Après sa sortie sur la loi Sada Ndiaye en levant un coin du voile sur les véritables fondements de celle-ci, le député libéral Abdoulaye Dramé, dans ce nouvel entretien qu’il nous a accordé, dit ses quatre vérités à la direction du Parti démocratique sénégalais (Pds). Selon lui, le Parti au pouvoir n’existe plus, c’est juste un secrétaire général généreux qui est entouré de ses collaborateurs. Il est également revenu sur la défaite que Idrissa Seck a infligée à la Coalition « sopi 2007 », lors de la dernière présidentielle. Entretien…
Le matin : Vous avez élevé la voix pour interpeller la direction du Parti démocratique sénégalais (Pds) qui semble, à votre avis, ignorer les responsables de Thiès. En vérité, qu’est-ce que vous reprochez la direction du parti ?
Abdoulaye Dramé : La réalité, c’est que le Pds, en tant que parti avec des structures dynamiques se réunissant de manière régulière avec un programme qui prend en compte les responsables au niveau de la base, n’existe plus. C’est cela la vérité. Aujourd’hui, ce qu’il y a, c’est un pseudo parti avec un secrétaire général national et ses collaborateurs. Et la première décision prise par le parti qui est d’ailleurs une grosse erreur, c’est la dissolution des instances à Thiès et c’est ce qui est à l’origine de tous les blocages. Et cette situation a libéralisé en quelque sorte Thiès puisqu’à partir de cette dissolution, tout un chacun était libre de débarquer à Thiès pour prétendre la récupérer. On a vu les mouvements de soutien pousser comme des champignons et le désordre s’est installé. De notre côté, on avait créé une structure dénommée la Fédération urbaine de Thiès pour essayer de maintenir le Pds à Thiès. Abdou Fall est venu avec sa structure, le comité provisoire. C’est dans ces conditions qu’on est allé aux élections et, on a été largement battu. Cette situation a perduré plusieurs mois après et chacun se réclamait du secrétaire général national Me Wade. Finalement, on a compris que cela ne pouvait plus continuer et c’est ce qui nous a poussés à mettre sur pied le Comité exécutif fédéral départemental qui regroupe quatre-vingt-dix pour cent des responsables du parti à Thiès. Certains responsables n’ont pas reconnu la structure et c’est leur droit, ils sont libres. Mais le problème, c’est au niveau de la direction nationale. On a comme l’impression que la direction du Pds méprise les responsables de Thiès parce qu’ils ont été battus par Idrissa Seck lors de la présidentielle de 2007. Ce qu’ils ont oublié certainement, c’est qu’Idrissa Seck avait reçu de Me Wade tous les privilèges, toutes les responsabilités et il était éloquent dans son discours politique, puissant. Il pouvait battre n’importe quels responsables à l’époque, fussent-ils ceux de Dakar, Diourbel ou Saint-Louis. Alors si, à cause de cette défaite, la direction méprise les responsables de Thiès, c’est parce que le parti n’est pas reconnaissant vis-à-vis de Thiès. Elle oublie que Thiès a toujours été le moteur du parti et a joué un rôle très déterminant dans la réalisation de l’alternance. Donc, si c’est ce qui explique le comportement de la direction envers les responsables de Thiès, elle est en train de commettre encore une fois une erreur politique. Ce qu’elle devait faire, c’est respecter les responsables de Thiès, leur apporter le soutien nécessaire pour leur permettre de renverser la tendance d’autant plus que maintenant, avec la dissolution du conseil municipal et tout ce qui s’est passé avec les chantiers de Thiès, les Thiéssois ont compris qu’en dehors des milliards mobilisés par Me Wade, la mairie n’a rien fait à Thiès. En lieu et place de ce soutien, les responsables de Thiès sont laissés en rade et ne sont impliqués en rien. Nous n’avons pas de ministres politiques, on prend des décisions hasardeuses pour Thiès à notre insu, des sénateurs, responsables ou ministres se permettent de venir à Thiès pour prétendre règler nos problèmes alors qu’ils ont les mêmes problèmes dans leurs localités. On en a assez et c’est pas normal. Abdou Fall s’est adressé au secrétaire général national du parti et moi aussi, je compte lui adresser une lettre sur la situation du parti à Thiès. Maintenant s’ils n’ont plus besoin des responsables de Thiès, ils n’ont qu’à le dire et chacun prendra ses responsabilités.
Ne pensez-vous pas que l’attitude de la direction s’explique par le fait qu’elle n’a plus confiance en vous parce que des sommes colossales ont été investies à Thiès lors de cette élection présidentielle ?
Non, ce n’est pas nous qui posons problèmes. Mais je dois reconnaître quand même que parmi les responsables, il y en a qui n’ont aucune classe puisqu’ils courent derrière certains responsables de la direction pour de l’argent alors qu’ils ont tout donné au parti, c’est insensé. Aussi, nous devons reconnaître qu’il n’y a pas la cohésion nécessaire entre les responsables de Thiès et c’est ce qui explique quelque part l’intervention d’autres responsables au niveau de cette ville. Encore une fois, je le répète, le problème c’est la direction nationale du parti. Elle ne respect plus Thiès, on a aucun ministre politique…
Mais c’est la deuxième fois que parlez de ministre politique, mais un ministre, il gère des deniers publics. Qu’est-ce que vous entendez par ministre politique ?
