Avant l’ouverture de la campagne électorale, c’est sans conteste un hors d’œuvre que vient de servir le Professeur Abdoulaye Bathily, avec le congrès d’investiture de la coalition Jubbanti Sénégal, dont il est l’étendard, en vue de la présidentielle du 25 février. Au sortir de cet événement majeur de la vie de son parti, la Ld/Mpt, et de ses alliés, le candidat s’est penché sur la situation nationale, marquée par une situation de rupture de l’ordre constitutionnel et ne manque pas de mettre en garde le président Abdoulaye Wade…
Vous venez juste de sortir du congrès d’investiture de la coalition Jubbanti Sénégal, qui a décidé de vous porter à sa tête comme candidat à la présidentielle. Pouvez-vous nous ébaucher les grandes lignes du programme que vous soumettrez aux Sénégalais, durant la campagne électorale qui s’ouvre dans deux semaines ?
Mon programme, je vais le décliner pendant la campagne électorale, c’est ce que j’ai annoncé. Vous savez qu’en ce qui me concerne, je n’ai pas l’habitude de faire de fausses promesses. Je suis, je pense, un homme de parole et ma propre expérience gouvernementale l’a prouvé. Quand j’étais ministre de l’environnement, j’ai donné un visage à ce qui devrait représenter une bonne politique de l’Environnement, tous les Sénégalais s’en souviennent. C’est ce que j’ai fait à l’Energie et à l’Hydraulique, avec le court passage que j’ai fait dans ces stations. A mon avis, ce n’est pas une question de personne, ni une question d’expérience personnelle. C’est une question de valoriser une expérience collective, de mettre l’expertise nationale au service d’une cause nationale, d’une vision nationale. Moi Abdoulaye Bathily, je ne suis pas le seul détenteur de compétences. La Ld/Mpt dans son ensemble regorge de compétences. Tout le monde a vu ce qu’ont fait les ministres Yoro Deh et Seydou Sy Sall, et avant eux le ministre Mamadou Ndoye, qui est mon directeur de campagne. On ne peut pas parler d’éducation au Sénégal et en Afrique sans parler de lui. J’ai ces compétences autour de moi, mais je sais que la Ld ne renferme pas seule ces compétences. Elles existent dans tous les partis politiques, dans la société civile, ainsi que chez beaucoup de citoyens à l’intérieur com-me dans la diaspora. Malheureusement, elles ont été toutes mises de côté. On a eu droit à une gestion personnelle du pouvoir, un homme qui s’est mis au-dessus de tout le monde, en pensant qu’il peut penser à la place de tout le monde, agir à la place de tout le monde. Et cela a causé toutes les catastrophes que nous connaissons depuis 2000. Je vais décliner mon programme, il n’y a pas à se précipiter. Pendant les 21 jours, vous m’entendrez. Je n’ai pas l’habitude d’insulter les gens, de jeter l’opprobre sur eux. Je déclinerai des propositions concrètes, sur la base de connaissances réelles des problèmes du Sénégal. Et j’avancerai des propositions de sortie de crise pour faire avancer le pays.
D’aucuns disent que c’est le Ps et la Ld/Mpt qui sont à l’origine du report des législatives, puisque ce sont eux qui ont déposé une requête auprès du Conseil d’Etat, pour l’annulation du décret portant répartition des sièges des députés…
Comment pouvez-vous dire que c’est le Ps et la Ld/Mpt qui sont à l’origine du report des législatives ? Nous avons juste décidé de redresser une injustice commise par Abdoulaye Wade contre des citoyens sénégalais. Il a violé la loi, en foulant aux pieds les droits des citoyens sénégalais. L’Assemblée nationale représente la population du Sénégal. Elle ne représente pas les anges, elle ne représente pas les nuages ou les forêts. L’Assemblée nationale représente les habitants du Sénégal, les populations du Sénégal. C’est de cela dont il s’agit, quand on parle d’Assemblée nationale. Abdoulaye Wade a prétendu qu’il a augmenté le nombre des députés parce que la population du Sénégal a augmenté. D’ailleurs nous, nous étions contre l’augmentation des sièges des députés. Il a pris l’engagement avec nous quand il est venu en 2000 au pouvoir, de faire passer le nombre des députés de 140 à 120 députés, ce qui a été fait. Et pour des raisons politiciennes, il a augmenté les députés de 120 à 150, à quelques mois des élections. La raison qui a été avancée est que la population a augmenté. Si la population a augmenté, mais les députés doivent augmenter en proportion des départements concernés. Cette règle là, Abdoulaye Wade l’a foulée au pied. Vous pensez que nous, en tant que démocrates, représentants, les populations, nous ne devions pas poser ce problème de principe parce qu’il faut organiser des élections à n’importe quelles conditions ?
