CASAMANCE - L’humanitaire marocain dérange-t-il ?

Le royaume du Maroc a répondu favorablement à la requête de l’Etat du Sénégal pour déminer le terroir pollué par des mines enfouies n’importe comment depuis 22 ans de la région méridionale du pays. Un groupe d’une centaine d’experts marocains est dans la région du Sud depuis la fin décembre et a commencé à déminer. Les Marocains ont aussi installé un hôpital de campagne dans le cadre du volet sanitaire de leur action humanitaire. N’empêche, leur présence en zone sud semble diversement interprétée et paraît déranger ?

L’action humanitaire et technique marocaine en Casamance, dérange qui ? Le Mouvement des forces démocratiques de la Casamance (Mfdc) dont certaines factions continuent à réclamer l’indépendance ? Des membres des forces de sécurité sénégalaise ? Des « actionnaires » du social qui s’activent dans la région méridionale ? Des puissances étrangères hostiles aux deux pays ? Difficile de répondre pour l’heure à la question, mais l’on a constaté depuis l’arrivée des « sapeurs-démineurs » marocains en Casamance, quelques mouvements d’humeurs dans certains cercles aussi bien proches du Mfdc que d’autres milieux agissant dans le « social » ou dans les forces de sécurité. Une situation délétère que rien ne semble expliquer actuellement, d’autant plus que dans les « fameux » accords de paix signé en grande pompe à Ziguinchor le 30 décembre 2004 entre le gouvernement du Sénégal et l’Abbé Augustin Diamacoune Senghor, président du Mfdc, prévoyaient assurément le déminage de la région.

Certes, ces accords préconisaient une « union sacrée » entre les forces de sécurité du pays et des éléments d’Atika, la branche armée du Mfdc sous la supervision de l’Agence nationale pour la relance des activités économiques et sociales en Casamance (Anrac) avec le soutien d’experts étrangers pour déminer la région. Unilatéralement le gouvernement du Sénégal sans s’ouvrir, dit-on du côté du Mfdc, au mouvement irrédentiste partie prenante des accords, a fait appel à la communauté internationale pour déminer la région. Un appel qui a été réitéré par le président de la République, Me Wade devant le souverain chérifien qui était en visite de travail et privé au Sénégal, les 15-16-17 novembre 2006. Réagissant rapidement, Sa Majesté, Mohammed VI et son gouvernement ont mis dès le mois suivant, à la disposition du Sénégal, une équipe d’expert en la matière.

Un groupe de sapeurs-démineurs marocains s’est donc rendu en Casamance dès la fin du mois de décembre dernier. Il travaille à la dépollution des zones infectées par les mines depuis une vingtaine d’années maintenant. Les spécialistes marocains ont aussi installé un hôpital de campagne qui octroie des consultations et des interventions chirurgicales au bénéfice des populations. Les démineurs marocains dispensent également des cours théoriques et pratiques à leurs collègues sénégalais de l’armée nationale. Des actions déjà menées au Niger et en République démocratique du Congo, assurent des officiels marocains de l’Ambassade de ce pays au Sénégal. Les Marocains ont-ils cependant coupé l’herbe sur les pieds aux « chasseurs de prime » du social dans cette partie méridionale du Sénégal ? Ont-il dérangé les calculs et les espérances pour de gros budgets en provenance des pays amis ou des bienfaiteurs du Sénégal ?

César Badiate crie aux mercenaires

La presse a fait état d’un récent communiqué émanant du maquis de Kassolole que commande César Atoute Badiate s’offusquant de la présence marocaine en Casamance et taxant les experts marocains de mercenaires. Un communiqué récusé par l’aile officielle civile du Mfdc qui dit, « travailler pour que la Casamance ne s’aliène pas le Maroc ». Mais qui n’en déplore pas moins le procédé des autorités sénégalaises qui, sans crier gare, ont fait appel aux Marocains. Selon ces « responsables » du Mfdc joints au téléphone depuis Dakar, « nous avons signé le 30 décembre des accords avec le gouvernement du Sénégal, des accords qui prévoyaient le déminage de la région, qui devait se faire néanmoins sous la supervision concomitante du Mfdc et des forces de sécurité du Sénégal sous l’autorité de l’Anrac. Ce n’est pas le cas. Le Mfdc a été mis devant le fait accompli. Quand on sait que dans le passé, des opérations de ce genre avaient été initiées et qu’Atika en avait fait les frais en voyant certaines de ses positions attaquées et ses éléments la cible de l’armée, on peut valablement comprendre que certains parmi nous s’inquiètent ».

N’empêche, le Mfdc quasi unanimement clame son innocence dans le meurtre odieux de l’ex-président du Conseil régional de Ziguinchor, le natif de Sindian, Omar Lamine Badji. Selon ces responsables contactés, « le Mfdc se serait attaqué aux positions marocaines et de l’armée et non à Omar Lamine Badji, si d’aventure on voulait marquer militairement notre désaccord ». En ce qui concerne les grincements de dents notés en Casamance, le Mfdc sans nier qu’au moins un des leurs, César Atoute Badiate pour ne pas le nommer a « endossé un communiqué » dans ce sens, nie tout autre action hostile à la présence marocaine, même si les responsables interrogés veulent être plus associés à toute action visant à l’instauration de la paix. Alors la présence marocaine en Casamance dérange qui d’autre ?