Celui qui finance son parti à partir de l’argent du contribuable ?
Non, écoutez ne mélangez pas les choses. Un ministre, il a deux missions. Il doit travailler pour l’intérêt général, mais aussi, il doit soutenir son parti, puisque c’est par le biais du parti qu’il est nommé ministre.
Mais n’a-t-elle pas des députés pour jouer ce rôle ? Ce que je veux vous faire comprendre c’est que la fonction ministérielle est éminemment politique. Un parti a besoin de moyens pour son fonctionnement et pour cela il faut des responsables « ressources » financièrement parlant. Le ministre ne doit pas utiliser les deniers publics pour son parti, mais sa position peut lui permettre de soutenir les responsables de son parti sur le plan travail par exemple. Ce qu’on a remarqué, c’est que la structure politique qui regroupe les libéraux de la capitale du rail ne dispose ni de ministres politiques encore moins de directeurs généraux politiques. Il y a des députés à Thiès, mais le salaire d’un député ne peut pas faire fonctionner un parti. Sans le soutien du parti, on ne pourra pas renverser la tendance.
Mais les responsables de Thiès ont reçu plusieurs millions, 180 millions, selon nos sources, de la direction pour éviter la défaite et l’argent a été détourné de son objectif, est-ce que ce n’est pas ce qui explique ce mépris dont vous parlez ?
Non, ce n’est pas cela ; les explications par rapport à cette défaite sont simples. Idrissa Seck s’était présenté en victime devant les Sénégalais et les Thièssois en particulièrement et il disposait de gros moyens à travers les milliards des chantiers de Thiès, les parcelles qui étaient distribuées pour corrompre les Thièssois. En plus, ils avaient fabriqué des électeurs, par le biais de l’état civil, en faisant inscrire des jeunes qui n’avaient pas l’âge de voter pour gonfler son électorat à Thiès.
Êtes-vous en train de contester la victoire de Idrissa Seck à Thiès lors de la présidentielle ?
Non, je ne la conteste pas la victoire de Idrissa Seck, mais c’est pour expliquer pourquoi il a gagné. Il s’était présenté en martyr devant les Thièssois et les Sénégalais, et vous savez que le Sénégalais est très sensible face à une victime.
Parlons un peu du comité exécutif fédéral départemental qui présentement est en train d’être désavoué par certains jeunes du parti, qui avaient adhéré et qui aujourd’hui, disent n’être plus en phase avec ce comité, demandant même à Abdou Fall son président de retourner aux HLM ?
Jusqu’au moment où je vous parle, tous les responsables qui avaient adhéré à ce comité y sont encore. Le sénateur du département est avec nous, les PCR sauf un, tous les députés de la localité à l’exception de Mbaye Diouf, sont restés dans le comité. Que voulez-vous ? Je vous ai dit qu’on ne peut pas avoir l’unanimité en politique.
Mais Mbaye Diouf, lui, dit clairement que ce sont les dirigeants de ce comité qui posent problème ?
Par rapport à Mbaye Diouf, il est mal placé pour parler de crédibilité à notre égart. Il a dirigé les chemins de fer du Sénégal et on a vu les conséquences pendant qu’il était au Parti socialiste qui le soutenait dans ce qu’il faisait. Il est à l’origine des difficultés des cheminots. Il a brûlé nos maisons en recrutant des nervis pendant qu’il était au pouvoir avec son parti. Il a transhumé en 2000 alors qu’ils avaient perdu le pouvoir et nous l’avons accueilli sans problème. Par conséquent, il n’a pas à hausser la voix. Ce qu’il a à faire de mieux, c’est de se taire.
Mais c’est le Pds qui est allé le dénicher là où il était parce que vous pensiez qu’il pouvait tenir tête au tout puissant Idrissa Seck, il n’a pas été demandeur ?
Mais ceux qui étaient au niveau de la direction centrale qui avaient proposé au secrétaire général national du Pds de recruter Mbaye Diouf alors qu’ils connaissaient rien de la réalité sur le terrain et aujourd’hui on a vu les conséquences. D’ailleurs, il a été battu ici à Thiès malgré sa puissance et il s’était même évanoui au soir des résultats. Donc, je ne réponds pas à ses attaques parce que je suis très digne. Mais ce que je réitère, c’est l’erreur commise par le parti qui doit assumer.
Vous avez cité Mbaye Diouf, mais d’autres responsables vous ont abandonnés ?
Non, je vous l’ai dit, on ne peut pas avoir l’unanimité mais on a avec nous les quatre-vingt-dix pour cent des responsables. En tout cas, le Pds n’a pas à ignorer cette structure qu’est le Comité exécutif qui est par ailleurs le levier sur lequel le parti doit s’appuyer s’il veut se redresser. D’ailleurs, le parti n’est plus qu’une coquille vide encore une fois. On a juste un secrétaire général très généreux avec quelques-uns de ses collaborateurs, rien d’autre. Et je ne suis pas sûr non plus que ses collaborateurs lui donnent les bons conseils. Maintenant, s’ils ne veulent plus du parti, ils n’ont qu’à le dire clairement. S’ils ont une autre idée également, ils n’ont qu’à le dire, et chacun saura à quoi s’en tenir. .
Propos recueillis par Ibrahima NDIAYE (Correspondant à Thiès)
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