall. Mais, en tant que tête de liste de la ‘coalition Sopi’, il n'avait d'autre choix que de s'approprier le défi lancé par le ‘Front Siggil Sénégal’ à Me Wade relativement au taux de participation.
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