Devions-nous le suivre en ne faisant rien alors qu’il ne fait que violer les lois, les règlements, le processus électoral ? Tout le monde sait qu’Abdoulaye Wade n’avait même pas besoin de ce report là. En réalité, ce qui l’a poussé à reporter les législatives, c’est que lorsqu’il a vu les listes, il s’est rendu compte qu’il ne peut pas gagner les élections législatives. Le couplage ne l’arrangeait plus, il fallait trouver un prétexte. Et nous n’acceptons pas ce prétexte là et c’est ce que les partis de l’opposition avec la société civile ont dit hier (Ndlr : jeudi dernier) chez Amath Dansokho. C’est un prétexte dont il a voulu se servir, mais ça ne tient pas. Ça ne tient pas la route. Nous ne pouvons pas être responsables de ça. Est-ce que nous sommes responsables de la prorogation du mandat des députés ? C’est le plan Jaxaay. Est-ce que nous étions à la base du plan Jaxaay ? (…) En réalité, Abdoulaye Wade ne veut pas aller aux élections, ou bien il veut y aller dans des conditions telles que, naturellement, il n’y aura pas d’élections et il va être proclamé président de la République. Je le mets solennellement en garde contre cela. Ce qu’il est en train de préparer, nous le savons, nous ne l’accepterions pas. Il va avoir une fin triste de mandat, s’il continue dans les plans qu’il est en train d’ourdir contre la démocratie sénégalaise.
Le Collectif des organisations de la société civile vient de faire une tournée dans cinq régions du pays pour s’enquérir de l’Etat d’avancement du processus électoral. Il s’est rendu compte que la réalité du terrain ne favorise pas la tenue d’élections libres, transparentes, mais surtout valides, à la date du 25 février. L’opposition n’a pas, semble-t-il était sensible à cela…
(Il coupe) Mais, l’opposition est tellement sensible à ça ! Vous entendez tous les jours, pour la Ld/Mpt et pour la Cpa, Ousmane Badiane qui, depuis un an, ne fait que dénoncer les manquements au processus électoral. Nous sommes au premier chef concernés par cela. La Constitution dit que : «Les partis concourent à l’expression du suffrage». Eh bien, sur le terrain national, nous voyons ce qui se passe, car la Ld est implantée dans tous les départements du Sénégal, les arrondissements, les communes et dans presque tous les villages. Donc la manière dont les inscriptions se sont déroulées, nous le savons. Les éléments du processus électoral nous les avons. Ce que la société civile vient de découvrir, mais nous l’avons découvert depuis longtemps et nous en parlons depuis très longtemps. Nous avons dit que la Cena ne joue pas son rôle. Elle est toujours en deçà de ce qu’à été l’Onel en 1998 et en 2000. Et il y a effectivement de vraies préoccupations sur le processus électoral. Nous mettons solennellement en garde Abdoulaye Wade, parce que tout cela est fait à dessein. C’est-à-dire, organiser une mascarade électorale pour s’installer. Il sait que le couplage ne l’arrange plus, il modifie les règles du jeu, en pensant qu’avec l’élection présidentielle, il peut faire une mascarade et se proclamer président de la République, pour organiser après des élections législatives dans les mêmes conditions de mascarade. Nous n’accepterions pas cela. Nous ne l’accepterions pas. C’est un jeu dangereux auquel il est en train de se prêter et qui va se retourner contre lui. D’ailleurs ce qu’il fait est entrain de se retourner contre lui.
