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Politique

Entretien avec… Aliou Dia (Député, président de force paysanne) : ‘ Les hommes politiques ont échoué, il nous faut des technocrates’

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Entretien avec… Aliou Dia (Député, président de force paysanne) : ‘ Les hommes politiques ont échoué, il nous faut des technocrates’
La politique énergétique, telle que définie au Sénégal ne saurait sortir le pays des ténèbres, selon le député Aliou Dia. Les priorités des hommes politiques étant aux antipodes de celles des populations, le président de Force paysanne soutient, dans l’entretien qu’il nous a accordé, que le Sénégal a besoin de technocrates et non de politiques qui ont lamentablement échoué dans leur mission. En plus de relever l’impertinence des plans Orsec et de la Statue de la renaissance, le secrétaire général de la Convergence pour le renouveau et la citoyenneté soutient que tout ce que le Sénégal a connu comme production l’année dernière était les résultats de la Goana.

Wal Fadjri : Vous venez de terminer une tournée dans le monde rural. Comment se porte-t-il ?

Aliou DIA : Dans le cadre du suivi de la campagne agricole, j’ai conduit, du 20 août au 4 septembre, une mission de la Commission nationale de supervision de session et de suivi des intrants et matériels agricoles à travers tout le pays. J’ai fait beaucoup de régions, dont Diourbel, Kaolack, Fatick, Kaffrine et Thiès. Et j’ai constaté que l’hivernage poursuit son court et que les cultures se comportent bien. Dieu nous a gratifié de très fortes pluies et bien réparties qui font qu’aujourd’hui, le tapis herbacé est très garni. Les paysans ont semé les semences toutes variétés confondues dont ils disposaient et ils ont bien travaillé les champs de sorte que nous comptons, cette année, obtenir une production record à tous les niveaux, si les pluies continuent jusqu’en fin septembre. Que Dieu le fasse.

J’ai aussi constaté, du point de vue hydrique, qu’il n’y a pas à se plaindre. Partout où nous sommes passés, toutes les filières confondues promettent bien. Et Dieu merci, nous n’avons pas connu assez d’attaques cette année. On n’en a connu dans la région de Fatick pendant les semis où il y avait quelques sautereaux et des chenilles qui avaient commencé à faire des ravages. Mais la Direction de la protection végétale (Dpv) a réagi très vite. Ce qui a fait que cela n’a pas eu d’incidence sur les cultures. Présentement, la Dpv a également pris des dispositions qu’il faut, en mettant déjà des unités au niveau des terres d’air qui permettent de répondre à toutes sollicitations en cas d’attaques. Que Dieu nous en préserve ! C’est vous dire qu’il y a de l’espoir. Il faut que l’on continue de prier et Dieu fasse qu’il continue de pleuvoir.

Certes, la pluie pose problème dans des localités comme Dakar avec les inondations et même en milieu rural à Mbirkilane, à Nioro, etc. Mais on ne peut pas vouloir une chose et son contraire. Nous voulons un hivernage, il va falloir donc qu’il pleuve. Cependant, il faut prendre les dispositions en trouvant des solutions pour ceux-là qui sont inondés.

Wal Fadjri : L’Etat qui s’est montré soucieux des inondations a déclenché le plan Orsec dont l’investissement est estimé à 2 milliards de francs Cfa. Cette enveloppe est-elle suffisante pour régler les problèmes de l’heure ?

