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Politique

COMMENTAIRE: Sauver la République !

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COMMENTAIRE: Sauver la République !
C’est comme si l’histoire s’accélérait brusquement. Comme si, après avoir ronronné pendant des heures et donné l’impression qu’il allait rendre l’âme, le moteur s’emballait tout d’un coup. Appuyant sur l’accélérateur, le président de la République a apparemment décidé de prendre tout le monde de court et de vitesse, pour installer son fils sur son trône.

Pendant longtemps, il a endormi son monde, entretenant un flou artistique sur sa succession mais là, le doute n’est plus permis. Sentant qu’il ne pouvait pas reporter à l’infini cette délicate question de sa succession, qui se pose avec d’autant plus d’acuité que le temps lui est compté et qu’il aborde un dernier mandat de cinq ans, n’ayant trouvé personne qui soit digne de sa confiance, il a décidé d’installer son fils à la hussarde sur son fauteuil présidentiel tant convoité. Réélu confortablement à la présidence de la République malgré un bilan calamiteux, disposant d’une majorité confortable voire écrasante à l’Assemblée nationale, s’apprêtant à installer un Sénat à sa dévotion, ayant mis hors-jeu l’Opposition éliminée des institutions et n’osant guère s’exprimer dans la rue, il estime la situation favorable pour l’intronisation de son fils. Lequel serait le seul Sénégalais à réunir les qualités requises pour succéder à son glorieux père.

Et c’est vrai qu’au lendemain de l’élection présidentielle du 25 février dernier, le président Wade, après avoir menacé de ses foudres ses principaux adversaires à ce scrutin, avait tressé des lauriers à son fils paré de toutes les vertus. Il avait, à l’occasion d’une conférence de presse restée fameuse, tracé un portrait-robot de son successeur qui ressemblait à s’y méprendre à son fils adoré. Ou, du moins, il avait procédé par élimination. A la fin, il ne restait que… Karim. Mais c’est bien sûr ! Avant cela, dans une interview à un médium africain, il avait déclaré qu’il ne voyait personne dans la classe politique sénégalaise qui était capable de lui succéder.

Et pourtant, tout récemment encore, c’est-à-dire il y a dix jours à peine, dans un démenti à un article du quotidien Wal Fadjri, il redisait avec force qu’il n’a pas de dauphin et que le moment venu, son successeur serait choisi par le biais du suffrage universel. Il omettait tout simplement de dire qu’après lui avoir mis le pied à l’étrier, il pourrait présenter son fils à l’élection présidentielle et le faire réélire les doigts dans le nez en appliquant à merveille la « méthode Faure » (du nom du fils du défunt chef de l’Etat togolais, Gnassingbe Eyadéma) qu’il avait justement théorisée lui-même. « Tu disposes du Parti, tu as de l’argent et tu as l’Armée avec toi. Avec cela, tu ne peux pas perdre des élections. Va, organise des élections, gagne-les et nous te reconnaîtrons » avait conseillé le président Abdoulaye Wade au fils du défunt doyen des chefs d’Etat d’Afrique venu lui demander des conseils.

Wade qui a déjà un grand parti, va le restructurer et le renforcer en un très puissant parti présidentiel qu’il va mettre à la disposition de son fils. L’argent, son fils et lui en ont beaucoup avec lequel ils arroseront les grands électeurs, notamment les marabouts, le moment venu. L’Armée est apparemment sous contrôle même si c’est là seulement que se trouve la plus grande inconnue car on voit mal cette Grande muette, gardienne des traditions républicaines, accepter une dévolution monarchique du pouvoir sans réagir. Mais peut-être que là aussi l’argent et les étoiles peuvent faire des miracles…

Pour le reste, histoire de ne rien laisser au hasard, le Sénégal dispose depuis l’élection présidentielle de février dernier, d’une science électorale que nul autre n’a à travers le vaste monde. L’actuel ministre de l’Intérieur, Me Ousmane Ngom, qui vient de faire allégeance à la « Génération du Concret », est devenu un expert dans l’art de gagner des élections sans être vraiment majoritaire. Et puis, il y a surtout le jeune Thierno Ousmane Sy, conseiller spécial du président de la République en charge des Nouvelles technologies de l’Information et de la Communication , qui a été le grand artisan de la numérisation des cartes et du fichier électoraux, qui a fait des merveilles en février. Thierno Ousmane Sy qui a été l’auteur d’un crime informatique parfait en février. Et ce avec l’aide de la firme britannique DeLarue. Avec tous ces atouts à sa disposition, ce serait bien le diable si le petit Karim Wade, à l’instar de Faure Gnassingbé, ne gagnait pas d’éventuelles élections qui seraient organisées pour élire le successeur de son père.

Après avoir obtenu le limogeage de l’ancien Premier ministre, M. Macky Sall, coupable de ne pas vouloir s’effacer docilement devant M. Karim Wade, les stratèges de la « Génération du concret » ont mis la haute main sur le gouvernement de M. Cheikh Adjibou Soumaré. A présent, ils ont lancé une Opa inamicale sur le Parti démocratique sénégalais (Pds), la formation plus que trentenaire créée par le père de Karim et qui l’a conduit au pouvoir. Selon un scénario qui reste à définir — genre une variante libérale du fameux « congrès sans débat » du Parti socialiste qui porta Ousmane Tanor Dieng à la tête de ce parti —, la propriété du Pds sera donc transférée à la « Génération du Concret » et à son leader, M. Karim Wade. Il ne restera plus qu’à organiser des élections pour le porter au pouvoir et le tour sera joué. Surtout que ledit Karim sera auréolé du succès de la tenue d’un éventuel sommet de l’Oci (Organisation de la Conférence islamique) au Sénégal. En fait, même si ces assises ne se tiennent pas, il suffira que la construction des infrastructures — routes, tunnels, échangeurs, ponts, hôtels cinq étoiles — censés accompagner cet événement, soit achevée, pour qu’une image de bâtisseur soit accolée à M. Karim Wade. Sans compter que les travaux de l’aéroport de Diass et du Port du Futur seront eux aussi terminés.

