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Politique

AFFAIRE BARA TALL - Une bourde magistrale

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AFFAIRE BARA TALL - Une bourde magistrale

 

Si on a voulu s’en servir comme « escalier » pour atteindre l’ancien Premier ministre, Idrissa Seck, la manœuvre a complètement foiré. Et les conséquences sont bien fâcheuses pour l’État qui semble avoir beaucoup de mal à se relever d’une si grosse bourde.

Au commencement, était déjà une énorme erreur. Une décision improvisée du président Wade qui faisait fi de toutes les règles de bonne gouvernance. En effet, sous l’appellation de «Programme spécial Indépendance 2004 », les fameux chantiers de Thiès sont lancés à la hâte. Avec comme objectif, la réalisation d’infrastructures en l’espace seulement de dix mois afin d’accueillir les festivités marquant la fête de l’Indépendance, prévue le 4 avril 2004 dans la cité du rail. Certes, à l’origine, l’intention des pouvoirs publics était louable. Puisqu’il s’agissait, grâce à l’organisation tournante de la fête de l’indépendance, « d’assurer l’expansion des investissements dans chaque région en tenant compte des exigences de la lutte contre la pauvreté et de l’atteinte des Objectifs du millénaire pour le développement (OMD ».

Aussi, le choix devait-il porter prioritairement sur les régions les plus démunies telles que Kolda et Fatick. Même si, en définitive, c’est Thiès qui sera choisie puisqu’étant la seule région de l’intérieur à remplir les exigences de sécurité et à disposer d’infrastructures minimales pour accueillir une manifestation de cette envergure. Voilà comment on en est arrivé aux fameux chantiers de Thiès.

L’élan patriotique brisé

Et Bara Tall dans tout cela ? Comment et pourquoi le patron de Jean Lefebvre Sénégal s’est-il retrouvé avec la plus grosse part de marché ? La réponse tient principalement à la nature et au mode de financement des chantiers de Thiès. En effet, en plus des délais de réception relativement courts, leur exécution venait butter sur un tout autre écueil. En l’occurrence, leur financement à coup de milliards. Une des conditions posées par l’État étant que l’ardoise nécessaire pour leur réalisation devait être entièrement prise en charge par le budget national. Or donc, le lancement du Programme spécial Indépendance 2004 étant intervenu après avril 2003, c’est-à-dire plus de quatre mois après le démarrage du budget de ladite année, il fallait absolument recourir à un autre mode de financement pour parer au plus pressé. En clair et pour dire les choses crûment, l’État s’était engagé sur les travaux de Thiès à la va-vite et sans avoir les moyens de sa politique. D’où le recours au préfinancement de la part d’entreprises triées sur le volet et offrant la garantie de santé financière pour mettre sleurs propres billes dans l’opération et l’exécuter dans des délais records. Résultat des courses : certaines entreprises de Btp qui avaient été approchées par l’État parce qu’elles semblaient remplir cette garantie n’ont pas voulu s’engager dans ce qui apparaissait comme « une aventure ». Parmi elles, les multinationales dont on sait qu’elles ne sont pas dirigées par des philanthropes. Mais également quelques entreprises ayant pourtant comme responsables des nationaux. Contrairement au patron de Jls qui, nonobstant le facteur risque, n’a pas voulu laisser les pouvoirs publics au milieu du gué. D’autant qu’il est non seulement originaire de Thiès, mais il s’est également longtemps fait remarquer de par son appui à l’État dans sa politique d’infrastructures. D’où le choix porté à l’époque sur sa personne pour diriger le groupe « Infrastructures » du Conseil présidentiel pour l’investissement (CPI) duquel il vient de démissionner.

Contrairement donc à ceux-là qui avaient freiné des quatre fers devant l’impossibilité de l’Etat de payer rubis sur ongles, le patron de Jean Lefebvre, fort de son entregent et de la confiance de ses banquiers, met sur la table la bagatelle de 10 milliards de francs représentant le montant d’un prêt cumulé de la Cbao et de la Citybank. Là où une autre grosse entreprise de Btp au capital entièrement sénégalais soutiendra ne pouvoir mobiliser « que » 600 millions, compte tenu de ses engagements antérieurs. Le Pdg de la holding Talix Group qui a eu à faire preuve d’enthousiasme à propos des chantiers de Thiès, là ou d’autres nationaux avaient préféré ne courir le moindre risque, se verra priver d’autres travaux où il avait été pourtant le mieux-disant à l’issue de l’appel d’offres.

