Frustrations politico-sociales : Pourquoi Touba s'éloigne de Me Wade

Après l'euphorie du début du régime de l'alternance de bien des mourides d'être de la même confrérie religieuse que le chef de l'État, c'est, depuis la dernière visite du ministre d'État Djibo Kâ à Serigne Saliou Mbacké, le sentiment de frustration qui culmine. Les griefs de Touba contre Me Abdoulaye Wade : le ranch de Dolli, la mise à l'écart des cadres mourides et la transformation de la ville sainte en « ring politique », etc .

Touba, capitale du mouridisme, ne serait plus tellement contente de l'un de ses disciples : Me Abdoulaye Wade, président de la République du Sénégal. Parce que si la ville sainte, dont il se réclame, « lui a tout donné », bien des citoyens de celle-ci reprochent à Me Wade de ne pas avoir renvoyé l'ascenseur. En clair, comme l'indiquent des proches de l'entourage du Khalife général des mourides, « si, dans le gouvernement, on compte des ministres proches du Clergé sénégalais et de la confrérie Tidiane en particulier, par contre on y trouve aucun ministre rattaché au staff mouride, à plus forte raison à son guide ; même pas un poste de commissaire au pèlerinage à La Mecque  », renchérissent-ils. Pourtant, relèvent-ils, dans l'entourage « immédiat » de Serigne Saliou Mbacké, ce ne sont pas les compétences « dans tous les domaines et en plus polyglottes » qui manquent. Me Madické Niang, ministre de la République , précisent-ils, a été nommé plus pour avoir été avocat du chef de l'État que pour son appartenance à la communauté mouride. Le ranch de Dolli aura été la goutte de trop dans le vase. Car, « si Abdou Diouf avait, en tant que Tidiane de conviction, ficelé tous les dossiers du périmètre de Khelcom avant d'en faire un don par surprise au Khalife, le prétendu mouride Wade a lui ébruité sa volonté d'attribuer à Serigne Saliou une partie du ranch de Dolli ; une volonté qui marque le pas ». Car, la visite rendue par le ministre d'État Djibo Kâ au Khalife général des mourides, pour revenir sur l'octroi de ce domaine, aura tellement affecté le Khalife que nos sources avancent que le marabout avait envoyé vers le chef de l'État le président de la communauté rurale de Touba-mosquée, Serigne Makhtar Diakhaté. D'ailleurs, bien des voix de la sainte ville se demandent à présent si M. Diakhaté avait « réellement transmis » à Me Wade les propos du Khalife général des mourides. Aujourd'hui, ajoutent nos sources, Serigne Saliou ne voudrait plus d'un Dolli qui a fait coulé beaucoup d'encre et de salive, et en plus « cadeau très désiré par son donateur ». Touba s'éloignerait de son disciple Me Wade, du fait que bien des habitants de la cité reprochent au non moins secrétaire général du Parti démocratique sénégalais (Pds) d'avoir transformé la sainte cité en « ring politique » où s'affrontent, « en toute indécence », des libéraux. Nos sources relèvent que sous les régimes de Senghor et de Diouf, « jamais des armes n'ont été brandies à Touba, et des insultes proférées en public par des politiciens ; en plus, membres d'un même parti ». S'y ajoute que la Résidence Khadimou Rassoul, située juste en face de la grande Mosquée de Touba, serait devenue comme « une permanence » du Pds. Ainsi, la récente décision du Khalife général des mourides d'interdire toute manifestation politique à Touba contenterait bon nombre d'habitants de la ville et de disciples de cette communauté,  surtout qu'elle met tous les leaders politiques « à égale distance » du Saint homme. Nos sources regrettent également le fait que le régime de l'alternance n'ait réalisé dans la zone « aucune unité de production », qui fixerait mieux les populations sur place. Elles reconnaissent quand même les efforts de l'État pour la réussite du grand Magal de Touba, au cours duquel la ville accueille des millions de pèlerins. Wade saura-t-il se réconcilier, à temps, son marabout ; et reconquérir politiquement la sainte ville, sans tambour ni trompette ? L'équation est posée à quelques près de sept mois des prochaines élections. C'est dire qu'il est bien loin ce jour où dans la liesse populaire, il passait le premier jour de son mandat présidentiel à Touba.