Aliou DIA : Je ne le crois pas. D’ailleurs, je ne crois pas aux plans Orsec. J’ai la conviction qu’il nous faut une planification. Le gouvernement doit, désormais, faire une planification pour un assainissement de toutes les villes du Sénégal, de toutes les agglomérations rurales. Cela nous permettra de régler ces problèmes d’inondation une bonne fois pour toutes. Parce qu’un plan Orsec qui ne prend comme socle que le pompage et les bassins de rétention, s’est avéré impertinent. La preuve, le problème des zones inondées où il y a des bassins de rétention est dû au fait que ce sont ces mêmes bassins qui se sont déversés dans les maisons. En 2005, quand on a connu la première grande inondation, des dizaines de milliards de nos francs avaient été injectés sans qu’on ne trouve de solutions jusqu’à maintenant. Ce ne sont donc pas avec des plans Orsec que l’on va régler quelque chose mais, il va falloir planifier, faire un schéma national de canalisation. Savoir d’abord que tant qu’on ne met pas un plan directeur de la situation hydraulique du Sénégal en fonction de la carte actuelle, on aura toujours des problèmes.

On accuse à tort ou à raison les populations de s’installer dans les marécages, mais c’est trop facile. A Keur Massar, ce sont des fonctionnaires qui ont travaillé pendant trente ans avant d’aller à la retraite, qui habitent dans des zones inondables. Ils sont allés aux Hlm qui leur a vendu des terrains sur le site qu’ils ont construit. Et pourtant, les Hlm sont une structure que l’Etat contrôle à travers le ministère de l’Urbanisme qui veille sur tout cela. Prenez le cas des populations qui ont été déguerpies de la Cité Millionnaire de Grand-Yoff. Elles ont été relogées à Keur Massar. Or ce sont maintenant des zones qui connaissent beaucoup plus d’inondations que d’autres zones. Je ne crois donc pas à ces plans Orsec.

Wal Fadjri : Les résultats de la Goana ont été beaucoup chantés par les tenants du pouvoir. Etait-ce suffisant pour que ‘les paysans du dimanche’ boudent les champs, après une première expérience ?

Aliou DIA : On se pose même la question de savoir si tout ce que le Sénégal a connu comme production l’année dernière, était les résultats de la Goana. Cette question mérite d’être posée. Ce qu’il y a lieu de reconnaître, c’est que Dieu nous avait gratifié d’un bon hivernage l’année dernière. C’est cela la réalité. Les paysans s’étaient beaucoup investis dans les champs. Mais, si on fait le compte des fonctionnaires qui étaient retournés à la terre l’année dernière, dans le cadre de la Goana, il se trouve qu’ils n’y sont pas retournés cette année. Va-t-on connaître une baisse de production ? Non !

Malheureusement, ils sont nombreux les ‘paysans du dimanche’ qui ont boudé les champs cette année. Ils étaient partis chercher des terres au niveau des communautés rurales. Certains même s’étaient payés les services de saisonniers qui coûtent très cher. D’autres s’étaient endettés auprès des banques en y contractant des prêts. La conséquence est qu’il y en a parmi eux que des banques étranglent jusqu’à maintenant. C’est pourquoi, cette année, après une évaluation, on a constaté que la plupart de ces ‘paysans de dimanche’ n’ont pas eu le courage de regagner les champs.

Wal Fadjri : Ce qui veut dire qu’ils vont perdre les terres au profit des banques ?

Aliou DIA : Des spéculateurs plutôt. Parce que certains sont allés demander des terres, et si les banques n’étaient pas vigilantes, ils allaient déposer ces papiers qui leur ont permis d’avoir des terres en guise de garantie pour solliciter des prêts. Mais, sur la base de ces papiers, ils ne peuvent disposer d’aucun prêt. Parce que ce ne sont pas des titres fonciers. Au niveau des communautés rurales, j’ai été très clair. J’ai demandé aux paysans de ne pas offrir de terres. On ne donne jamais comme ça des terres. Il faut les leur prêter. Beaucoup m’ont suivi, mais d’autres ne l’ont pas fait. La terre, c’est un bien, vous signez un bail annuel. Si, après l’hivernage, on constate que vous avez respecté vos engagements, on renouvelle le bail. Si vous ne les avez pas respectés, on reprend les terres pour les remettre à quelqu’un d’autre. Et la situation de Mbane est connue de tous les Sénégalais. Et il existe d’autres Mbane au Sénégal.