Une arrestation aux conséquences fâcheuses

Mais qui a donc intérêt à l’arrestation de Bara Tall ? La question s’impose au regard de la tortuosité avec laquelle on s’y est pris pour l’envoyer coûte que coûte en prison. Épinglé dans un premier temps pour le délit de « surfacturations » par le très controversé rapport de l’Ige, ce n’est curieusement pas ce chef d’accusation qui lui vaut son emprisonnement à Rebeuss.  Le patron de Jls a été plutôt inculpé et placé sous mandat de dépôt pour « s’être fait octroyer un financement de l’État d’un montant de 8 milliards sur la base de fausses pièces ». Qu’est-ce qu’on est donc bien loin du délit initial relatif à de supposées « surfacturations » dans l’exécution des chantiers de Thiès !

N’est-il pas curieux que quelqu’un qui s’est endetté à hauteur d’une dizaine de milliards pour venir à la rescousse de l’État puisse se retrouver d’un seul coup accusé de lui avoir pompé 8 milliards ? Comment comprendre surtout que Bara Tall puisse être poursuivi pour un tel montant par l’État qui reste lui devoir 13 milliards, représentant le reliquat du règlement des marchés qu’il a dûment gagnés ? C’est à croire qu’il y a eu bel et bien une volonté manifeste de l’envoyer en prison quelles que puissent être les arguties juridiques. C’est aussi vraisemblablement parce qu’il aura été si convaincant lorsqu’il s’est agi de démonter l’accusation de « surfacturations » devant la Commission d’instruction de la Haute Cour de justice qu’il fallait vaille que vaille lui coller un autre chef d’inculpation. Et surtout un qui l’enverrait forcément à Rebeuss si tant est qu’il ne veuille pas y échapper grâce au versement d’une caution, comme il s’en est du reste toujours défendu. Ce qui donne manifestement raison à ceux qui pensent qu’on a voulu se servir du patron de Jls comme un «escalier» pour atteindre l’ennemi public N° 1, l’ancien Pm, Idrissa Seck.

En effet, en l’inculpant pour le délit de «détournement de deniers publics», et non de « surfacturations », ces bourreaux n’ont voulu lui laisser aucune échappatoire. Car s’il acceptait de cautionner, il aurait certes bénéficié d’une liberté conditionnelle, mais il aurait aussi du coup « mouillé » l’ennemi juré des actuels tenants du régime libéral. A défaut, pensait-on, il allait craquer dès qu’il aurait été jeté en prison et balancerait Idrissa Seck. Mais, en définitive, il n’y a eu ni l’un, ni l’autre. Et comme dans le scénario de l’arroseur arrosé, ce sont les tenants du pouvoir qui se retrouvent présentement dans de sales draps en se mettant à dos et la majorité des Sénégalais et les tenants du capitalisme national.  En effet, une bonne frange de l’opinion ne comprend toujours pas qu’on puisse jeter en prison un entrepreneur de la trempe de Bara Tall dans le cadre d’une affaire civile et pour une accusation tirée par les cheveux. Quant au patronat sénégalais, toutes organisations confondues, il se soucie plutôt des dommages collatéraux d’une telle arrestation sur l’environnement des affaires en ce qu’il s’agit là d’un bien mauvais signal en direction des investisseurs. «Si les chefs d’entreprise paient le prix du conflit qui oppose le président de la République à son ex-Premier ministre, il y a lieu de s’inquiéter », a déjà dit à ce propos le président de la Confédération nationale des employeurs du Sénégal (Cnes), Mansour Kama.

La bourde de l’État est d’autant plus grave qu’on ne comprend guère par quelle logique, il a eu à confier à un entrepreneur coupable à ses yeux de « fraude » la réalisation d’autres infrastructures bien après le déclenchement de l’affaire dite des « chantiers de Thiès ». En effet, Bara Tall ne s’est-il pas vu attribuer l’essentiel des travaux réalisés sur la plate-forme de Dakar (autoroute à péage notamment) ainsi que l’aménagement de la Zac de Thiès, le pont de Ouaoundé et la route le reliant à Bakel sur la base de la compétence, du sérieux et de la rigueur dans le respect des délais reconnus à son entreprise. Et dire que tous ces travaux lui ont été confiés bien après qu’Idrissa Seck a cessé d’être Premier ministre.