Bien évidemment, au chapitre des réalisations, M. Macky Sall aussi peut se prévoir d’un bilan tout aussi appréciable, sinon plus avantageux. Oui, mais, justement, il faut que Karim Wade soit présenté aux yeux de l’opinion comme le seul bâtisseur, le seul ayant un carnet d’adresses impressionnant, le seul capable d’emmener des investisseurs au Sénégal. Surtout qu’il est déjà un brillant financier. Il s’agit là d’un scénario trop beau, presque parfait, qui risque cependant de se heurter à une opposition farouche non seulement à l’intérieur du Pds, mais aussi du sein de larges secteurs du peuple sénégalais. Lesquels, pour rien au monde, n’accepteront que le caractère républicain de l’Etat sénégalais soit dévoyé au service des ambitions monarchiques de Me Abdoulaye Wade que l’on hésite à présent à qualifier de président de la République tellement ses actes de ces derniers mois le font de plus en plus ressembler à un Roi. Le dernier en date de ces actes, c’est sa décision de faire prêter serment à ses ministres. Un serment d’allégeance à sa personne, en fait, qui n’est mentionné nulle part dans la Constitution.

On est d’autant plus malheureux à la vue de ces actes et devant le coup de force qui se prépare, qu’Abdoulaye Wade ne méritait pas une si triste fin de règne. Car l’homme, très brillant quoi que l’on dise, nationaliste ardent mais aussi, paradoxalement, panafricaniste convaincu, a mené un combat exemplaire de plus d’un quart de siècle en faveur de l’enracinement de la démocratie et de la possibilité d’une Alternance par la voie des urnes en Afrique. Ce faisant, il a consolidé et approfondi l’expérience démocratique sénégalaise qui était déjà un modèle en Afrique. Hélas, parvenu au pouvoir, il l’a à ce point fait régresser que même des pays comme le Mali et, surtout, la Mauritanie dont nous gaussions, nous ont à présent dépassés sur le plan du respect des libertés et de la transparence électorale. Et voilà qu’il s’apprête à porter l’estocade finale à cette démocratie qui était finalement notre seule richesse !

Il n’est sans doute pas trop tard pour qu’il renonce à accomplir cet acte sacrilège et qu’il choisisse, parmi la multitude de prétendants dans son parti, quelqu’un qu’il aiderait à s’installer au pouvoir comme l’a fait son complice et ami, le général démocrate Oluségun Obasanjo, qui a choisi Oumarou Yar’Adua, a battu campagne pour lui et l’a aidé à gagner… dans des conditions scandaleuses il est vrai. Mais enfin, après des protestations de pure forme, la communauté internationale a fini par s’accommoder de l’élection dudit Yar’Adua. Que l’on nous comprenne bien : nous n’avons rien contre le jeune Karim Wade qui a toujours nourri des sentiments fraternels et de profond respect à notre endroit. Des sentiments qui sont réciproques du reste. C’est un jeune homme qui a fait des choses merveilleuses, notamment les travaux de la Corniche qui ont permis à la circulation de se fluidifier dans Dakar. Contre tous les sceptiques et les adeptes de saint-Thomas comme moi qui juraient que l’aéroport de Diass ne verrait jamais le jour, il a réussi non seulement à boucler avec maestria le financement de cet aéroport, mais encore cet ouvrage moderne et fonctionnel va être achevé dans une trentaine de mois. Bien que cauchemardesques pour les riverains et les usagers pour le moment, les travaux d’élargissement de la Vdn (Voie de dégagement Nord) sont un mal nécessaire. Et Dakar où pas un seul hôtel digne de ce nom n’avait pas été construit depuis une vingtaine d’années, va étrenner bientôt une demi-dizaine au moins de palaces cinq étoiles et attirer le tourisme de congrès. De même, le fait d’avoir réussi à intéresser les investisseurs de Dubaï à notre modeste pays, qui ne sera dès lors plus une chasse gardée française, est un coup de génie qu’il convient de saluer. Faut-il, dès lors, gâcher un bilan aussi appréciable en essayant d’installer Karim Wade au pouvoir pour succéder à son père ? La réponse est non.

Le Sénégal ne saurait être transformé en monarchie et le président de la République —et son fils d’ailleurs — gagneraient à ne pas écouter les courtisans et autres opportunistes en diable qui les poussent dans cette voie. Ces gens qui prétendent les aimer les poussent à leur perte et ils seront les premiers à tourner casaque dès lors que des problèmes apparaîtront. Où sont donc tous ceux-là qui juraient loyauté et fidélité indéfectibles à son prédécesseur, le président Abdou Diouf ? N’ont-ils pas été les premiers à lui jeter la pierre et à transhumer ? En réalité, rien ne s’oppose à la réalisation des ambitions présidentielles de M. Karim Wade mais, pour plus tard. Dans cinq ou dix ans, il pourra toujours solliciter les suffrages des Sénégalais comme l’a fait le président américain Georges Walker Bush qui est le lointain successeur de son père. Et comme tente de le faire en ce moment Mme Hillary Clinton qui voudrait bien, elle aussi, devenir présidente des Usa après en avoir été la Première dame du temps où son époux, Bill, en était le tout-puissant président de la République. Mais succéder là, comme ça, directement, à son père au pouvoir, ce serait une dévolution monarchique que nul républicain ne saurait accepter…     



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