Wal Fadjri : Vous êtes un fervent défenseur du monde rural. Des hommes politiques comme Moustapha Niasse estiment que les milliards investis dans la Statue de renaissance pouvaient servir à l’achat suffisant de semences et matériels agricoles. Partagez-vous son opinion ?

Aliou DIA : Je ne défends pas le monde rural, je me défends moi-même parce que je suis du monde rural. Je vis dans le monde rural. Etant un produit du monde rural, il est de mon devoir de défendre ce monde rural. Je suis toujours prêt à me sacrifier pour le monde rural. S’agissant du monument de la renaissance dont vous parlez, en termes de dépenses et de priorité, l’Etat est passé à côté. Nous avons d’autres priorités. La dépense est exorbitante. Treize milliards, c’est ce que réclame la Senelec aux communes pour pouvoir nous donner l’électricité qu’il faut. Si on avait mis cet argent à la disposition de la Senelec, on n’aurait pas eu ces délestages. On n’aurait pas connu ces nuits sombres, ces manifestations de jeunes, ces difficultés qu’on a rencontrées à tous les niveaux.

Ce monument n’est pas une priorité. La priorité, au Sénégal, c’est de faire en sorte que les Sénégalais mangent à leur faim, que les étudiants et les élèves étudient, que les malades soient soignés, qu’il y ait de la propreté dans nos villes. Je ne parle pas des difficultés liées à la mobilité urbaine. Vous avez vu la promiscuité au niveau des quartiers flottants de Dakar. Au lieu de créer un réseau d’extension pour l’électrification rurale, rendre nos villes belles, on crée un monument. Quelle serait l’importance d’un monument de 13 milliards dans ces tas de saletés que vous voyez. M. Niasse a donc bel et bien raison. Le monument de la renaissance n’est pas une priorité en termes d’utilité publique.

Wal Fadjri : Contrairement à l’électrification rurale ?

Aliou DIA : Absolument. On n’est pas dans un seul Sénégal où il ne peut y avoir deux développements et deux citoyens. Malheureusement, on a maintenant deux citoyens : le Sénégalais qui ne doit rien manquer et le Sénégalais qui ne doit rien attendre de son pays. Et pourtant, ce citoyen qui ne doit rien manquer, c’est celui-là qui, quand il y a eu délestage à Dakar, a dû descendre dans la rue pour brûler des pneus alors qu’il y a un citoyen qui n’a jamais passé la nuit dans une agglomération. Vous savez, l’électricité n’est plus un luxe, c’est une nécessité. Dans les villages où il y a l’électricité, des jeunes qui allaient en exode rural pour des salaires de 15 000 à 20 000 F Cfa ne viennent plus à Dakar. Ne serait-ce qu’acheter un frigo pour vendre de la glace leur permet de gagner cinq fois plus que ce qu’ils pouvaient espérer à Dakar. Cette électrification rurale a non seulement diminué l’exode rural, mais, a augmenté les revenus des femmes. Il faut que l’on comprenne cela, et que le Sénégal reprenne son programme tracé en 2000. On avait pensé mettre de l’électricité à l’horizon 2015 dans les 15 % du monde rural et faire de sorte que tous les sièges des communautés rurales soient électrifiés et reliés aux chefs-lieux d’arrondissement. C’est cette électrification rurale qui doit être parmi les priorités, parce que, sans cela, le monde rural ne sera jamais développé.

Wal Fadjri : Depuis 2000, on parle d’électrification rurale sans qu’il y ait des avancées significatives. A votre avis, à quel niveau cela bloque ?