Mais surtout quelle mouche a piqué l’État pour qu’il veuille détruire l’image de celui qui, en sa qualité de responsable du groupe « Infrastructures » du Conseil présidentiel de l’investissement, était jusque-là ce qu’on appelle en marketing son « produit d’appel ». Conséquence : c’est l’État-Pds qui se révèle finalement dans sa face la plus hideuse en brisant l’élan d’un chef d’entreprise que nombre de ses compatriotes considèrent comme un modèle.

Pourquoi Bara Tall est-il un symbole ?

Les arrestations d’hommes publics sont monnaie courante depuis six ans. Mais on n’en avait pas encore vu une qui aura suscité autant de réactions d’indignation que celle de Bara Tall. Et pour cause. Son parcours est unanimement salué comme un modèle de réussite.

Même promis aux pires affres de la prison, il ne s’est point départi de son courage à toute épreuve, ni de son sens élevé des responsabilités. De la même manière qu’il avait engagé l’avenir de son entreprise Jls dans l’exécution des chantiers de Thiès, poussé par son élan patriotique, il n’a guère hésité à faire don de sa personne pour ne pas laisser libre cours à l’arbitraire. Ce faisant, Bara Tall a encore forcé l’admiration de nombre de ses compatriotes qui ont toujours vu, à travers son cursus, le triomphe du modèle « Made in Sénégal ».

« Talix Group ( NDRL : la holding dont il est le Pdg et qui compte pas moins de dix filiales), c’est plus d’un demi-milliard de masse salariale mensuelle (250 millions pour Jls), un chiffre d’affaires annuel cumulé de de plus de cinquante milliards de FCFA, plus de trois mille employés », révèle le Rédacteur en chef du Populaire dans l’édition du quotidien du 23 novembre 2006. Pourtant, il naquit sans une cuillière d’argent à la bouche et s’est fait à la seule force du poignet. Et, surtout, il n’a pas franchi une seule fois les frontières du pays qui l’a vu naître pour en arriver là où il est. Pas la prison dont les Sénégalais conviennent unanimement que « ce n’est pas sa place ». Mais plutôt à la tête de cette  holding qui intervient dans des domaines aussi divers que le montage financier de projets d’infrastructures routières, la production et l’exportation de fruits et légumes, mais aussi et surtout le secteur du bâtiment et des travaux publics à travers Jean Lefebvre Sénégal. Une entreprise où il avait été pourtant recruté en qualité de géomètre, à sa sortie de l’école Polytechnique de Thiès en 1981. Puis, surprise du chef. Dans un contexte où nombre de sociétés nationales en difficulté finiront dans le giron de multinationales occidentales, Bara Tall réussira lui la prouesse de « sénégaliser » Jean Lefebvre Sénégal en le rachetant au groupe français Vinci après y avoir gravi tous les échelons en qualité d’employé.

Voilà pourquoi plus d’un Sénégalais s’est senti profondément meurtri par son arrestation et cette volonté délibérée de vouloir humilier un chef d’entreprise de sa trempe que l’on devrait plutôt offrir en exemple. Car, Bara Tall est de cette race d’entrepreneurs nationaux comme Yérim Sow, Serigne Mboup du Groupe CCBM ainsi que les promoteurs du Groupe Elton qui, en dépit d’un environnement des affaires plutôt hostile, ont décidé de monter leurs affaires dans leur propre pays. Pour faire travailler leurs propres compatriotes. Ils n’ont pas pris la politique comme raccourci et sont parvenus là où ils sont par la seule force du travail. Et ils ne vivent surtout pas de rentes que confère l’appartenance à un establishment politique. Voilà ce qui en fait des symboles, des modèles de réussite sociale et une fierté nationale. La pire des injustices est que des capitaines d’industrie de cette trempe et de cette qualité puissent être sacrifiés sur l’autel de règlements de comptes politiciens. Alors qu’au même moment une kyrielle de scandales éclabousse tous les jours des tenants du régime sans tirer à conséquence. Ni même qu’on s’en émeuve.



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