La dernière réunion du Conseil des ministres a adopté quatre projets de lois portant modification de certains articles clés du code électoral…
(Il coupe encore) Mais c’est ça qui montre justement à ceux qui disent que l’opposition est responsable du report des élections, ce qu’est le dessein d’Abdoulaye Wade. Il sait que les règles du jeu, telles qu’elles existent, ne lui permettront pas de gagner ces élections-là. Que ce soient les élections présidentielle, législatives ou locales, il a perdu sur toute la ligne. Lui-même est au plus profond de son discrédit aux yeux de l’opinion nationale. L’opinion internationale commence à le découvrir à travers les scandales. Maintenant beaucoup d’observateurs qui viennent font des rapports sur la gestion chaotique de Abdoulaye Wade, sur les scandales financiers, la gestion dans laquelle il trempe lui-même les membres de son entourage, dans des conditions que la presse révèle tous les jours. Dans ces conditions, il ne peut pas gagner des élections. Il faut créer de nouvelles règles artificielles, pour que les élections ne se déroulent pas dans des conditions de transparence et de clarté.
Si c’était simplement la question de dire que c’est les élections législatives, il faut 60 jours, mais vous voyez bien qu’il veut reculer les élections jusqu’au 3 juin, mais ce n’est pas 60 jours. Vous voyez déjà ? Ensuite, toutes ces lois qu’il veut faire passer avant les élections, montrent très bien qu’il ne veut pas respecter la loi. Tout ce qu’il est en train de mener en ce moment va dans le sens de fausser l’expression du suffrage. En 2000 nous avons pris la décision de supprimer le Sénat. Il l’a fait. Voilà que maintenant il ressuscite cette assemblée. C’est pourquoi, c’est Me Weddi (Ndlr : surnom de Me Wade dans l’émission satirique Dialgati khibar sur la Rfm) en permanence. Donc le problème pour nous est très clair. Je pense que le peuple sénégalais en a assez de Abdoulaye Wade, en a assez de son régime et quoi qu’il fasse, il partira.
Quelle va être l’attitude de la Ld/Mpt par rapport à la seconde prorogation du mandat des députés ?
Maintenant, on ne sait même plus dans quoi on est. On est dans une situation de non droit totale. Il n’y a jamais eu une assemblée aussi discréditée. C’est la dixième législature depuis l’indépendance, mais jamais il n’y a eu une assemblée aussi discréditée que celle-là qui a voté les lois les plus iniques. Non seulement elle s’est auto-prorogée, elle a voté la loi Ezzan qui légalise l’assassinat politique et toutes les autres mesures qui ont été prises, concernant les manipulations du code électoral, la restriction des libertés. Cette assemblée, elle n’a aucune valeur au yeux des sénégalais. Alors, il prolonge parce qu’il sait que de nouvelles échéances arrivent. Il en a fini avec la majorité parlementaire.
Professeur, certains disent que l’opposition est submergée par les assauts de Wade avec les nombreux fronts qu’il a ouvert…
Oui, il joue avec les institutions. Il a fait discréditer toutes les institutions. Dans ce pays, l’Assemblée nationale ne vaut plus rien aux yeux de la population. Les gens ne croient plus en la Justice, le gouvernement est ridicule pour l’opinion publique. Un chef de gouvernement qui vient devant l’opinion nationale et internationale médusées, qui distribue de l’argent dont il prétend ne pas connaître l’origine. Sept milliards distribués et il dit ne pas en connaître la provenance. Donc le gouvernement est aujourd’hui ridiculisé. Lui-même a disqualifié sa fonction. La position de chef de l’Etat aujourd’hui aux yeux des Sénégalais se réduit à quoi ? C’est la fonction d’un homme politique, d’un chef de bande qui prend des décisions uniquement dans l’intérêt de sa coterie. Il n’y a plus cette hauteur de vue qu’on attend d’un chef d’Etat.
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