Aliou DIA : C’est un problème de politique énergétique du pays. Au Sénégal, tant que notre politique énergétique est tributaire des ressources que nous ne produisons pas et dont les prix ne sont pas contrôlés par nous-mêmes, cela posera problème. Le Sénégal doit revoir sa politique énergétique et la rationaliser. Ce que l’on constate, c’est qu’on ne la déroule pas en fonction des nécessités. Souvent, les villages qui sont électrifiés, sont soit celui de tel marabout ou celui de telle personnalité politique influente. Ce n’est pas normal. S’il y avait une bonne planification de notre politique énergétique, il n’y aura pas eu autant de problèmes comme on en connaît maintenant. Il faut qu’on arrête cette sorte de discrimination. Ce n’est pas rationnel qu’on choisisse un village parce qu’il y a telle personnalité politique qui est là-bas. Vous allez vers un village Y, en traversant plus de trente villages quelquefois même plus importants démographiquement que le village dans lequel vous mettez le courant, sans pour autant faire descendre l’électricité au niveau de ces villages traversés. Et le transport du courant coûte très cher. Vous imaginez le nombre de poteaux installés, le câblage, les travaux que cela nécessite ; si vous l’évaluez, cela fait des milliards de nos francs. Alors que vous n’allez y installer le courant que dans vingt ou trente concessions dont les consommations ne dépassent pas 30 000 F Cfa le mois. La conséquence est que pendant plus de trente ans, on ne pourra pas récupérer le montant investi ne serait-ce que dans le transport de l’électricité. Il va falloir qu’on procède par grappe, en fonction des nécessités, et pas tout simplement sur la base du copinage, etc.

Wal Fadjri : L’actualité, c’est aussi le débat autour du dialogue politique entre le pouvoir et l’opposition. Ces rencontres s’inscrivent-elles dans l’ordre du possible ?

Aliou DIA : Il faut qu’on redéfinisse la notion de dialogue politique. Si le dialogue politique veut dire que les responsables politiques se retrouvent pour diagnostiquer les problèmes du pays afin de leur trouver des solutions dans le consensus, c’est formidable. Et cela ne doit pas connaître de rupture, le dialogue doit être permanent. Mais, si le dialogue politique est mué à un marchandage politique, si ce sont des subterfuges qu’on trouve, pour préparer l’horizon 2012, les Sénégalais n’en ont pas besoin.

Le Sénégal est assailli de difficultés. L’homme politique qui avait proposé des programmes devant servir à apporter des solutions aux divers problèmes du pays, sait qu’il a lamentablement échoué. Tous les programmes qui avaient été proposés, n’ont abouti à rien. Ils sont obligés de se parler, pas pour des problèmes électoraux ! Si c’est pour régler les problèmes du pays, ils sont obligés de mener ce dialogue. L’opinion doit les pousser à reprendre le dialogue. Il est important qu’il ait lieu. Mais, je crains qu’il soit un marchandage. Ainsi, le pouvoir, à chaque fois qu’il fait appel à l’opposition, pose des préalables. Et on ne sait pas de quelle opposition il s’agit. Dès que le pouvoir lance un appel, des voix s’élèvent pour dire que l’appel est adressé à l’opposition extraparlementaire. Certains soutiennent qu’il s’agit de l’opposition parlementaire. Il faut qu’on définisse de manière claire de quelle opposition parle-t-on. Et que l’opposition comprenne qu’on est dans l’opposition pour s’opposer en critiquant le pouvoir à mieux faire.

Malheureusement, les populations ne se reconnaissent plus dans les programmes de développement qu’on leur propose. En tout cas, cela n’a pas encore d’incidents positifs sur le niveau de vie des populations. Les hommes politiques devaient indiquer la voie à suivre pour le Sénégal, mais ils ont tous échoué. Il faut des états généraux dont le seul salut serait de mettre à la tête du Sénégal des experts, des techniciens, bref des technocrates. Au Sénégal, on parlotte beaucoup, on négocie beaucoup, on fait beaucoup dans l’altruisme, on a beaucoup collaboré, beaucoup promis sans qu’il y ait du concret. Il faut proposer des solutions de sortie crise sérieuse pour un Sénégal émergeant.

 



1 Commentaires

  1. Auteur

    Kik

    En Janvier, 2012 (22:03 PM)
    ki mô dakha féne fiy...khawma dômou serigne nga wala...egoiste

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